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France: La police tire à balles réelles lors d'émeutes provoquées par la mort d'hommes abattus par la police

Par Antoine Lerougetel and Alex Lantier 
21 juillet 2010

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La semaine dernière, deux jeunes hommes ont été tués par balles tandis qu'ils tentaient d'échapper à la police, dans la banlieue de Grenoble et dans le village de Saint-Aignan dans le centre de la France. La police a réagi aux émeutes provoquées par ces morts par des déploiements massifs et des tirs à balles réelles.

La police a tué Karim Boudouda, 27 ans, d'une balle dans la tête devant son domicile dans la nuit du 15 au 16 juillet après une course poursuite aux environs de La Villeneuve, banlieue de la ville alpine de Grenoble, dans le sud est de la France.

Il était soupçonné d'avoir participé au braquage d'un casino. La police a déclaré avoir trouvé un sac dans le coffre de sa voiture contenant 20 000 € volés dans le casino. La police dit avoir essuyé des tirs venant de la voiture de Boudouda et n'avoir tiré qu'en situation de légitime défense.

La nuit suivante, la police a tiré sur Luigi Dequenet, membre d'un groupe de gens du voyage, qui avait forcé un barrage de police près de Saint-Aignan.

Dimanche, quelque 50 personnes de sa communauté ont attaqué la gendarmerie de Saint-Aignan, armés de haches et de barres de fer. Ils ont aussi tronçonné des arbres qui bordaient la route et renversé des feux tricolores. Le maire du village a dit à Libération: « Il y a eu un règlement de compte entre gens du voyage et la gendarmerie. »

Deux hélicoptères et un renfort de 300 hommes ont été envoyés dans ce village qui compte 3 250 habitants.

Dans la région de Grenoble, les émeutes ont commencé la nuit suivant la mort de Karim. Après avoir assisté vendredi soir aux prières d'un imam à la mémoire de Karim dans un parc proche de son domicile, cinquante jeunes ont attaqué des abris bus et un tramway avec des barres de fer et des battes de base-ball. Selon la police, 50 à 60 voitures ont été incendiées cette nuit-là, ainsi que des engins sur un chantier et deux magasins. Une quinzaine de voitures ont été brûlées la nuit suivante.

A 2h30 du matin samedi, la police a de nouveau tiré à balles réelles dans le quartier hlm de Villeneuve, disant que des jeunes leur avaient tiré dessus avec une arme de poing. Depuis ils déclarent avoir essuyé des tirs chaque nuit, et deux fois le dimanche, bien qu'on ne compte pas de blessés parmi les policiers.

Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux s'est rendu à Grenoble samedi. Il a dit qu'il allait « rétablir l'ordre public et l'autorité de l'État ...par tous les moyens. » Il a ajouté que les détachements spéciaux de police resteraient sur place « pour tout le temps nécessaire pour que le calme soit revenu. »

Il a dit, «Il y a une réalité simple et claire dans ce pays : les voyous et les délinquants n'ont pas d'avenir, car la puissance publique finit toujours par l'emporter . »

Hortefeux a fait une visite éclair de 15 minutes à La Villeneuve et a promis une réponse rapide: «Quand je dis vite, c'est à dire tout de suite, c'est ainsi que nous allons rétablir l'ordre public et l'autorité de l'Etat. »

Cette nuit-là 300 policiers lourdement armés, dont 240 hommes du GIGN et du Raid ont investi La Villeneuve. Les lumières de la ville ont été éteintes et un hélicoptère de la police a survolé l'endroit, équipé d'un projecteur balayant le quartier. Les forces de police resteront sur place au moins jusque demain soir.

Dimanche, la mère de Boudouda a appelé au calme et dit à l'Agence France-Presse qu'elle se battrait pour éclaircir les circonstances de la mort de son fils. Elle a dit, « Ils ont déconné les flics, ils ont déconné. Je vais voir le procureur et je vais porter plainte. »

Une femme du quartier a dit à l'Humanité que ce n'était pas le sermon de l'imam qui avait provoqué les émeutes: «Karim Boudouda était originaire de ce quartier et les jeunes qui ont manifesté leur colère n’acceptent pas les conditions de décès de leur ami. »

La police a arrêté 20 personnes depuis vendredi dernier. Quatre personnes ont été arrêtées car elles sont soupçonnées d'avoir tiré sur la police. Dimanche soir, deux d'entre elles étaient encore en garde à vue, attendant d'être déférées pour tentative de meurtre. Trois jeunes devaient être présentés devant des magistrats en comparution immédiate hier pour vol dans des magasins. Quinze domiciles ont été perquisitionnés.

Libération daté de la veille a cité des résidents de La Villeneuve, « Le quartier a très mal vécu la mort du jeune. Ils l'ont laissé crever par terre, ils ont laissé son corps sur le bitume au lieu de le transporter. » Le journal ajoute avoir entendu ces mêmes accusations à maintes reprises dans le quartier: « Ils sont venus l'abattre dans son quartier......Ils l'ont tué devant sa mère. »

Le meurtre de ces deux hommes par la police, et l'autorisation donnée à la police de tirer à balles réelles sur des habitants du quartier, sont non seulement un acte d'agression contre les habitants de Grenoble et de Saint-Aignan, mais un avertissement à l'ensemble de la classe ouvrière. La visite éclair de Hortefeux à La Villeneuve souligne le fait que les représentants haut placés du gouvernement traitent de tels quartiers un peu comme les villes rebelles d'un pays occupé.

C'est la conséquence politiquement criminelle de l'aggravation des inégalités sociales et de la rhétorique raciste sécuritaire qui infiltre la politique française.

De tels appels ont fourni la base de l'adoption par les médias de Nicolas Sarkozy avant son élection à la présidentielle en 2007, ainsi que de la campagne de sa principale rivale, Ségolène Royal du Parti socialiste (PS.) L'establishment politique a soutenu sans broncher cette dernière atrocité policière en date. Le porte-parole du PS Benoît Hamon a critiqué le gouvernement pour s'être trouvé « débordé » dans « sa lutte contre l'insécurité », c'est à dire pour n'avoir pas déployé un nombre suffisant de policiers contre les sections les plus opprimées de la classe ouvrière.

La Villeneuve fait partie de ces nombreuses ZUS (zone urbaine sensible) socialement défavorisées et abritant 4,5 millions de personnes dans toute la France. Selon un rapport de décembre de l'Observatoire national des ZUS la pauvreté ne cesse d'augmenter dans ces quartiers. En 2008 déjà avant le début de la crise économique mondiale, le chômage dans les ZUS chez les 18-24 ans s'élevait à 41 pour cent.

L'establishment politique a cherché à gérer la montée du mécontentement devant l'oppression sociale par la répression policière tout en désorientant d'autres sections de la population par des appels racistes contre les banlieues immigrées.

Les provocations racistes de Sarkozy en 2005 contre les jeunes immigrés qu'il avait appelés « racaille » avaient rapidement été suivies par la mort de deux jeunes, Zyad Benna et Bouna Traore, alors qu'ils tentaient d'échapper à la police dans la banlieue parisienne de Clichy-sous-Bois. Cela avait déclenché trois semaines d'émeutes dans les banlieues. La réaction du président d'alors, Jacques Chirac, avait consisté à imposer l'état d'urgence pendant trois mois, avec le soutien des partis de la « gauche » officielle.

En 2007, deux adolescents, Larami et Moushin, étaient tués en banlieue parisienne à Villiers-le-Bel dans une collision avec une voiture de police. Les policiers n'étaient pas restés sur place après l'événement. Ceci avait provoqué trois nuits d'émeutes au cours desquelles la police avait dit être la cible de coups de feu par des tireurs non identifiés. Les jeunes arrêtés durant ces émeutes se sont vus condamnés à des peines sévères lors de procès sommaires.

La tolérance de l'establishment politique envers les meurtres de la police et la répression massive de type loi martiale, est le produit du climat raciste et réactionnaire en France, dans une situation de crise économique mondiale et de mécontentement social de masse au sein de la population.

Sarkozy a réagi aux manifestations de masse contre les renflouements de banques de 2008-2009 par des propositions d'interdiction de la burqa et une campagne raciste sur « l'identité nationale » ayant pour but de diviser la classe ouvrière selon des lignes racistes et ethniques. Ces campagnes n'ont été contrées par aucune section de l'establishment politique. Cela a attisé davantage encore les tensions raciales, et on a vu des politiciens et des personnalités médiatiques critiquer les joueurs non blancs de l'équipe de football française qui a perdu à la Coupe du monde, les traitant de « racaille. »

Comme le montrent clairement ces récents meurtres et répression, ces initiatives constituent la base politique pour une utilisation officiellement approuvée du 'tirer pour tuer' face au mécontentement de la classe ouvrière.

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