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France : Sarkozy impliqué dans l'enquête sur l'attentat de Karachi en 2002

Par Kumaran Ira
25 juin 2010

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Après une série de scandales l'année dernière, autour des affaires Clearstream et Angolagate, l'establishment conservateur français est à nouveau terni par des allégations de corruption politiques. Des preuves de plus en plus accablantes viennent soutenir les allégations selon lesquelles le meurtre de 11 ingénieurs français et 2 pakistanais, spécialisés dans les sous-marins, lors d'un attentat à la bombe à Karachi, au Pakistan, en mai 2002 était lié au non-paiement de pots-de-vin lors de la vente de sous-marins au Pakistan. Ces preuves impliquent l'actuel président Nicolas Sarkozy, qui était ministre du budget au moment de la vente, en 1994.

À cette date, le gouvernement conservateur du Premier ministre Édouard Balladur avait vendu trois sous-marins Agosta pour 800 millions d'euros au Pakistan. Il était prévu que les principaux représentants pakistanais reçoivent 80 millions d'euro pour « faciliter » l'accord. Il a été affirmé que les représentants pakistanais avaient ensuite rendu une partie de l'argent, pour financer la campagne présidentielle de Balladur en 1995.

Sept ans plus tard, 11 ingénieurs français, employés par la DCNS (entreprise publique d'armement naval), et 3 pakistanais étaient tués dans une attaque à la bombe à Karachi en mai 2002. À la suite de cette attaque, les autorités françaises et pakistanaises avaient toutes deux affirmé que l'attentat était l'œuvre d'Al Quaida.

La première enquête sur l'attentat avait entraîné la comparution devant la justice en 2003 de deux pakistanais, Asif Zaheer et Mohammed Rizwan. Cependant, la Haute cour de la province du Sindh (au Pakistan du Sud) avait annulé leur condamnation en mai 2009 et ordonné leur libération. La cour avait noté que les preuves fournies par le procureur ne consistaient qu'en le témoignage d'un seul homme, lequel affirmait simplement avoir vu ces deux hommes ensembles huit mois avant l'attentat. De plus, la première enquête pakistanaise affirmait que ces hommes avaient utilisé du nitrate d'ammoniac pour l'attentat, alors que les laboratoires français ont établi que l'attentat avait été commis avec du RDX, un explosif militaire.

Depuis 2008, les juges d'instruction antiterroristes chargés de l'affaire se concentrent sur les allégations d'un lien avec un contrat douteux de vente de sous-marins au Pakistan conclu en 1994. En juin dernier, ils ont déclaré aux familles des victimes qu'il y avait une "cruelle logique" derrière les soupçons que l'attentat aurait été ordonné parce que les Français n'auraient pas payé la commission prévue aux représentants pakistanais.

Ce soupçon avaient fait surface en 2008 au cours d'une enquête sur la corruption dans les ventes d'armes. La police avait saisi des documents au cours d'une perquisition dans les locaux de la DCNS qui la lient aux entreprises Heine et Eurolux, par lesquelles des commissions ont été transférées en lien avec les ventes d'armes.

L'un de ces documents, intitulé Nautilus, avait été écrit en 2002 par un ex-membre des services de renseignements intérieurs français (la DST), Claude Thévenet. Il y est écrit : « l'attentat de Karachi a été réalisé grâce à des complicités au sein de l'armée [pakistanaise] et au sein des bureaux de soutien aux guérillas islamistes des services secrets pakistanais. »

Plus loin : « les personnalités ayant instrumentalisé le groupe islamiste qui a mené à bien l'action poursuivaient un objectif financier [...] Il s'agissait d'obtenir le versement de commissions non honorées, » qui devaient faire partie de l'achat des sous-marins français pour le Pakistan en 1994.

Le 2 juin, des détails supplémentaires ont émergé, renforçants des allégations d'un lien entre les attentats de 2002 et les ventes de sous-marins.

Le site d'information français Mediapart a cité un rapport de janvier 2010 préparé par la police luxembourgeoise, affirmant que Sarkozy avait donné son accord à la création de la compagnie Heine. Heine, située au Luxembourg, a reçu des dizaines de millions d'euros provenant de la vente des sous-marins entre la France et le Pakistan. Le quotidien Libération a commenté : « cette société offshore a pu servir à violer la législation anticorruption, au moins jusqu’en 2005. Tandis qu’elle a entretenu, au moins jusqu’en 2009, des relations directes avec les plus hautes autorités politiques françaises - dont l’actuel président de la République. »

D'après le rapport de la police luxembourgeoise, « Un document fait état de l'historique et du fonctionnement des sociétés Heine et Eurolux. Selon ce document, les accords sur la création des sociétés semblaient venir directement de M. le Premier ministre Balladur et de M. le ministre des Finances [en fait, ministre du budget] Nicolas Sarkozy. »

De plus, il note que « Des références font croire à une forme de rétrocommissions pour payer des campagnes politiques en France. Nous soulignons Édouard Balladur était candidat à l'élection présidentielle en 1995 [...] et était soutenu par une partie du RPR dont Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua. »

Jacques Chirac avait battu son rival Balladur aux élections présidentielles de 1995. Une fois entré en fonction, Chirac avait suspendu le paiement d'une partie de ces commissions. En juin dernier, le ministre de la défense Charles Million (1995-1997) a confirmé cela dans un entretien au magazine Paris Match.

Millon a dit : « Peu après ma nomination au ministère de la Défense, en 1995, Jacques Chirac m'a demandé de passer en revue les différents contrats de ventes d'armes en cours et de arrêter le versement des commissions pouvant donner lieu à des rétrocommissions. C'est ce qui a été effectué : chacun d'entre eux a fait l'objet d'une expertise particulière. »

Le député socialiste Bernard Cazeneuve, rapporteur d'une mission parlementaire française chargée d'enquêter sur les causes de l'attentat de Karachi, a déclaré qu'il n'était pas surpris par le rapport de la police luxembourgeoise. Il a dit que « le travail parlementaire [sur l'enquête] parlementaire pour la première fois a été scandaleusement entravé, » dans la mesure où le rapport de police n'était pas consultable pour leur enquête.

Les représentants du gouvernement français ont complètement nié les affirmations selon lesquelles il y avait un lien entre l'attentat de Karachi et le contrat sur les sous-marins. Le porte-parole Luc Châtel a déclaré, « Je ne confirme absolument rien, je rappelle qu'il s'agit d'évènements qui sont situés au début des années 1990, à une époque qui suit la signature des contrats concernant ce marché puisque ces contrats avaient eu lieu au tout début des années 90. le gouvernement Édouard Balladur n'était pas aux responsabilités. »

L'année dernière, au cours d'une conférence de presse à Bruxelles, Sarkozy avait déclaré que les insinuations selon lesquelles l'attentat était une vengeance pakistanaise pour le non-paiement des commissions par les Français étaient une « fable. »

Dans un entretien accordé en mai dernier à L'Express, le juge d'instruction Jean-Louis Bruguière (qui avait dirigé l'enquête sur l'attentat de 2002 à 2008) a déclaré : « L'attentat de Karachi de 2002, qui tua 11 Français, est une opération montée par des organisations affiliées à Al-Qaïda. Il s'agit en fait de terroristes appartenant au deuxième cercle de la nébuleuse d'Oussama ben Laden. Ces groupes partagent avec Al-Qaïda les mêmes objectifs, et suivent la même stratégie d'opposition à la coopération technique et militaire entre la France et le Pakistan. »

Les dénégations du gouvernement ne sont pas convaincantes, pour dire le moins, étant donnée la longue histoire des relations entre les renseignements pakistanais et les cercles islamistes autour d'Al-Quaida et la preuve déjà apportée au sujet des tensions franco-pakistanaises au sujet des contrats.

En mai dernier, Claude Thévenet a déclaré aux magistrats instructeurs de la cellule anti-terroriste que la DGSE française (Direction générale de la sécurité extérieure) avait mené une attaque en représailles contre les officiers de l'armée pakistanaise suspectée d'être derrière les attaques de Karachi. Selon Thévenet, « Cette mission a consisté à "casser du genou" et non à tuer comme peuvent parfois le faire des commandos spécialisés de la DGSE. » Il a ajouté « Les cibles des services français auraient été des militaires pakistanais. »

Il a également dit : « L'opération a certes pu être menée après l'attentat, survenu trois jours après la réélection de Jacques Chirac à l'Élysée. Mais peut-être aussi un peu avant l'attentat, puisque la France avait déjà été destinataire, en février 2002, d'un "avertissement" des autorités pakistanaises. »

Les détails révélés par les enquêtes des attentats de Karachi montre le mépris dans lequel les autorités françaises et pakistanaises tiennent les victimes des attentats meurtriers, ainsi que les droits d'Asif Zaheer et Mohammed Rizwan. Plus largement, ils mettent en lumière le cynisme sans bornes avec lequel les cercles dirigeants traitent l'opinion publique.

Examinés du point de vue des éléments ne faisant aucun doute parmi ceux révélés par l'enquête, les prétextes donnés pour la participation de la France à la « guerre contre le terrorisme » de l'OTAN en Afghanistan sont des mensonges grossiers. Loin de s'opposer par principe au terrorisme et aux Talibans, les politiciens français et les industries d'armement ont volontiers vendu des sous-marins au Pakistan dès le milieu des années 1990, alors que ce pays et ses alliés de l'OTAN soutenaient les Talibans pour obtenir l'ouverture des routes commerciales vers l'Asie Centrale. Les bombardements et autres opérations spéciales ont été utilisés par les gouvernements des deux pays.

À ce moment-là comme aujourd'hui, les considérations sur l'effet que cela aura sur la vie des travailleurs d'Europe et d'Asie était soumise aux gains des principaux politiciens et des industries d'armement.

(Article original par le 17 juin 2010)

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