L'énorme
attentat suicide à la bombe qui a frappé mardi à Kabul un convoi
de l'OTAN a coûté la vie à cinq nouveaux soldats américains,
un officier canadien et une dizaine de civils afghans.
L'attaque a démontré
l'échec de plus de huit ans d'occupation dirigée par les
Etats-Unis, sans parler de l'échec du gouvernement fantoche du
président Hamid Karzai de sécuriser au moins le centre de la
capitale afghane. L'attaque a aussi marqué une étape sombre pour
les forces américaines en portant à 1.000 le nombre total de
soldats morts en action dans l'opération « Enduring
Freedom ».
Il y a peu de doute pour
que le gouvernement Obama, tout comme la Maison Blanche de Bush
avant lui, tentera de passer rapidement sur la signification de ce
nombre de victimes. Un porte-parole de la Maison Blanche a publié
mardi un bref communiqué louant les forces militaires américaines
pour leur « sacrifice extraordinaire » mais sans faire
mention toutefois que le nombre d'Américains tués dans cette
guerre était passé à 1.000.
De tels chiffres, ont
toutefois une énorme signification et appellent à une sérieuse
réflexion. Derrière ces chiffres se cachent les membres des
familles et des proches, sans mentionner les dizaines de milliers
d'autres soldats américains dont la vie a été brisée par des
blessures physiques terribles et le bilan psychologique considérable
les affectant après plusieurs périodes au front à combattre une
population hostile dans le cadre d'une armée d'occupation.
En 2009, 17.538 personnels
militaires ont été hospitalisés en raison de troubles psychiques
et 11.156 pour handicaps et blessures de guerre. « La guerre
est difficile. Elle exige ses morts, » a fait remarquer le
chirurgien général de l'armée, le lieutenant-général Eric
Schoomaker.
Sans aucun doute, la même
chose peut être dite de toutes les guerres. Mais, quand des soldats
sont envoyés pour tuer et pour mourir dans une guerre fondée sur
des mensonges, une guerre dont les coûts humains sont camouflés
par le gouvernement et des médias serviles et une guerre qui est
menée pour réprimer la résistance populaire envers une occupation
étrangère, ce bilan psychologique est fortement aggravé.
Pourquoi les 1.000 soldats
américains sont-ils morts? Qu'est-ce qui a justifié la
destruction du corps et de l'esprit de plusieurs milliers
d'autres ? Et, qu'est-ce qui peut excuser la mort et la
mutilation de dizaines de milliers d'Afghans au cours de ces 103
derniers mois dans cette guerre qui est la deuxième guerre la plus
longue de l'histoire des Etats-Unis ?
Les affirmations du
gouvernement Obama -réitérant les mensonges de Bush et de Cheney
- que l'impérialisme américain lutte en Afghanistan pour
empêcher une autre attaque terroriste sur le sol américain ont été
discréditées par les commandants militaires eux-mêmes, évaluant
que pas plus que 100 membres d'Al Qaïda sont en opération dans
le pays et reconnaissant que leurs efforts contre-insurrectionnels
visent directement la résistance autochtone.
Bref,
c'est une guerre sale de style colonial consistant en un genre
d'opération de pacification que les forces américaines avaient
menée contre les Indiens ( Native Americans) au 19ème
siècle ou contre les Philippins ou les Haïtiens au début du 20ème
siècle. Elle implique des pratiques criminelles coutumières aux
armées de France, du Portugal et de Grande-Bretagne, dans leurs
tentatives d'écraser les mouvements anticoloniaux en Afrique, en
Asie et au Moyen-Orient.
Les soldats américains
meurent pour soutenir le régime fantoche d'Hamid Karzai qui
représente un groupe de seigneurs de guerre et de trafiquants
d'héroïne brutaux à la solde de la CIA mais, selon les propres
enquêtes menées par l'armée américaine, qui ne bénéficient
nulle part dans le pays d'une base significative de soutien
populaire.
Et, en dernière analyse,
ils meurent pour la poursuite d'une stratégie - élaborée bien
avant le 11 septembre - qui vise à établir une hégémonie
militaire américaine sur les approvisionnements énergétiques et
les voies d'acheminement par oléoducs du pétrole revêtant une
importance immense pour les pays avoisinant l'Afghanistan -
notamment, la Chine, la Russie, l'Iran, le Pakistan et l'Inde.
Cette stratégie vise à
bénéficier à une minuscule élite financière dirigeante aux
dépens de la population laborieuse non seulement en Afghanistan
mais aussi aux Etats-Unis. Dans des conditions où il est dit à la
population laborieuse qu'il « n'y a pas d'argent »
pour faire face au chômage, à la pauvreté et à la détérioration
des conditions sociales, le Congrès, qui est contrôlé par les
Démocrates, se prépare cette semaine à voter une requête
« d'urgence » de fonds supplémentaires de 59
milliards de dollars pour financer la guerre en Afghanistan et son
intensification.
D'ici l'été, suite à
l'intensification (« surge ») du gouvernement Obama, le
nombre des troupes américaines occupant l'Afghanistan sera le
triple de ce qu'il était au moment du départ de George W. Bush.
Loin de sécuriser le pays, la présence accrue de l'armée
américaine n'a fait qu'entraîner une intensification constante
de la violence et du nombre de morts.
Selon un rapport publié
par l'organisme d'audit (GAO) américain, l'armée
d'occupation menée par les Etats-Unis a été soumise en moyenne
à plus de 40 attaques par jour en mars, soit le double du mois de
mars 2009.
Entre-temps, même selon
les estimations ridiculement basses du Pentagone, le nombre des
civils non armés, la majorité étant des femmes et des enfants,
tués durant les attaques aériennes nocturnes, les bombardements,
les fusillades au point de contrôle par les forces d'occupation
menées par les Etats-Unis et les fusillades depuis des voitures par
des convois américains ont également doublé au cours du premier
trimestre de cette année, par rapport au chiffre enregistré durant
la même période de l'année dernière.
L'ampleur de la saignée
devrait augmenter fortement compte tenu que la résistance lancera
sa propre offensive d'été et que l'armée américaine est en
train de projeter le siège de Kandahar, une ville approximativement
de la taille de Detroit et qui est un bastion des Taliban. Dans sa
déclaration de la semaine passée selon laquelle l'armée
américaine n'avait pas l'intention de « détruire
Kandahar en cherchant à sauvegarder Kandahar », la secrétaire
d'Etat américaine Hillary Clinton n'a guère été rassurante.
L'hostilité contre
cette guerre d'une grande partie de la population aux Etats-Unis
ainsi que contre l'occupation prolongée de l'Irak, née sous le
gouvernement Bush et qui s'est poursuivie sous Obama, n'a pas
disparu. Elle ne peut cependant pas trouver d'expression au sein
des deux grands partis pro-patronaux ou dans les médias de masse
qui reprennent en grande partie la ligne officielle selon laquelle
les Etats-Unis mènent une « guerre juste » en Afghanistan.
Il n'y a pas de doute
quant au sentiment largement répandu qu'on ne peut rien faire
dans le cadre de la configuration politique actuelle, surtout après
maintes élections lors desquelles la masse des gens est allée
voter pour exprimer son opposition à ces guerres, et élire, en
2008 comme président, Barack Obama qui avait fait appel à ces
sentiments pour prendre le pouvoir et intensifier dramatiquement
l'agression militaire américaine à la fois en Afghanistan et au
Pakistan.
L'expérience de 15 mois
de gouvernement Obama a également révélé la faillite de la
perspective des organisations de protestation anti-guerre de la
classe moyenne qui avaient affirmé que l'on pouvait s'opposer à
la guerre en soutenant les Démocrates contre Bush. Le gouvernement
Bush n'est plus, les Démocrates contrôlent les deux chambres du
Congrès et les crimes de guerre continuent. Pour ce qui est des
organisations de protestation, elles sont en grande partie devenues
inactives pour s'être adaptées au programme « progressiste »
d'Obama.
Une lutte véritable
contre la guerre ne peut être menée que par le développement d'un
mouvement socialiste indépendant de la classe ouvrière contre le
système capitaliste de profit qui est la source du militarisme.
Ce mouvement doit exiger
le retrait immédiat de toutes les troupes américaines et autres
troupes étrangères du Moyen-Orient et d'Asie centrale. Il doit
également lutter pour le démantèlement de la machine de guerre
américaine et la réorientation des milliers de milliards de
dollars de dépenses militaires vers le paiement de réparations aux
populations dévastées par les guerres d'agression américaines
et le règlement de la crise sociale grandissante à laquelle est
confrontée la population laborieuse aux Etats-Unis mêmes.