L’économie européenne régresse tandis que les divisions augmentent
Par Stefan Steinberg
6 octobre 2010
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Les derniers chiffres communiqués par les principaux instituts économiques
indiquent un déclin de l’activité économique des 16 pays européens
constituant la zone euro.
Un indicateur clé du développement économique, l’indice des Directeurs
d’Achats (Purchasing Manager’s Index, PMI), couvrant les secteurs
manufacturiers et de services de la zone euro, a chuté de 56,2 pour cent en
août à 53,8 pour cent en septembre – son taux le plus bas depuis février.
Dans le même temps, le service des statistiques de l’Union européenne au
Luxembourg a annoncé que les commandes industrielles européennes avaient
baissé de 24 pour cent en juillet par rapport au mois précédent.
La chute du PMI en septembre est considérée par les analystes comme un
indicateur que l’économie européenne continuera de rester fragile au cours
des prochains mois de cette année.
Les derniers chiffres ont été rassemblés après la publication des données
pour le second trimestre de 2011 qui indiquaient une certaine reprise de
l’économie européenne. L’accélération inattendue de la croissance au second
trimestre a été en grande partie provoquée par l’Allemagne qui a enregistré
un essor de 2,2 pour cent de son activité économique en raison
principalement du dynamisme de son industrie d’exportation.
Les chiffres de la croissance ont été salués par les dirigeants européens
et de vastes couches des médias comme étant la preuve que l’Europe, au bout
de deux ans, émergeait finalement de la récession suite à la crise
financière de 2008.
A présent, toutefois, la grande jubilation du mois précédent s’est
évaporée et les chiffres du second trimestre ont été qualifiés de
« correction technique » passagère.
En commentant les derniers chiffres, l’expert économique Chris Scicluna a
déclaré : « Certaines grandes nations industrialisées ont connu une reprise
en début d’année mais nous nous rendons compte à présent qu’elle n’était pas
durable. Il n’y a pas de locomotive à la croissance en vue… Nous constatons
les séquelles de la crise. »
C’est avant tout, la chute du PMI et des commandes industrielles
européennes qui révèle que les économies européennes les plus fortes sont
tributaires de l’économie mondiale en général. Les inquiétudes grandissantes
d’une longue période de stagnation de l’économie américaine, combinée à un
ralentissement de la croissance de la Chine et des économies des tigres
asiatiques ont eu des répercussions négatives pour les principales
puissances européennes.
L’économiste à la Deutsche Bank, Gilles Moec, a déclaré : « l’Allemagne
et très sensible aux fluctuations de la demande américaine, chinoise et
ainsi de suite. La France souffrira indirectement des effets secondaires. »
En mettant tout particulièrement en garde l’Allemagne, qu’aucun pays ne
sortira de la crise tout seul, Moec a conclu, « La conclusion de tout cela
est qu’un ‘découplage’ n’est pas possible. »
Les principaux pays hors de la zone euro ont aussi enregistré des
chiffres négatifs. L’Association des banquiers britanniques a annoncé que le
crédit net à la consommation, les nouveaux emprunts immobiliers et les prêts
bancaires aux entreprises avaient baissé au mois d’août tandis que
l’inflation continue d’augmenter en Grande-Bretagne.
Les chiffres plus faibles de l’économie de la zone euro étaient liés à de
nouvelles inquiétudes que les pays situés à la périphérie de l’Europe ne
puissent rembourser leurs dettes et ne soient pas en mesure d’appliquer des
programmes aigus d’austérité.
Jeudi, les chiffres publiés à Dublin ont révélé que le produit intérieur
brut (PIB) du pays avait rétréci de 1,2 pour cent au second trimestre par
rapport au trimestre précédent, ravivant les craintes que le pays puisse
basculer à nouveau dans une récession.
En conséquence, les investisseurs ont abandonné la dette du gouvernement
irlandais, faisant passer le rendement des obligations irlandaises à quatre
ans à plus de 5 pour cent. La hausse des taux d’intérêt qui est exigée pour
ses obligations ne fera qu’aggraver à long terme l’endettement de l’Irlande.
L’Irlande est généralement prisée pour avoir imposé le plus draconien
programme d’austérité de l’Europe de l’Ouest mais, eu égard aux pressions à
nouveau exercées sur les banques et les marchés financiers du pays, le
gouverneur de la Banque centrale irlandaise a déclaré la semaine passée que
le gouvernement serait obligé d’effectuer des coupes encore plus drastiques.
Les chiffres irlandais ont à leur tour créé des ondes de choc à travers
les pays européens plus faibles, entraînant une hausse abrupte des
rendements des obligations portugaises à dix ans.
En Espagne, la ministre des Finances, Elena Salgado, a annoncé de
nouvelles mesures d’austérité dans une tentative de réduire le déficit du
troisième plus important budget de la zone euro. Saldago a déclaré que le
gouvernement était déterminé à réduire les dépenses publiques de 8 pour
cent.
Un gel doit être imposé à l’ensemble des retraites et les ministres du
gouvernement ont été instruits de réduire leur budget de 16 pour cent.
L’objectif du nouveau budget est de ramener le déficit du pays à 6 pour cent
du BIP – chiffre qui est encore le double de la limite fixée par l’Union
européenne.
En exprimant l’inquiétude de l’élite financière qu’aucune concession ne
soit faite quant à l’application des mesures d’austérité, un expert
financier influent a déclaré, « Les marchés s’attendent à une volonté d’agir
des pays de la périphérie… Nous n’observons plus ce zèle pour les réductions
qui avait existé au début de l’année. »
Salgado a dit qu’elle respectait des prévisions selon lesquelles
l’économie espagnole s’accroîtrait de 1,3 pour cent l’année prochaine – un
chiffre considéré par les experts totalement irréaliste et le double des
prévisions de croissance faites par le Fonds monétaire international. En
traduisant le malaise des investisseurs face à la situation, l’écart entre
les obligations espagnoles et allemandes à dix ans reste le double d’il y a
un an.
L’inquiétude des investisseurs quant à la capacité des pays situés à la
périphérie de l’Europe de rembourser leurs dettes est accentuée par le fait
que les banques européennes elles-mêmes sont obligées de rassembler des
sommes considérables de capital pour surmonter les déficits accumulés à la
suite de la crise financière de 2008. Des dettes bancaires évaluées à 1,7
mille milliards de dollars arriveront à échéance dans la zone euro en 2010
et en 2011 – un chiffre qui dépasse de loin les dettes des banques aux
Etats-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs.
La seule lumière au bout du tunnel pour l’économie européenne ont été les
données économiques plus positives de l’Allemagne. Un nouveau sondage
effectué auprès de patrons allemands a indiqué une amélioration des attentes
économiques et le FMI a rehaussé ses prévisions de croissance pour
l’Allemagne à plus de 3 pour cent cette année.
Mais l’Allemagne continue de rester l’exception à la règle et un nombre
de commentateurs signalent les dangers pour l’avenir du projet européen en
général quand les différences économiques et sociales augmenteront sur
l’ensemble du continent.
Dans les semaines et les mois à venir, les coupes dans les dépenses
sociales, les pensions et les salaires, associées aux augmentations
d’impôts, prendront effet dans une grande partie de l’Europe en freinant
d’autant plus la consommation domestique et en ralentissant la croissance
économique.
(Article original paru le 27 septembre 2010)