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France: Davantage de grèves et d’opposition contre l’austérité sociale

Par Alex Lantier
8 novembre 2010

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La poursuite des grèves dans le secteur aérien et les appels des étudiants à entrer en résistance contre la loi de réduction des retraites après la défaite la semaine passée de la grève dans le secteur pétrolier, souligne plus clairement que jamais la nécessité d'une lutte politique ouverte et consciente contre le gouvernement.

Par son mépris pour l’opposition populaire – notamment la grève des travailleurs du secteur pétrolier dans les ports, les raffineries et dans les transports, et dont certains ont fait grève durant plus d’un mois – Sarkozy a clairement montré qu’il est déterminé à faire voter les coupes, quoiqu’il arrive.

Soutenus par les partis de « gauche », les syndicats ont annulé les grèves dans le secteur pétrolier sans entreprendre la moindre protestation contre l’intervention de la police pour briser les grèves, en dépit des sondages révélant que 65 pour cent de la population soutient la poursuite des grèves contre les coupes. Le projet de loi réduisant la retraite a été officiellement voté la semaine dernière et doit maintenant être soumis à l’examen du Conseil constitutionnel.

L’opposition de la classe ouvrière s’est heurtée à un mur de résistance de l’Etat et de l’ensemble de l’establishment politique.

D’importantes sections de travailleurs et d’étudiants poursuivent le mouvement de grève. Les pilotes d’Air France et le personnel navigant feront grève du 5 au 8 novembre contre les réductions de leurs avantages acquis en raison du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2011 (PLFSS 2011).

La loi permettra à l’Etat de taxer les avantages accordés au personnel navigant par les compagnies d’aviation et les agences de voyage. Les réductions des billets d’avion – qui sont essentielles pour le personnel ne résidant pas dans le principal réseau d’activité où il travaille et qui dépend donc de billets d’avion à tarif réduit pour rentrer chez eux – seraient taxées de même qu’un certain nombre d’autres avantages aussi. Selon le Syndicat national des Pilotes de Ligne (SNPL), ces réductions comprendraient entre autres les tarifs préférentiels sur les chambres d’hôtel, les voitures de location et les parkings des aéroports.

Le SNPL a jouté : « Une telle taxation qui entraînerait des charges supplémentaires pour les entreprises provoquerait inéluctablement et à très court terme la disparition de toutes ces facilités. Cette disparition nous a d’ailleurs été confirmée par les directions des compagnies. »

Ce week-end Brit Air – une filiale d’Air France qui assure 250 vols régionaux plus courts en Bombardier ou en Fokker – a débrayé pour « exprimer la colère des salariés » et leur « crainte de l’avenir. » Selon les chiffres du syndicat, 74 pour cent des 121 vols de Brit Air prévus pour le week-end ont été annulés en raison de la grève.

Les responsables syndicaux ont évoqué les préoccupations des travailleurs, selon lesquelles en l’absence de tout « projet de développement crédible et porteur d’avenir, » la direction de Brit Air se servait des recettes de l’entreprise pour financer la participation du skipper Armel Le Cleach à la course régate Route du Rhum.

Dans 18 universités du pays, les étudiants se sont réunis en assemblées générales pour discuter de la poursuite du mouvement de protestation et de blocage des universités contre le gouvernement Sarkozy. C’était aussi pour anticiper la rentrée des lycéens jeudi. Avant de partir en vacances la semaine passée, les lycéens avaient été les plus actifs en bloquant leurs lycées afin de protester contre les coupes de Sarkozy et on ne sait toujours pas si les manifestations se poursuivront après la reprise des cours.

Quatre universités ont voté hier la reprise du blocage: Le Mans, Nantes, Saint-Etienne et Pau. Un total de 53 universités sont censées organiser des assemblées générales d’étudiants cette semaine pour discuter de futures actions.

Les étudiants ont voté hier « massivement » à l’université de Toulouse-Le Mirail pour reprendre la grève à laquelle se sont associées les universités de Toulouse 1 Capitole et de Toulouse III Paul-Sabatier. Dans un entretien avec le quotidien La Dépêche, un étudiant du Mirail a précisé lundi : « On va discuter et voter ce mardi de la reprise du mouvement, qui se cristallise contre la réforme des retraites même s’il y a aussi un ras-le-bol général, plus politique que social, de la part des étudiants. »

Un autre étudiant a expliqué que bien que Sarkozy et les syndicats aient mis fin à la grève dans le secteur pétrolier, il existait encore une forte opposition aux coupes sociales au sein de la classe ouvrière : « Certes les raffineries et les éboueurs de Marseille ont repris le travail, mais suite à une réquisition du gouvernement, les salariés sont encore très remontés et le mouvement peut repartir. »

Les syndicats étudiants ont signalé leur manque d’enthousiasme à poursuivre la résistance, toutefois, Romain Boix, le président départemental de l’Union nationale des étudiants de France (Unef) à Toulouse a dit que l’Unef était « favorable à des blocages occasionnels, notamment les jours de mobilisation nationale » lancés par les syndicats. C’est-à-dire que les syndicats qui avaient organisé l’isolement et la trahison de la grève dans le secteur pétrolier vont aussi être chargés de contrôler les protestations des étudiants.

Une prise de conscience populaire grandissante du rôle joué par les syndicats et les partis de « gauche » dans l’isolement et la trahison des grèves est en train de créer un débat de plus en plus politique au sein de certaines universités.

Selon un article paru dans Lyon-Capitale, les étudiants de l’université Lyon-2 se sont rassemblés pour voter sur la décision d’actions futures et de protester contre la détention de manifestants à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas. Ils ont critiqué les syndicats et aussi les partis bourgeois de « gauche » tel le Parti socialiste (PS) et son candidat pressenti pour les élections présidentielles de 2012, Dominique Strauss-Kahn.

Strauss-Kahn est actuellement le directeur du Fonds monétaire international et a, en tant que tel, insisté pour que soient imposées une politique d’austérité massive et une réduction des salaires à l’encontre des travailleurs grecs en échange d’un plan de sauvetage du FMI au printemps dernier durant la crise de la dette grecque.

Un étudiant lyonnais a dit: « On est dans la rue parce qu’on en a marre de Sarkozy. Et on en avait marre de Chirac [ex-président, Jacques Chirac] et on en aura marre de Strauss-Kahn… ce dont on ne veut plus c’est Sarkozy, le capitalisme, la mondialisation. »

Une étudiante a ajouté : « Aujourd’hui, on voit la limite du système des syndicats…parce que le capitalisme vieillit, les syndicats aussi. »

La population est confrontée à l’échec historique du système capitaliste. La concurrence internationale grandissante pour le profit a depuis longtemps incité la classe dirigeante à réduire de manière drastique les dépenses sociales au moyen, en France comme dans d’autres pays, d’une longue série de coupes dans les retraites et les dépenses sociales. A présent, l’actuelle crise financière – déclenchée par la spéculation et l’enrichissement sans mesure des ultra-riches – est en train d’accélérer la poussée vers la régression sociale en engendrant des attaques encore plus radicales à l’encontre de la classe ouvrière.

Les travailleurs et les jeunes ont tout à fait raison de penser que la défaite de la grève dans le secteur pétrolier n’a nullement mis fin à la détermination populaire de lutter. Une tâche essentielle cependant consiste à déterminer la base politique sur laquelle on peut lancer un appel à poursuivre la lutte. La condition préalable à une lutte victorieuse contre les coupes sociales de Sarkozy est une lutte pour l’unification de la classe ouvrière dans des grèves politiques de masse dans le but de renverser le gouvernement Sarkozy et de bloquer l’application de la loi.

En cela, les travailleurs et les étudiants seront confrontés à l’opposition de l’ensemble de la « gauche » bourgeoise – le PS ou ses satellites politiques tels le Parti communiste français (PCF), le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon ou le Nouveau Parti anticapitaliste d’Olivier Besancenot. En refusant d’appeler à renverser le gouvernement Sarkozy ou à critiquer les syndicats pour leur silence sur l’intervention de la police pour briser la grève des travailleurs pétroliers, ces partis de « l’extrême gauche » ont montré qu’ils se trouvaient de l’autre côté de la barricade tenue par les travailleurs.

Le secrétaire du PS, François Hollande a accordé une interview au journal Le Monde, publiée le 2 novembre, exposant la perspective réactionnaire qui sous-tend la participation du PS dans les manifestations contre Sarkozy et rappelant à l’ordre les autres partis de la soi-disant « gauche ». L’objectif du PS, a clairement fait entendre Hollande, est d’utiliser l’impopularité de Sarkozy pour revenir au pouvoir puis d'imposer le même type de coupes sociales que celles prévues par Sarkozy.

Hollande a dit, « Les conditions d’une défaite de Nicolas Sarkozy sont réunies. » Il a appelé à la tenue rapide de négociations avec les autres partis de « gauche » en expliquant : « En 2012, nous aurons des problèmes extrêmement difficiles à régler. Une dette publique considérable, des déficits tout à fait historiques. »

Hollande a dit on ne peut plus clairement que le PS chercherait à résoudre ces déficits en réduisant les retraites, à la manière de Sarkozy : « Chaque fois que la vie s’allonge, il faut allonger la durée de cotisation. » Tout en abandonnant implicitement les affirmations fausses du PS de vouloir maintenir l’âge minimum de départ à la retraite à 60 ans, il a regretté le fait que « seuls 20 pour cent travaillent après 60 ans. »

Etant donné que la raison pour le licenciement des travailleurs disposant d’une ancienneté importante et donc d’un salaire plus élevé relève souvent de la décision des entreprises, Hollande a proposé de garder en activité davantage de travailleurs âgés de plus de 60 ans en accordant pour ce faire des incitations fiscales aux entreprises.

Hollande a souligné qu'il fallait que les autres alliés de « gauche » du PS approuvent clairement la politique du PS avant les élections : « La question qui sera posée à Jean-Luc Mélenchon, comme aux écologistes, au PC ou à d’autres, est : voulez-vous gouverner demain la France ? Si oui, il faut que ce soit sur une ligne claire. » Il a expliqué que les conditions sous lesquelles ces partis s’étaient alliés au PS devaient être connues bien avant le dernier tour des élections : « Tout ça doit être réglé en amont. »

La faillite politique des partis et organisations existants est un défi historique pour la classe ouvrière. En luttant pour le renversement du gouvernement Sarkozy et pour bloquer l’application des coupes sociales, l'objectif ne peut pas être de remettre au pouvoir un gouvernement socialiste. La classe ouvrière doit lutter pour mettre en place un gouvernement ouvrier appliquant une politique socialiste. Ceci fait partie de la lutte internationale contre le capitalisme en Europe et dans le monde.

Le WSWS appelle les travailleurs et les jeunes à former leurs propres comités d’action pour coordonner leurs luttes indépendamment des syndicats et des partis bourgeois de « gauche. » Les lecteurs en France sont invités à contacter le WSWS pour contribuer à la construction d'un parti en France qui conduise la lutte pour cette perspective.

(Article original paru le 3 novembre 2010)

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