La violence et la
répression exercées le week-end dernier par les autorités à
Toronto, où se tenait le sommet du G20, étaient dignes d'un Etat
policier. Une armée d'agents de sécurité, en uniforme et en
civil, se sont emparés du centre-ville de Toronto, une grande
métropole, créant ainsi, dans les mots d'un chroniqueur du
droitier Toronto Sun, des conditions de « loi
martiale ».
L'opération
policière a servi à réprimer violemment une manifestation
pacifique de milliers de gens opposés aux politiques des
gouvernements représentés au sommet. Avant même la manifestation,
la police avait procédé à l'arrestation préventive de présumés
organisateurs de la manifestation. L'énorme opération d'Etat était
un assaut éhonté sur les droits de liberté d'expression et de
réunion.
Une
série de vitrines fracassées samedi par de soi-disant anarchistes
du « Black Bloc » - un geste portant la marque d'une
provocation d'Etat - sont devenues le prétexte pour pouvoir
arrêter et battre les manifestants en masse. Selon l'Association
canadienne des libertés civiles (ACLC), dans les 36 heures qui ont
suivi, « plus de 900 personnes
(peut-être près de 1000) ont été arrêtées par la police - la
plus grande arrestation en masse de l'histoire du Canada. Médias,
observateurs des droits humains, manifestants et passants ont été
ramassés dans les rues. Les personnes détenues n'étaient pas
autorisées à parler ni à un avocat ni à leur famille. Des
perquisitions arbitraires ont eu lieu partout dans la ville, dans de
nombreux cas à plusieurs kilomètres du site du sommet du G20. Des
manifestations pacifiques ont été violemment dispersées. Dans un
effort de localiser et de démobiliser quelque 100-150 casseurs, les
forces policières ont ignoré les garanties constitutionnelles de
milliers de personnes. »
Le
rapport de l'ACLC minimise l'ampleur de la répression. Selon
plusieurs témoignages, la police - des unités antiémeutes
portant des masques à gaz - a agi de manière extrêmement
brutale et provocatrice, frappant les manifestants et les passants,
tirant des balles de caoutchouc, prenant d'assaut des foules
pacifiques, encerclant des manifestants et les faisant attendre des
heures durant sous la pluie battante, privant les détenus de
nourriture et de médicaments et piétinant en général les droits
fondamentaux avec la joie la plus sadique. Les policiers avaient
carte blanche pour agir comme bon leur semblait contre la
population.
Ces
actions étaient le point culminant d'un long processus. Selon la
CBC, « le SCRS (Service canadien du renseignement de sécurité)
a passé les 12 à 18 derniers mois à amasser des informations
qu'il espère pourront aider la GRC (Gendarmerie royale du Canada)
advenant "toute violation de la loi qui pourrait survenir" »
au sommet du G20.
Dans un geste profondément
antidémocratique, le gouvernement provincial a voté le 2 juin une
nouvelle loi basée sur une loi de 1939 sur la protection des
travaux publics permettant aux policiers d'exiger des individus
approchant la « zone de sécurité » autour de la
réunion du G20 qu'ils présentent une pièce d'identité et qu'ils
se soumettent à une fouille corporelle sous peine d'arrestation
s'ils refusent.
Les autorités ont harcelé
et intimidé des groupes de protestation et des individus « avant
et durant le sommet » selon Toronto Media Co-op. Le site web
mentionne que « quatre organisateurs arrêtés et accusés de
complot ont été interpelés plusieurs heures avant même le début
des "violentes" manifestations d'hier. Un des organisateurs a
été arrêté au moment où elle allait donner une conférence de
presse pour dénoncer les fouilles des maisons [des autres
organisateurs]. »
Les attaques sur les
droits démocratiques avant le sommet du G20 et la gigantesque
opération policière du week-end dernier avaient très peu à voir
avec le fait de localiser et neutraliser « 100-150 casseurs »,
parmi lesquels se trouvaient sans aucun doute un nombre considérable
d'agents provocateurs - autant que la guerre des Etats-Unis en
Afghanistan a pour présumé objectif de capturer ou éliminer
50-100 membres d'Al-Qaïda.
L'opération de sécurité
à Toronto (et à Huntsville, en Ontario, pour le sommet du G8), qui
a coûté au gouvernement canadien environ 1,2 milliard de dollars,
visait à criminaliser davantage la protestation politique,
intimider l'opposition et créer les conditions pour une répression
encore plus importante.
L'opération avait tout
d'une répétition pour des interventions encore plus massives. La
violence d'Etat à l'extérieur du sommet du G20 était étroitement
liée aux discussions de politiques tenues à l'intérieur du Palais
des congrès du Toronto métropolitain, qui étaient centrées sur
des plans pour faire payer les travailleurs du monde entier pour la
crise économique capitaliste.
Tous les chefs d'État
présents, la plupart d'entre eux méprisés par leurs propres
citoyens, savent que les mesures à prendre contre le niveau de vie
de centaines de millions de personnes dans le monde entier vont
provoquer la colère et l'opposition, comme les événements en
Grèce l'ont démontré. Les politiques d'austérité ne peuvent
être mises en ouvre pacifiquement et démocratiquement. Elles
doivent être ultimement imposées par la force.
La
transformation du centre-ville de Toronto en un camp militaire, dans
le but de protéger la cabale de politiciens bourgeois, en plus du
directeur général et président du Fonds monétaire international
et le président de la Banque mondiale, est l'expression de l'état
réel des rapports sociaux à l'échelle mondiale. Rangés d'un
côté, les banquiers, l'élite des affaires et leurs valets
politiques; de l'autre côté, de larges couches de la population,
encore peu conscientes politiquement, mais déterminées à lutter
pour des conditions de vie décentes pour leurs familles.
L'élite dirigeante a
l'avantage, à ce point-ci, d'une conscience accrue de sa crise et
des mesures qu'elle doit prendre. Le gouvernement minoritaire
conservateur de droite de Stephen Harper au Canada, ainsi que le
gouvernement libéral provincial de l'Ontario de Dalton McGuinty,
ainsi que les autorités locales de Toronto, ont pris la peine
d'organiser une confrontation majeure avec les manifestants, qu'ils
espéraient pouvoir utiliser à leur avantage politique.
La tenue de l'événement
au centre de Toronto était en soi une provocation. La ville est un
pôle du sentiment antimondialisation et la manifestation d'une
opposition de masse était attendue.
Une chroniqueuse du
Vancouver Sun a manifesté son étonnement (ce qui en dit
peut-être plus qu'elle ne voulait) devant la « décision
des conservateurs l'automne dernier de tenir le G20 dans un endroit
densément peuplé comme le centre-ville de Toronto ». Elle a
commenté : « Il est difficile de comprendre pourquoi
Ottawa, en connaissance de cause, aurait accepté de fournir un lieu
pour les fauteurs de trouble ». Une bonne question, qui ne
peut guère permettre une réponse innocente.
La violence elle-même a
été largement mise en scène. Avec des milliers de policiers sur
place, aucun n'a fait quoi que ce soit pour protéger les magasins
et les banques dans le centre-ville. Une chronique dans le Ottawa
Citizen, écrit par un témoin oculaire, a noté que, malgré 1
milliard de dollars consacrés à la sécurité, « sur la rue
la plus longue au Canada [Yonge Street], à l'intersection la plus
occupée du Canada, en plein après-midi, la police brillait par son
absence tandis que des membres du soi-disant Black Bloc
jaillissaient de la foule, juste assez longtemps pour qu'ils
fracassent les fenêtres des magasins avec des pioches. Où était
donc la police à ce moment? »
Les affirmations de la
police, qui avaient infiltré et surveillé les organisateurs des
manifestations du G20 pendant un an et demi, voulant qu'ils aient
été pris de court par la violence, sont trop grossières et
cousues de fil blanc pour être prises au sérieux. Personne ne
devrait douter que la police connaissait les plans des anarchistes
mieux que les anarchistes eux-mêmes, les aidant même à les
élaborer.
L'incendie de voitures de
police, qui avaient été laissées convenablement dans le chemin
des forces du Black Bloc (il a été rapporté que la trappe à
essence d'une des voitures était ouverte), était un autre
événement douteux, servant avant tout de matériel pour les
nouvelles nationales. Le gouvernement Harper espère que le
spectacle d'anarchistes « saccageant tout » à travers
les rues de Toronto attisera la colère des sections les plus naïves
et arriérées de la population canadienne en plus de renforcer
l'appui pour la loi et l'ordre et ses politiques anti-ouvrières.
Les événements de
Toronto représentent un sérieux avertissement. Le niveau de
violence d'Etat est intensifié. Face aux bouleversements à venir,
les gouvernements de tous les pays préparent des plans pour la
répression de masse.
Ce qui domine la politique
et les rapports sociaux de tous les pays est la crise économique
mondiale, laquelle a atteint un stade avancé. Tout l'accent doit
maintenant être mis sur le développement d'un mouvement
consciemment socialiste et internationaliste de la classe ouvrière,
la seule réponse progressiste aux provocations et à la violence de
l'élite dirigeante.