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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Entretiens avec les employés en lock-out du Journal de Montréal

Par Laurent Lafrance
10 août 2010

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En juillet dernier, la direction du Journal de Montréal, qui tient ses 253 employés en lock-out depuis plus de 550 jours, a mis à pied 9 travailleurs et suspendu 115 autres pour une durée variant d'une semaine à un an. Cette décision intervient après un jugement rendu par la Cour supérieure le mois précédent qui a trouvé ces employés coupables d'outrage au tribunal pour avoir participé en juillet 2009 à une occupation de la salle de rédaction du journal en dépit d'une injonction.

Quelque temps avant ces derniers développements, des reporters du World Socialist Web Site ont visité les lignes de piquetage et discuté avec les travailleurs présents de la nécessité d'adopter une nouvelle perspective politique pour éviter une défaite. Ceci devient encore plus urgent avec la nouvelle attaque lancée contre les travailleurs par la direction du Journal. Le texte qui suit est un compte-rendu de la visite du WSWS.

* * *

Le Journal de Montréal est un quotidien appartenant à Quebecor - un des plus importants conglomérats médiatiques au Canada - qui tente d'influencer la politique québécoise en servant de porte-voix aux sections les plus à droite de l'élite dirigeante au Québec. Le Journal continue d'être publié à l'aide de plusieurs moyens orchestrés par sa direction, avec le plein soutien du système judiciaire. L'un de ces moyens est la « convergence de l'information » provenant de ses autres entités d'information comme Canoë, le Journal de Québec, 24 heures, et l'agence de presse QMI (Quebecor Media Inc.).

Des travailleurs en lock-out du Journal de Montréal sur les lignes de piquetage

Selon un travailleur rencontré sur les lignes de piquetage : « La direction utilise son agence de presse, Quebecor Média Inc., comme organe central de toute l'information des médias de Quebecor pour ensuite redistribuer le contenu aux entités. Le Journal de Montréal est le principal fournisseur d'information de Quebecor ». Les journalistes du Journal s'opposent à ce que Quebecor utilise leurs articles sur toute sa chaine de publication sans compensation supplémentaire. Ils sont allés en cour sur cette question, mais leur requête a été rejetée sous le prétexte que d'autres agences de ce type existent, comme l'Agence de presse canadienne. Les travailleurs ont fait appel de ce jugement.

Un travailleur interrogé a souligné que « la direction était moins hostile aux travailleurs lorsqu'ils nous côtoyaient quotidiennement au journal, mais leur vraie nature sort au grand jour maintenant que le conflit est enclenché ».

Des travailleurs ont aussi expliqué que la direction aurait eu recours aux services de briseurs de grève depuis le début du conflit. « Le syndicat a déposé une plainte devant la commission des relations de travail relativement à l'utilisation de briseurs de grève, mais elle fut rejetée car la loi ne prévoit pas qu'un individu puisse travailler à l'extérieur de l'établissement grâce aux nouvelles technologies (Internet) ». Autrement dit, les entreprises peuvent utiliser les moyens modernes de communication pour contourner à volonté la loi anti-briseurs de grève.

L'impression du Journal de Montréal se fait également à l'extérieur de l'établissement. Comme l'a expliqué un employé en lock-out : « Ceux qui impriment sont des travailleurs syndiqués, les anciens pressiers qui travaillaient ici à Montréal, dans la bâtisse du journal, mais qui travaillent maintenant à Mirabel depuis que la production a déménagé ». Les pressiers du Journal font partie d'un autre syndicat, dont la direction décide consciemment de ne pas soutenir les membres du STIJM (Syndicat des travailleurs à l'information du Journal de Montréal, affilié à la CSN) en lock-out.

Depuis le début du conflit, les travailleurs du Journal de Montréal sont confinés à manifester selon les règles de leur employeur et de la Cour. À cet égard, une travailleuse a mentionné : « Il y a des gardiens de sécurité et des voitures qui nous suivent. Il y a eu une injonction nous interdisant de faire du piquetage à moins de 50 mètres du Journal. Il y a une limite sur le nombre d'endroits pour faire du piquetage. C'est interdit de faire du piquetage à moins de 50 mètres devant les annonceurs du Journal et il est interdit d'être plus que deux. »

Le lock-out a été déclenché par Quebecor après que les travailleurs aient rejeté ses demandes draconiennes visant à augmenter de 25 pour cent le nombre d'heures travaillées sans compensation salariale aux travailleurs ; réduire de 20 pour cent les avantages sociaux; couper plus de 75 postes ; introduire la sous-traitance dans toutes les tâches ; et publier les articles des journalistes et chroniqueurs dans tout l'éventail de publication du conglomérat sans compensation additionnelle pour les auteurs.

La veille de la visite du WSWS, les travailleurs du Journal de Montréal manifestaient devant les bureaux de Quebecor où se tenait une assemblée annuelle des actionnaires qui a vu le PDG de Quebecor, Pierre-Karl Péladeau, annoncer une augmentation de 5 pour cent du chiffre d'affaires pour le premier trimestre 2010, comparativement à la même période l'année dernière. Selon le site branchez-vous.com : « Le secteur médias d'information à lui seul a enregistré une hausse de 34,7 pour cent de son bénéfice d'exploitation. Pour le conglomérat médiatique ces gains sont le fruit des mesures de restructuration, dont l'intégration opérationnelle de Canoë à Corporation Sun Media et le déploiement d'Agence QMI ».

Questionné sur les coupures que Quebecor impose aux travailleurs du Journal de Montréal, un travailleur a mentionné qu'il « trouve immoral et ne comprend pas qu'une entreprise, qui est une machine à imprimer de l'argent (en parlant du Journal de Montréal), puisse mener une telle attaque sur ses employés ».

Jusqu'à présent, sa « restructuration » a permis à Quebecor d'augmenter ses revenus par la suppression d'emplois, dont 600 à sa filiale Sun Media et près d'une vingtaine au journal le Réveil, par une augmentation des heures de travail au Journal de Québec et par le lock-out et les récentes mises à pied au Journal de Montréal. Péladeau a déclaré à cet effet qu'« une nouvelle philosophie d'entreprise doit prévaloir si nous voulons sauver à terme notre activité historique de presse écrite ».

Questionné sur la stratégie avancée par le syndicat de faire appel au gouvernement afin de régler le conflit au Journal de Montréal, un travailleur voyait en cela une bonne façon de ramener l'employeur à la table de négociation. Il a dit : « Le conflit ne touche pas les autres travailleurs et je comprends que les travailleurs, membres de différents syndicats, ne pouvaient arrêter de travailler pour soutenir notre lutte. Je trouve l'idée de faire un appel à la grève générale au Québec fort sympathique, mais impossible et irréalisable ».

Ce commentaire montre à quel point la direction du STIJM et de la CSN, qui tente depuis le début du conflit d'isoler la lutte de ses membres et d'éviter tout appel à un appui plus large des travailleurs, sème la confusion et la démoralisation dans ses propres rangs. Le fait est que les mesures draconiennes dont sont victimes les employés du Journal font partie d'un assaut généralisé de la classe dirigeante sur les travailleurs. Par exemple, le gouvernement Charest a récemment déposé un des budgets les plus austères et les plus à droite au Québec depuis la Deuxième Guerre mondiale. Dans ces conditions, un appel des travailleurs du Journal de Montréal à l'ensemble de la classe ouvrière aurait un puissant écho.

Le syndicat a plutôt fait appel aux actionnaires de Quebecor - ceux-là mêmes qui profitent des attaques drastiques contre les travailleurs - pour qu'ils fassent pression sur l'entreprise pour la reprise des négociations.

Lorsque les reporters du WSWS ont souligné que Péladeau désirait casser le syndicat pour mener des attaques encore plus drastiques contre les travailleurs, un employé interviewé a acquiescé, tout en ajoutant que « Péladeau est un cas isolé. Suite à ses propos anti-syndicalistes présentés dans une lettre ouverte il y a quelques mois, il s'est fait remettre à sa place par des gens très influents, par les patrons du Québec Inc. ».

Il est vrai que les patrons du « Québec Inc. » reconnaissent dans leur grande majorité le rôle clé qu'ont historiquement joué les syndicats pour imposer la paix industrielle et sociale au Québec en étouffant les luttes de leurs membres. Mais ils débattent entre eux sur la meilleure manière d'intensifier l'attaque sur la classe ouvrière. Une section trouve plus sage de continuer à utiliser les services de la bureaucratie syndicale pour imposer les coupes encore plus draconiennes qu'exige un système capitaliste en crise terminale. Une autre section, représentée par les « lucides » (un groupe d'anciens politiciens et hommes d'affaires retraités très influents au Québec), pousse le gouvernement à adopter une ligne beaucoup plus dure à l'égard des travailleurs et des services publics, et à écarter au passage les syndicats.

Péladeau fait partie de ce second courant, qui est loin d'être marginal, comme en témoigne l'appui qu'a recueilli le récent budget de droite du gouvernement Charest dans tout l'establishment politique et médiatique.

Les chefs syndicaux du STIJM et de la CSN présentent Péladeau comme un « mauvais » capitaliste, non pas parce qu'il attaque sans cesse les intérêts des travailleurs, mais parce qu'il attaque la position historique privilégiée qu'occupent les syndicats dans le processus de négociations et dans le système d'organisation tripartite syndicat-patronat-gouvernement.

La dernière année et demie passée en lock-out a démontré le courage et la combativité des travailleurs du Journal de Montréal. Les récentes mises à pied et suspensions orchestrées par Quebecor sont un nouvel acte de provocation. La complicité de la Cour dans cette campagne visant à imposer un recul considérable des conditions de travail démontre que les travailleurs en lock-out font face à une lutte politique.

Pour éviter la défaite, ils doivent bâtir un comité de lutte indépendant de l'appareil syndical et lancer un large appel aux travailleurs de toute la province en faveur d'une contre-offensive commune contre les compressions salariales, la destruction des emplois et le démantèlement des services publics.

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