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La fin du "Don't ask, don't tell" dans l'armée américaine
Par Tom Eley
30 décembre 2010
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Le week-end dernier, le Sénat américain a adopté par 65 voix contre 31 un
projet de loi qui autorisera les homosexuels, hommes ou femmes, à servir
dans l'armée des États-Unis ouvertement, mettant fin à la politique bigote
du "don't ask, don't tell" ["on ne demande rien, vous ne dites rien," ndt].
Le président Obama a promulgué la loi lundi dernier.
Le "don't ask, don't tell" avait été appliqué à partir du début des
années 1990 par le gouvernement Clinton comme un compromis entre les
demandes d'égalité des homosexuels dans les forces armées et l'opposition
âpre de la hiérarchie militaire à ce que des homosexuels servent ouvertement
dans leurs rangs. Une section du corps des officiers est toujours opposée à
ce changement, affirmant que le résultat sera une érosion de la cohésion au
sein des unités combattantes.
Le traitement des homosexuels a été lamentable et reflète l'atmosphère
généralement arriérée et réactionnaire qui prévaut dans les forces armées.
Ce n'est pas une armée de conscrits, mais une armée professionnelle de plus
en plus sous l'influence politique des chrétiens intégristes et d'autres
éléments de droite et qui n'a que du mépris pour le principe du contrôle des
autorités civiles sur l'armée. Même avec la fin du "don't ask, don't tell",
il est pratiquement certain que des cas sordides de persécution et de
brutalité contre les soldats homosexuels seront révélés.
Il y a un intérêt authentiquement démocratique à mettre fin à une
politique officielle qui discrimine les gens sur la base de leur orientation
sexuelle. Cependant, la manière dont est présentée ce revirement par le
Président Obama et ses partisans au congrès devrait servir de mise en garde
pour tous ceux qui s'imaginent que c'est une percée historique pour les
droits démocratiques. Ce qui prédomine, c'est le patriotisme à tout crin et
la glorification de l'armée américaine, ainsi que l'idée que ce changement
fera de l'armée une force de combat plus efficace.
« En tant que commandant en chef, je suis absolument convaincu que
réaliser ce changement ne fera que souligner le professionnalisme de nos
troupes en tant que force de combat la mieux dirigée et la mieux entraînée
que le monde ait jamais connue, » a déclaré Obama dans un communiqué
officiel.
Le sénateur Carl Levin, un Démocrate du Michigan, a déclaré qu'il
soutenait le projet « parce que les hommes et les femmes portant l'uniforme
des États-Unis qui sont homosexuels sont morts pour ce pays, parce que les
homosexuels portant cet uniforme mettent leurs vies en jeu, là, maintenant.
»
Les affirmations faites après le vote du Sénat selon lesquelles l'abandon
du "don't ask, don't tell" serait l'équivalent historique de la fin de la
ségrégation dans l'armée américaine en 1948 sont spécieuses. La fin du
racisme institutionnalisé dans l'armée américaine, qui prenait la forme
d'unités entièrement blanches ou noires, est intervenue dans le contexte de
la montée de la classe ouvrière après la guerre, et en particulier de la
montée de la lutte des travailleurs afro-américains contre la ségrégation
"Jim Crow" dans le Sud. Cela coïncidait avec la fin de la ségrégation dans
le baseball professionnel et les premiers pas du mouvement des droits
civiques.
Cela faisait partie d'une expansion générale – même si elle n'était en
aucun cas universelle – des droits démocratiques aux États-Unis, qui
allaient culminer dans les lois sur les droits civiques et sur le droit de
vote dans les années 1960.
Le changement actuel pour permettre aux soldats d'être ouvertement
homosexuels dans l'armée prend place dans des conditions historiques très
différentes, dominées par l'éclatement de la violence militaire américaine
sur toute la planète et dans le contexte d'un assaut de plus en plus poussé
contre les droits démocratiques fondamentaux. Ce même gouvernement qui est
revenu sur l'interdiction d'avoir des membres du service actif ouvertement
homosexuels continue à persécuter Julian Assange, fondateur de WikiLeaks,
dont la publication de documents militaires et diplomatiques a mis au grand
jour la nature prédatrice et brutale des guerres étrangères de l'armée
américaine. Ce même gouvernement affirme avoir le droit d'arrêter et même
assassiner de supposés terroristes, y compris des citoyens américains, sans
procès et sans même leur permettre de savoir sur quoi s'appuient les
accusations contre eux.
Le New York Times, le Washington Post, le Los Angeles Times, le Christian
Science Monitor, ont tous décrit le vote du sénat comme « historique ». Il y
avait de la jubilation parmi les groupes d'activistes des droits des
homosexuels dans tout ce qui passe pour la gauche aux États-Unis.
Mais l'annulation de la politique du "don't ask, don't tell" ne changera
en aucun cas le caractère de l'armée, pas plus que la fin de la ségrégation
raciale n'a mis fin à sa nature impérialiste, où que l'engagement de noirs
dans les services de police urbains n'a fait baisser les brutalités
policières, ou que l'élection d'un président afro-américain n'a changé la
nature de la présidence américaine.
L'armée américaine, responsable de plus de morts et de crimes que toute
autre armée depuis la Wehrmacht de Hitler, s'est débarrassée d'une politique
discriminatoire et irrationnelle. Que les soldats qui font pleuvoir la mort
et la destruction sur leurs villes et leurs villages puissent maintenant
déclarer ouvertement qu'ils sont homosexuels ne fera pas la moindre
différence pour les victimes de l'impérialisme américain en Afghanistan, au
Pakistan en Irak et ailleurs.
L'objectif principal de cette manœuvre est de donner un vernis "démocratique"
à la machine de mort américaine. C'est pour cette raison que le projet a été
défendu par le ministre de la défense Robert Gates, président de la
Conférence des chefs d'état-major l'amiral Mike Mullen, plusieurs sénateurs
et députés républicains, ou encore le Sénateur Joseph Liberman du
Connecticut, l'un des promoteurs les plus virulents à Washington de l'usage
immodéré de la violence militaire.
Les socialistes défendent sans équivoque les droits des homosexuels à
l'égalité totale, comme nous le faisons pour les droits des minorités
raciales, des femmes, et des immigrés.
Mais la défense des droits démocratiques est devenue une question de
classe urgente. Tous les droits les plus fondamentaux – liberté d'expression,
d'assemblée, d'opinion, la « Grande ordonnance » de l'Habeas Corpus [le
droit de ne pas être emprisonné sans jugement, ndt] – sont soumis à des
assauts permanents de la part de l'élite dirigeante; c'est une attaque qui
est liée aux assauts de cette élite dirigeante contre le niveau de vie de la
classe ouvrière aux États-Unis et ses guerres prédatrices à l'étranger.
Le droit à l'égalité ne peut être mis en avant que par la mobilisation
politique de la classe ouvrière, contre l'inégalité sociale et le
militarisme américain, et contre le système capitaliste qui lui donne
naissance.
(article original paru le 20 décembre 2010)