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Déclaration de principes du Parti de l'égalité socialiste (Australie)

Première partie

26 avril 2010

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Le World Socialist Web Site publie ici la Déclaration de principes du Parti de l'égalité socialiste (Australie). Ce document a été adopté à l'unanimité lors du congrès fondateur du parti qui s’est tenu à Sydney du 21 au 25 janvier. Nous publions ici la première partie de cette déclaration.

Les tâches mondiales du Parti de l'égalité socialiste

1. Le Parti de l'égalité socialiste (PES) est la section australienne du Comité international de la Quatrième Internationale, le parti mondial de la révolution socialiste fondé par Léon Trotsky en 1938. Les principes du PES incorporent les leçons des expériences stratégiques de la classe ouvrière internationale tout au long du 20e siècle et de la lutte menée par les marxistes pour le programme de la révolution socialiste mondiale. La révolution socialiste, c'est-à-dire l'entrée en force des masses dans la lutte politique consciente, ouvre la voie à la transformation la plus grande et la plus progressiste de l'organisation sociale dans l'histoire mondiale — la fin de la société basée sur les classes et, par conséquent, de l'exploitation des êtres humains par d'autres êtres humains. Une transformation si grande est l'œuvre de toute une époque historique. Les principes du PES sont tirés des expériences de cette époque, qui s'est ouverte par l'éclatement de la Première Guerre mondiale en 1914, rapidement suivie par la conquête du pouvoir par la classe ouvrière russe au cours de la Révolution d'octobre 1917.

2. La Quatrième Internationale a été forgée dans la lutte implacable menée par les internationalistes marxistes, menés par Léon Trotsky, contre la dégénérescence bureaucratique de l'Union soviétique et la trahison du programme de la révolution socialiste mondiale par le régime dictatorial de Staline et ses hommes de main. La source politique de cette trahison, qui a en fin de compte entraîné la dissolution de l'URSS en 1991, était la substitution du nationalisme à l'internationalisme par le régime stalinien.

3. La révolution socialiste est internationale dans son ampleur. Comme l'a écrit Trotsky, « La révolution socialiste commence sur l'arène nationale, se développe sur l'arène internationale et se conclut sur l'arène mondiale. Ainsi, la révolution socialiste devient une révolution permanente dans un sens nouveau et plus large donné à ce mot; elle ne s'achève que par la victoire finale de la nouvelle société sur toute notre planète. » Ce principe fondamental de la Quatrième Internationale, qui a été forgé dans la lutte contre la « théorie » stalinienne du « socialisme dans un pays », définit le programme et l'identité du PES. La stratégie de la classe ouvrière, en Australie et dans tous les pays, doit découler d'une analyse des conditions mondiales. L'ère des programmes nationaux s'est terminée par l'éclatement de la Première Guerre mondiale. Près de cent ans plus tard, avec la croissance et l'intégration colossales de l'économie, les conditions économiques mondiales et les exigences des rivalités inter-impérialistes et inter-capitalistes sont les facteurs principaux de la vie nationale. Ainsi, comme l'expliquait Trotsky, « L'orientation nationale doit et ne peut que découler d'une orientation mondiale et non l'inverse. » Que les luttes révolutionnaires de la classe ouvrière éclatent dans un pays capitaliste avancé ou moins développé — que ce soit en Amérique du Nord, du Sud, en Europe en Afrique en Asie ou en Océanie — la conflagration sociale prendra nécessairement une tournure globale. La révolution socialiste ne sera pas et ne pourra pas être complétée dans un cadre national. Elle sera, comme Trotsky l'a anticipé dans sa théorie de la révolution permanente, achevée sur la scène internationale.

4. Le programme du Parti de l'égalité socialiste exprime les intérêts de la classe ouvrière, la principale force sociale révolutionnaire dans la société capitaliste moderne. Le PES s'efforce, en s'appuyant sur ce programme, d'unifier et de mobiliser la classe ouvrière pour la conquête du pouvoir politique et l'établissement d'un état ouvrier en Australie. Ce faisant, il créera les conditions objectives nécessaires au développement d'une société authentiquement démocratique, égalitaire et socialiste. Ces objectifs ne peuvent être atteints que dans le cadre d'une stratégie internationale, dont le but est l'unification globale des travailleurs de tous les pays et la création des États socialistes unis du monde.

La crise du capitalisme

5. Le capitalisme, et le système impérialiste qui s'est développé sur ses fondations économiques, sont la cause fondamentale de la pauvreté humaine, de l'exploitation, de la violence et des souffrances du monde moderne. En tant qu'organisation des relations socio-économiques, il a épuisé depuis longtemps son rôle historiquement progressiste. L'histoire sanglante du 20e siècle — y compris deux guerres mondiales, d'innombrables conflits « locaux », le nazisme et les autres formes de dictature militaro-policière, les poussées de génocide et de pogroms communautaires — constitue une mise en accusation sans équivoque du système capitaliste. Les victimes de violences liées au capitalisme se comptent par centaines de millions. Il faut encore y ajouter les peuples de continents entiers relégués dans une pauvreté sans fin.

6. L'ampleur gigantesque des forces productives actuelles et les formidables avancées technologiques sont plus que suffisantes non seulement pour abolir la pauvreté, mais pour garantir à chaque être humain un niveau de vie élevé. La culture devrait être florissante au milieu d'une richesse matérielle sans précédent. Au lieu de cela, les conditions de vie de la classe ouvrière se détériorent et la culture humaine, privée de toute perspective, de tout espoir dans l'avenir, est dans une crise profonde. La source des contradictions entre ce qui est et ce qui devrait être se trouve dans un système économique global qui s'appuie sur la propriété privée des moyens de production, et la division irrationnelle du monde en Etats-nations rivaux.

7. Tous les efforts déployés pour relever le niveau de vie de la classe ouvrière et régler les grands problèmes sociaux échouent devant la barrière du système de profit et ses impératifs économiques, devant l'anarchie du marché capitaliste, et devant l'avarice insatiable de la classe dirigeante. L'affirmation selon laquelle le marché capitaliste alloue les ressources d'une manière infaillible et arbitre sagement entre les besoins sociaux est discréditée aux yeux de millions de gens par les scandales et les faillites où l'on compte en milliards de dollars, qui ont perturbé le système économique mondial au cours de la dernière décennie. La ligne de démarcation entre les transactions financières « légitimes » et la fraude punissable s'est amincie jusqu'à devenir presque invisible. La séparation entre le processus d'accumulation de richesses personnelles d'une part et la production et la création de véritable valeur d'autre part est une autre expression de la putréfaction du système capitaliste.

8. Le conflit insoluble entre le système de profit et la survie même de l'humanité s'exprime encore ailleurs, dans la crise du réchauffement climatique et de l'environnement naturel. La cause de cette crise n'est pas la surpopulation ou la surconsommation. Elle ne résulte pas du développement de la science, de la technologie et des forces productives de l'humanité — qui sont nécessaires à l'avancée de la civilisation humaine — elle résulte de leur mauvais usage par un ordre social et économique obsolète qui rend impossible toute mise en application d'une solution vraiment rationnelle. Les données scientifiques indiquent qu'il ne faut rien de moins que la réorganisation socialiste de l'économie mondiale — dans laquelle l'environnement n'est plus tenu en otage par les motivations de profit privé et des intérêts nationaux destructeurs — pour réaliser les énormes réductions des émissions de gaz à effet de serre nécessaires pour empêcher un désastre.

9. La solution à la crise économique mondiale et à la détérioration de la position sociale de la classe ouvrière ne se trouve pas dans la réforme du capitalisme, car il n'est plus réformable. La crise est de nature systémique et historique. Tout comme le féodalisme a cédé la place au capitalisme, le capitalisme doit céder la place au socialisme. Les ressources essentielles, industrielles, financières, technologiques et naturelles, doivent être sorties de la sphère marchande capitaliste et de la propriété privée, transférées à la société et placées sous la surveillance et le contrôle démocratiques de la classe ouvrière. L'organisation de la vie économique sur la base de la loi de la valeur capitaliste doit être remplacée par sa réorganisation socialiste sur la base de la planification économique démocratique, dont le but doit être de répondre aux besoins sociaux.

L'impérialisme et la guerre

10. Alors que le système économique fonctionne à l'échelle mondiale, l'industrie et la finance étant contrôlées par des corporations transnationales, le capitalisme reste ancré dans une organisation en différents Etats-nations. En fin de compte, l'Etat national sert de base d'opération à partir de laquelle la classe dirigeante de chaque pays cherche à réaliser ses intérêts sur la scène mondiale. La tendance incontrôlable des principaux Etats capitalistes à rechercher la domination géopolitique, les sphères d'influence, les marchés, le contrôle des ressources vitales et l'accès au travail le moins cher, entraîne inévitablement des guerres. La doctrine de la « guerre préventive » inventée par le gouvernement Bush en 2002 — en violation de la jurisprudence établie au procès de Nuremberg en 1946 — légitime la guerre en tant qu'instrument de la politique et prépare une escalade sans fin de la violence.

11. Le Parti de l'égalité socialiste condamne sans appel la « Guerre au terrorisme » comme un prétexte frauduleux à l'usage de la violence militaire et à la destruction des droits démocratiques. Le PES dénonce le gouvernement et les médias qui vilipendent ceux qui s'opposent à l'occupation de leur pays en les traitant de « terroristes ». Le PES défend le droit fondamental des gens à se défendre eux-mêmes, leurs foyers et leurs pays, contre les envahisseurs néocoloniaux. Cette position de principe ne réduit en rien l'opposition du PES aux actes de violence contre des civils innocents que ce soit dans les pays occupés ou n'importe où dans le monde. De tels actes, qui peuvent être légitimement définis comme terroristes, sont politiquement réactionnaires. Le meurtre de civils innocents enrage, désoriente et ne fait qu'ajouter de la confusion dans l'esprit du public, il renforce les divisions religieuses ou communautaires dans les pays occupés. Lorsqu'il est pratiqué dans d'autres pays, le terrorisme sape la lutte pour l'unité de la classe ouvrière. Il joue en faveur de ceux qui, au sein des structures officielles, s'emparent de ces événements pour justifier et légitimer le recours à la guerre.

12. Le PES exige le retrait immédiat de toutes les troupes australiennes comme des autres forces étrangères d'Irak et d'Afghanistan, et appelle à la fin des menaces contre l'Iran et les autres pays considérés comme des obstacles aux intérêts globaux de l'impérialisme américain et de ses alliés. Le PES s'oppose à la participation de personnel militaire australien aux missions de « gardiens de la paix » de l'ONU, lesquelles ne sont qu'une couverture pour les intérêts d'une puissance impérialiste ou d'une autre, et défend l'abrogation de toutes les alliances militaires impérialistes et la fermeture de toutes les bases militaires à l'étranger. Le PES encourage et soutient les plus larges manifestations contre le militarisme et la guerre. Il affirme cependant clairement que les causes de la guerre sont contenues dans la structure économique de la société capitaliste et de sa division politique en Etats-nations et, qu'en conséquence, la lutte contre le militarisme impérialiste et la guerre ne peut être un succès que dans la mesure où elle mobilise la classe ouvrière contre le système capitaliste, sur la base d'une stratégie et d'un programme révolutionnaires internationaux.

13. L'Australie est une puissance impérialiste qui cherche à réaliser ses intérêts économiques et géopolitiques prédateurs à l'étranger, en particulier dans la zone du Pacifique. Même avant l'établissement de la fédération en 1901 [avant cela c'était une colonie, ndt], les élites dirigeantes australiennes ont cherché à obtenir un accès aux ressources naturelles et au travail à faible coût de la zone Pacifique. En tant que puissance secondaire, l'Australie a toujours opéré sous l'égide d'un parrain impérialiste plus puissant : avant 1941 c'était l'Empire britannique et après ce furent les États-Unis. En échange du parrainage britannique, la bourgeoisie a déployé des troupes dans l'intérêt des britanniques dans les guerres anglo-maori du 19e siècle, au Soudan, dans la guerre des Boers, la révolte des Boxers et les deux guerres mondiales. Après la Seconde Guerre mondiale, des gouvernements libéraux et travaillistes successifs ont envoyé des troupes soutenir les guerres impérialistes en Corée, en Malaisie, au Vietnam et au Moyen-Orient, c'était un échange de bons procédés pour obtenir un soutien dans leurs propres ambitions néocoloniales. Avec l'intensification de la compétition entre les grandes puissances, alimentées par l'influence croissante de la Chine dans la région, la bourgeoisie australienne s'est lancée dans des interventions militaro-policières néocoloniales et l'occupation du Timor-Oriental et des îles Salomon. Ces actions ne relèvent pas du souci « humanitaire » envers la population locale, mais du pillage des ressources naturelles de ces Etats insulaires déjà appauvris, ainsi que de la consolidation des intérêts géostratégiques de l'Australie et des États-Unis contre leurs rivaux régionaux. Le Parti de l'égalité socialiste s'oppose sans équivoque aux interventions impérialistes de l'Australie et exige le retrait immédiat et inconditionnel de tous les policiers, militaires et agents de renseignement de la zone Pacifique.

L'Etat capitaliste et le parlementarisme

14. La prémisse essentielle à la réalisation de politiques socialistes est la conquête du pouvoir politique par la classe ouvrière et l'établissement d'un Etat ouvrier. Alors que la classe ouvrière doit se servir de tous les droits démocratiques et légaux disponibles dans la lutte pour le pouvoir, une vaste expérience historique a démontré qu'elle ne peut pas mener la réorganisation de la société dans le cadre des institutions existantes de la démocratie bourgeoise et de l'Etat capitaliste. Il ne peut y avoir aucune route parlementaire vers le socialisme. La définition marxiste classique de l'Etat comme instrument de la domination de classe, constitué « pas simplement d'hommes armés mais aussi d'adjonctions matérielles, de prisons et d'institutions de coercition de toutes sortes » (Engels), est encore plus vraie aujourd'hui qu'elle ne l'était un siècle plus tôt. Sa simple existence témoigne de la division de la société en classes irréconciliablement antagonistes. L'Etat bourgeois est un instrument qui défend la dictature politique de la classe capitaliste. Même d'un point de vue juridique, la bourgeoisie se réserve le droit d'écarter les normes constitutionnelles de base et la jurisprudence pour défendre sa domination — comme cela s'est produit lors du coup constitutionnel de 1975, où le gouvernement travailliste de Whitlam régulièrement élu a été déposé par le représentant de la Reine, le gouverneur général.

15. Des droits démocratiques acquis à une époque historique antérieure ont été vidés de leur substance. Les puissants mécanismes répressifs dont dispose l’Etat ont été grandement étendus et renforcés. L’Australie se range parmi les quinze pays au monde qui dépensent le plus dans le domaine militaire, se classant devant Israël, l’Iran, le Brésil et la Turquie ; on estime que le personnel de l’Agence de la sécurité et des services secrets ASIO est de 300 pour cent plus important en 2010 qu’en 2000 ; la Police fédérale australienne a été dotée de pouvoirs sans précédent, et dispose de sa propre unité paramilitaire internationale. Les Australiens n’exercent aucune surveillance ou contrôle effectifs sur ces institutions répressives. Comme aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et ailleurs, la « guerre contre le terrorisme » a été utilisée pour saper les droits démocratiques et légaux de base — y compris l’habeas corpus et la liberté d’expression. Les lois « anti-terreur » qui n’arrêtent pas de s’étendre ont déjà créé le cadre d’un Etat policier.

16. Le droit des citoyens australiens à accorder leur suffrage au candidat de leur choix et en toute connaissance de cause dans les élections a été dramatiquement érodé. Des lois électorales anti-démocratiques imposent de sévères restrictions à la capacité des partis politiques, autres que les principaux partis bourgeois, à faire figurer leur nom sur un bulletin de vote. Associées à une censure systématique dans les médias des campagnes électorales des partis opposés à l'establishment politique officiel, ces lois électorales visent à étayer les arrangements parlementaires actuels financés par les grandes entreprises. De plus, « la liberté de la presse » ne veut plus dire grand-chose lorsque de grands organes de presse sont contrôlés par un petit nombre de conglomérats et les chaînes publiques ABC et SBS se livrent à une autocensure stricte dans l'intérêt de l’establishment officiel. Il y a de nombreuses indications selon lesquelles Internet, qui avait permis à des opinions dissidentes de se faire entendre, sera de plus en plus soumis à des règlements liberticides.

La démocratie et la lutte pour le pouvoir ouvrier

17. La défense des droits démocratiques est inséparablement liée à la lutte pour le socialisme. Tout comme il ne peut y avoir de socialisme sans démocratie, il ne peut y avoir de démocratie sans socialisme. L'égalité politique est impossible sans l'égalité économique. Comme la lutte contre la guerre, la lutte pour défendre et étendre les droits démocratiques requiert la mobilisation indépendante de la classe ouvrière, en s'appuyant sur un programme socialiste pour conquérir le pouvoir étatique.

18. L'établissement du pouvoir ouvrier requiert bien plus que l'élection de candidats socialistes dans les institutions existantes de l'Etat bourgeois. De nouvelles formes et structures de démocratie authentiquement participative — apparaissant au cours de luttes révolutionnaires de masse et représentatives de la majorité ouvrière de la population — doivent êtres développées pour servir de fondations à un gouvernement ouvrier, c'est-à-dire, un gouvernement de, par et pour les travailleurs. La politique d'un tel gouvernement, lorsqu'il introduira les mesures essentielles à une transformation de la vie économique, sera d'encourager et de promouvoir activement une vaste expansion de la participation démocratique de la classe ouvrière et son contrôle sur les processus de décision. Il favorisera l'abolition des institutions existantes qui servent soit à restreindre les processus démocratiques ou à être des centres de conspiration contre la population  (tels que les représentants de la Couronne, l'armée de métier, la police, et tout l'appareil de renseignement). Ces changements et d'autres tout aussi nécessaires d'un caractère profondément démocratique, qui devront être déterminés par les masses elles-mêmes, ne sont possibles que dans le contexte de la mobilisation de masse de la classe ouvrière, armée d'une conscience socialiste.

L'indépendance politique de la classe ouvrière

19. La lutte pour le pouvoir requiert l'indépendance politique inconditionnelle de la classe ouvrière par rapport aux partis, aux représentants politiques et aux agents de la classe capitaliste. En premier lieu, elle nécessite une rupture politique consciente avec le Parti travailliste australien. Le Parti travailliste a été créé par les syndicats en 1891, attirant un soutien important de la part de la classe ouvrière pour permettre l'atténuation des excès du capitalisme. Cependant, le Parti travailliste était, dès sa création, un parti bourgeois, explicitement opposé au marxisme et dédié au service des intérêts les plus profonds de la bourgeoisie. Son programme fondateur — qui incluait le soutien au protectionnisme, au racisme de l'Australie blanche, et au système d'arbitrage [créé en 1904 qui autorise le gouvernement fédéral à régler un conflit social, ndt] — est devenu l'idéologie nationale de l'Etat-nation fédéral australien. Tout au long de ses 120 ans d'histoire, la défense par le Parti travailliste du système de profit, sa promotion du nationalisme et son hostilité envers tout mouvement indépendant de la classe ouvrière ont été une constante — qu'il ait été au pouvoir ou dans l'opposition. Dans un contexte où la bourgeoisie opérait dans le cadre de réglementations nationales protectrices et était capable d'accorder certaines concessions limitées et certaines réformes, le Parti travailliste proposait un programme national réformiste qui servait à subordonner la classe ouvrière à l'Etat capitaliste. Avec la fin de ce contexte, liée à l'émergence de la production globalisée, le Parti travailliste, comme ses équivalents sociaux-démocrates de par le monde, a abandonné son programme réformiste et est ouvertement devenu le défenseur du libre marché, de la compétitivité internationale et de la destruction des réformes sociales du passé. Il fonctionne maintenant ouvertement comme un brutal représentant du capital financier et des grandes entreprises. Parmi les responsabilités politiques les plus importantes du Parti de l'égalité socialiste il y a la défense, l'incitation et la promotion d'une rupture décisive et irrémédiable entre la classe ouvrière et le Parti travailliste australien ainsi qu'avec tout le système bipartisan.

20. L'opposition du PES au Parti travailliste et au système bipartisan n'implique pas une obligation de soutenir, indépendamment de son programme, n’importe quelle opposition politique qui peut émerger hors des deux principaux partis. Il y a de nombreux exemples dans l'histoire politique australienne de campagnes montées par de prétendus « troisièmes partis » (le Parti de l'Australie, les Démocrates australiens, le Parti du désarmement nucléaire, le parti d’extrême droite One Nation et les Verts) ou par divers « indépendants » qui ont adressé des appels à ceux qui étaient mécontents du système politique et social sans proposer quelque chose de programmatiquement différent, du point de vue des intérêts de la classe ouvrière. Dans certaines périodes, de tels mouvements peuvent servir l'élite dirigeante — y compris par l’apport de ressources financières et une couverture médiatique — pour mettre au point un changement politique ou créer une soupape de sécurité politiquement impotente mais utile face à la montée de la tension sociale.

21. Les Verts sont un cas d'école. Devant la désaffection grandissante envers le Parti travailliste et le système des deux partis — en particulier chez les jeunes — la bourgeoisie a consciemment promu les Verts comme moyen d'orienter l'opposition politique vers des eaux plus calmes. Loin de représenter une alternative aux principaux partis capitalistes, les Verts sont d'ardents défenseurs du système de profit et de l'impérialisme australien. Ils veulent une présence militaire australienne plus importante dans le Pacifique Sud, soutiennent les interventions néocoloniales au Timor-Oriental et aux îles Salomon, et ils ont soutenu, au Sénat, le renforcement d'une loi « anti-terroriste » antidémocratique. Ils affirment s'opposer à la destruction de l'environnement, mais ils défendent la propriété privée et le système d'Etats-nations qui sont responsables de la menace imminente qui pèse sur l'existence future de la civilisation humaine. Les Verts sont devenus un composant important de l'establishment politique officiel, fonctionnant en quasi-coalition avec le Parti travailliste. En Australie, et dans d'autres pays, les politiciens Verts ont participé à des gouvernements de coalition et rendu des services importants à l'Etat capitaliste. Les diverses tendances des classes moyennes anciennement de gauche s'alignent, à des degrés divers, sur les Verts et à travers eux, sur le Parti travailliste. Fortement hostiles à l'émergence d'un mouvement politiquement indépendant de la classe ouvrière, les ex-radicaux mettent en avant le mythe que le Parti travailliste représente un « moindre mal » face aux partis libéraux ou nationalistes, au moment même où ils abandonnent toute association avec la politique marxiste.

22. En évaluant les tendances politiques, le PES considère que le critère décisif ne doit pas être leur position épisodique sur telle ou telle question, mais plutôt leur histoire, leur programme, leur perspective, ainsi que leur position de classe et leur orientation. L'histoire donne de multiples exemples de la classe ouvrière se faisant mener dans une voie sans issue par la formation d'alliances électorales qui avaient besoin, pour obtenir quelques gains éphémères dans les urnes, que les travailleurs sacrifient leurs intérêts politiques, économiques et sociaux les plus essentiels. Les alliances de type « Front populaire » formées par les staliniens et les partis sociaux-démocrates dans les années 1930 donnent l'exemple le plus tragique des conséquences du sacrifice à courte vue des intérêts historiques pour réaliser des coalitions plus larges, de plusieurs classes et par conséquent débilitantes, entre des intérêts sociaux incompatibles.

(A suivre)

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