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  WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

La signification du « serment d’allégeance » d'Israël

Par Jean Shaoul
11 décembre 2010

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Le cabinet ministériel israélien prépare une loi qui exigera des personnes désirant obtenir la citoyenneté israélienne qu’elles donnent leur allégeance à « l'État d'Israël en tant qu'État juif et démocratique ». Actuellement, il faut donner son allégeance seulement à « l'État d'Israël ».

Cette mesure est clairement discriminatoire. Elle ne s'applique pas aux immigrants juifs, mais uniquement aux Palestiniens de la Cisjordanie et aux étrangers d’autre origine qui épouseront des citoyens arabes israéliens. Les immigrants non-juifs devront souscrire à une idéologie qui exclut un cinquième de la population existante d'Israël, les Arabes.

Le premier ministre Benjamin Netanyahou a aussi demandé que le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, reconnaisse le caractère juif de l'État d'Israël comme condition préalable aux pourparlers. Cela signifierait reconnaître que les Palestiniens qui ont fui leurs demeures ou en ont été chassés en 1948 et 1967, ainsi que leurs descendants, n'auraient pas le droit de retourner en Israël. Cela remettrait également en péril le statut des citoyens israéliens palestiniens.

Le cabinet a également appuyé la loi prévoyant la tenue d'un référendum national pour sanctionner la cession des territoires illégalement occupés (Jérusalem Est, la Cisjordanie, le plateau du Golan) aux Palestiniens ou aux Syriens par un traité de paix, compromettant les possibilités d'une telle entente.

Une volée de nouvelles mesures antidémocratiques et discriminatoires est en préparation, incluant un serment de loyauté pour les parlementaires israéliens visant les ministres palestiniens. Le parlement discute actuellement de la possibilité de criminaliser le fait de nier l'existence d'Israël, ou de souligner l'anniversaire de la Nakba (la catastrophe), le nom que donnent les Palestiniens au jour de la création d'Israël. Il sera illégal de transporter du matériel encourageant le boycott d'Israël. Les organismes gouvernementaux en possession de fonds en provenance d'autres nations devront déclarer toutes les contributions.

Un autre projet de loi va autoriser le comité d'admission des colonies en Cisjordanie à en refuser l'admission aux membres de minorités ethniques sur la base de leur religion et de leur opinion politique, limitant ainsi le droit de résidence exclusivement aux juifs. Il s'agit, en fait, d'une loi d'apartheid.

Israël se prépare activement à faire face à l'opposition prévisible de la population palestinienne. Il a récemment organisé un exercice de formation secret, mobilisant l'armée, des policiers et des gardiens de prison, afin de tester leur capacité à contenir des émeutes en cas d'une entente de type « les terres pour la paix » qui transférerait des villes arabes en Israël vers une nouvelle entité palestinienne, dépouillant par la même occasion les habitants de ces villes de leur citoyenneté israélienne.

Il fut un temps où seulement l'extrême droite parlait de « transfert de populations », un synonyme poli de nettoyage ethnique. Maintenant cela fait partie de la politique du gouvernement, même s’il ne le reconnaît pas ouvertement reconnu comme tel.

On trouve l’origine du projet de loi chez Avigdor Lieberman, le dirigeant du parti Ysrael Beiteinu, qui veut voir transférer les citoyens israéliens palestiniens vers une entité palestinienne putative. Il avait demandé à tous les citoyens israéliens palestiniens désirant joindre le gouvernement de coalition de Netanyahou de l'an dernier de prononcer un serment d’allégeance.

Bien que Netanyahou présente sa proposition de serment d’allégeance pour les nouveaux immigrants comme une mesure moins radicale que la demande originale de Lieberman, il n'en demeure pas moins autant en faveur du serment d’allégeance et d'un transfert de population que son partenaire de coalition. En 2003, il avait caractérisé la population palestinienne d'Israël de « bombe à retardement démographique » et dit qu'il était nécessaire d'assurer une majorité juive si le caractère juif d'Israël devait être maintenu.

Tzipi Livni, dirigeant du parti d'opposition Kadima, a elle aussi demandé que les citoyens palestiniens d'Israël soient déplacés vers une nouvelle entité palestinienne lorsqu'elle sera créée, si jamais elle l’était un jour. Elle s'est opposée au projet parce que cela causerait « des conflits internes et des dommages [à l'image d'Israël dans le monde] », tout comme certains membres au sein du Likoud de Netanyahou.

Isaac Herzog, le ministre travailliste des Affaires sociales, a déclaré « Il y a un relent de fascisme aux marges de la société israélienne. La vue d'ensemble est très dérangeante et menace le caractère démocratique de la société israélienne. Il y a eu un tsunami de mesure limitant les droits... nous allons payer chèrement pour cela. »

Ehoud Barak, le ministre de la Défense et président du Parti travailliste, qui se présente comme étant la voix de la raison dans le cabinet Netanyahou, a cherché à prendre ses distances du projet de loi, suggérant plutôt que les non-juifs voulant obtenir la citoyenneté déclarent leur loyauté à la « Déclaration d'indépendance » d'Israël, qui définit elle aussi Israël comme étant un État juif. Ceci reprend la demande du législateur de la droite fanatique, le rabbin Meir Kahane, qui en 1984, demanda que tous les non-juifs face serment d'allégeance à l'État juif et signent la Déclaration d'indépendance.

Plus de 6000 Israéliens juifs et palestiniens sont descendus dans les rues de Tel-Aviv pour protester contre le projet de loi. Ahmad Tibi, un législateur israélien arabe, a dit : « Aucun autre État au monde ne force ses citoyens à prêter serment à une idéologie ». Il accusa Netanyahou d'être derrière « un plan de nettoyage ethnique graduel, déplaçant le plus possible d'Arabes, tout en créant un Israël juif homogène ».

Une telle politique n'est pas une aberration, mais découle inexorablement de la création d'un État basé sur l'exclusivisme religieux juif. Israël a été fondé en 1948 à la suite d'un vote de l'Assemblée générale des Nations unies en novembre 1947 partitionnant la Palestine en deux États : un palestinien et un autre juif. Bien que le vote reflétait en partie l'énorme sympathie exprimée à travers le monde pour les souffrances subites par les juifs durant la Seconde Guerre mondiale, il a ultimement été déterminé par les machinations des grandes puissances. Les États-Unis, l'Union soviétique et la France voyaient l'établissement d'Israël comme un moyen de renforcer leurs propres intérêts stratégiques dans cette région du Moyen-Orient, riche en pétrole, bloquant l'Angleterre, la puissance dominante d'alors.

Israël devait, proclamèrent ses fondateurs, bâtir un havre démocratique pour un peuple qui avait subi la discrimination et l'oppression des siècles durant. Ce serait un État défini uniquement, non pas en terme politique, mais en terme religieux. Ses portes devaient être ouvertes à tous ceux souscrivant au judaïsme. Ce ne devait pas être simplement un État pour et par le peuple juif, comme le croyaient la plupart des gens, mais un État juif contrôlé par les autorités religieuses, quelque chose que les États modernes avaient rejeté depuis longtemps. Aujourd'hui, seuls l'Iran et l'Arabie Saoudite sont des États explicitement religieux.

Au même moment, les documents de fondation d’Israël proclamaient que le nouvel État allait « encourager le développement du pays au bénéfice de tous ses habitants » et « assurer l'égalité complète des droits sociaux et politiques de tous ses habitants sans égard à la religion, la race ou le sexe ». Elle serait donc un État démocratique et juif. La domination de la vie politique israélienne par le parti travailliste avec son programme réformiste a permis de concilier au moins à un certain point le caractère irréconciliable de ces deux objectifs étatiques.

Mais l'incompatibilité de ces deux objectifs fut immédiatement rendue apparente aux citoyens arabes de la Palestine. Ils formaient 67 pour cent de la population et possédaient les titres de propriété de plus de 90 pour cent du territoire. Plus de 700.000 palestiniens furent chassés de leurs foyers ou prirent la fuite après le vote de 1947 et la guerre israélo-arabe de 1948. Il leur fut interdit de revenir chez eux et leurs propriétés furent saisies par l'État. Ceux qui restèrent vécurent sous un régime militaire jusqu'en 1960 et font face à la pauvreté et la discrimination depuis ce temps.

La guerre de 1967 a provoqué une autre vague de réfugiés, alors que les Cisjordaniens et les Palestiniens de la bande de Gaza demeurés sur place vivent depuis une répression constante. Aujourd'hui, les Palestiniens craignent leur éviction de Jérusalem-Est, Israël cherchant à la judaïser et à empêcher qu’elle soit redonnée aux Palestiniens.

Mais la capture des territoires palestiniens en 1967 et son occupation illégale subséquente signifie qu'Israël règne sur une population palestinienne dont le taux de natalité est plus élevé que celui d'Israël. La signification de ce phénomène est devenue apparente seulement après la chute dramatique de l'immigration juive vers Israël au cours des quinze dernières années et l'augmentation du nombre de jeunes Israéliens quittant le pays. Il est estimé que la population palestinienne de Cisjordanie, de la bande de Gaza, de Jérusalem-Est et d'Israël constituera la majorité dans 10 à 15 ans.

C'est cette « bombe à retardement démographique » qui a mené Israël à mettre l'accent sur le caractère juif de l'État et qui explique l’attrait, au moins pour certains, de la « solution des deux États ».

L'évolution d'Israël vers un régime de type apartheid, oppressant vicieusement les Palestiniens, tant ceux des territoires occupés que ceux en Israël, supprimant toute opposition et encourageant les vigiles de droite et le nettoyage ethnique est l'inexorable et tragique résultat de la perspective sioniste. Aujourd'hui, tous les partis sionistes, même ceux qui autrefois s'autoproclamaient socialistes, ont joint leurs efforts pour reproduire en Israël et dans les territoires occupés les ghettos, la répression et la guerre civile qu'avaient fuis les précédentes générations de juifs.

La seule voie de sortie à cette impasse, tant pour les juifs que pour les Arabes, passe par la construction d'un mouvement politique socialiste unifié des travailleurs et des paysans. Un tel mouvement s'engagerait à mettre fin à toutes formes de discrimination et d'exclusivisme national et religieux de par le Moyen-Orient en détruisant ses racines plongées dans le système d'exploitation capitaliste et la domination impérialiste.

(Article original anglais paru le 4 novembre 2010)

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