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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le NPA et la candidate voilée du Vaucluse

Par Anthony Torres
11 septembre 2010  

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Pour les élections régionales de mars, le NPA a présenté dans le Vaucluse, au sud-est de la France, une jeune candidate musulmane et voilée de 25 ans, Ilham Moussaïd. Conscient de l'impopularité des mesures anti-burqa dans les quartiers immigrés, le NPA a brièvement soutenue la candidate, prétendument en espérant s'attirer un soutien dans ces quartiers, tout en indiquant publiquement ses réserves. Les élections régionales passées, le NPA l'a rapidement exclue. 

Le comportement du NPA autour de la candidature de Moussaïd était dénué de principes. Il reflétait son opposition à une défense de principe de la liberté de religion – garantie par la Convention pour la protection des droits de l’Homme – et à l’analyse marxiste de la religion. Après une brève tentative de développer de l’influence sur des bases religieuses parmi la population musulmane, le NPA a rapidement cédé et capitulé devant la campagne anti-Moussaïd lancée par la presse bourgeoise et les éléments féministes à l’intérieur du NPA.

La candidature de Moussaïd s'est déroulée alors que la bourgeoisie française s'attaquait aux droits démocratiques, en réprimant les femmes portant le niqab et la burqa et en lançant un débat raciste sur l'identité nationale. Le NPA a proclamé qu'il ne participerait pas à ce débat. Il cherchait à faire des alliances électorales avec des partis bourgeois, comme le Parti Socialiste (PS) et le Parti Communiste Français (PCF), qui ont contribué au lancement de la loi en participant à la commission parlementaire anti-burqa en 2009. 

Le résultat n'a pas été une défense des droits démocratiques ou des musulmans persécutés par Sarkozy, mais une capitulation générale à la campagne raciste menée par le gouvernement. 

A l'annonce de cette candidature, une campagne médiatique contre Moussaïd s'est déchaînée dans la presse bourgeoise, et les proches de la jeune femme se sont plaints qu'elle était pourchassée par des paparazzi. Les médias avançaient souvent la position réactionnaire qu'il serait anti-démocratique pour femme voilée de se présenter comme candidate dans une élection en France. Dans la campagne médiatique contre Moussaïd, le personnel du NPA lui-même jouait souvent un rôle important. 

Le 18 février, un article de Libération intitulé « Tout voile dehors », revenait sur manière dont la candidature de Moussaïd avait été éventée : « Tout part d'un article paru dans Le Figaro mardi 2 février. A la va-vite, deux communiqués de presse sont publiés en milieu de matinée, [expliquant] que 'le choix du NPA du Vaucluse qui, après un débat sérieux et complexe, a été d'inclure sur ses listes une de ses membres, militante féministe, anticapitaliste, internationaliste qui estime devoir porter le voile en raison de ses convictions religieuses' ». 

La chaine TF1 a rapporté  les mots de Sihem Habchi, présidente de l'organisation féministe de droite, « Ni putes ni soumises ». Habchi a annoncé qu'elle comptait porter plainte « contre cette liste de NPA  sur laquelle figure une femme voilée Ilham Moussaïd, qui a annoncé son intention de rester voilée ». Elle a dénoncé auprès de l'AFP une « attitude antiféministe, antilaïque et antirépublicaine ». 

Habchi niait même la possibilité  qu'une femme portant une tenue religieuse musulmane se présente dans une élection. « Il n'est pas question d'arborer un symbole religieux alors qu'on a, en tant qu'élue, une obligation de neutralité et de réserve », a-t-elle dit à l'AFP. 

Dans les pages du Monde, Caroline Fourest écrivait un article dénonçant « l'intégrisme qui sévit dans les quartiers populaires » et accusant le NPA de « jouer les 'idiots utiles' de l'islamisme ».  

Le Monde a aussi publié une tribune de Frédéric Bourgade, « sympathisant et électeur du NPA ». Bourgade commence par dénoncer le voile porté par Moussaïd : « Il dit donc clairement son rejet de la mixité, du mélange, sauf en cas de convertion [sic]. Il fait donc clairement primer la dimension religieuse sur le libre choix amoureux. Dimension qui exclut le droit à l'avortement puisque les enfants, c'est Dieu qui les donne. Je ne vois pas où est le féminisme revendiqué par notre camarade ». 

Bourgade déploie ensuite un style ronflant pour justifier la suppression réactionnaire des droits démocratiques des minorités. Déplorant que la « liste de droits » implicitement revendiqués par Moussaïd en portant le voile est « illimitée », il écrit : « De gauche - démocratiques, et révolutionnaires - nous ne pouvons, ni ne voulons envisager l'idée d'être aux côtés des minorités. … Les revendications des minorités ne sont pas - par essence - universelles et libératrices. De même que la suprématie des majorités n'est pas - par essence - une domination insupportable ». 

Le 9 février 2010, Le Monde cite Samuel Joshua, un dirigeant marseillais du NPA, qui est « lui aussi dubitatif : "Est-ce que c'est le bon choix ? Le voile est un signe d'oppression des femmes. Ilhem ne le vit pas comme ça mais on ne peut le banaliser", dit-il ne cachant pas redouter que le NPA "explose" sur un tel débat ». 

Les NPA n'a que très faiblement défendu Moussaïd.  Le porte-parole du NPA, Olivier Besancenot, a déclaré que la candidature de Moussaïd était « l'image de notre intégration dans les quartiers ». 

Omar Slaouti, chargé  du travail NPA dans les quartiers « sensibles », a dit : « C'est une militante qui partage notre programme, elle est féministe. Il n'est pas question qu'il y ait des adhérents à deux vitesses ».  

En février l'organisation féministe Ni putes ni soumises et la section française de l'Arab Women's Solidarity Association basée en Egypte ont déposé une requête au tribunal administratif de Marseille qui lui demandait d'enjoindre le préfet de refuser l'enregistrement définitif de la liste du NPA pour les régionales en Paca car il y figurait une candidate voilée. En l’occurrence le préfet a validé la liste jugeant qu'elle "ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, le principe de laïcité devant être combiné avec le respect de la liberté individuelle de la candidate et de son droit à se présenter à une élection".

Le NPA n'a mené aucune campagne pour condamner cette tentative réactionnaire de mobiliser l'Etat contre les droits démocratiques de sa candidate ni publié aucune déclaration publique pour la défendre. 

La candidature de Moussaïd et le caractère du NPA   

Début février, Le Figaro a interviewé Moussaïd et dressé son portrait. Depuis 2006, elle participe à l'association AJCREV (à prononcer «Agissez! Rêvez!»), travaillant auprès d'enfants à Avignon pour assurer un soutien scolaire et des sorties culturelles. Elle a manifesté contre la guerre en Irak et les massacres à Gaza, où elle a rencontré des membres du NPA.  

Ayant voté pour la candidate du PS, Ségolène Royal, aux élections présidentielles de 2007, elle a ensuite rejoint la dizaine de militants du «comité populaire» NPA d'Avignon.  

Le Figaro explique : « Marx? Elle ne connaissait pas. Elle a commencé à lire un de ses bouquins mais ne se souvient pas du titre. La croyante ne craint pas de dire que c'est sa 'foi' qui l'a 'amenée au NPA' : la lutte contre les injustices, contre 'l'argent roi'… »  

Selon Moussaïd, «Marx c'est Marx mais les adhérents du NPA en 2010, c'est pas pareil! Il faut se rappeler pourquoi on est passé de la LCR au NPA: pour l'ouverture aux milieux populaires. On est un parti révolutionnaire, non? Et bien, commençons par cette révolution-là.»  

Cette interview d'Ilham Moussaïd paru dans le Figaro reflète assez fidèlement la nature du NPA. Moussaïd n'a pas de formation marxiste, étant au mieux peu intéressée par Marx ou Trotsky, mais a été attirée au NPA en espérant y lutter pour ce qu'elle considérait être les principes de l'Islam, religion persécutée par les campagnes racistes de l'Etat français. 

Le NPA est un parti qui croit fort à l'ordre existant. Il ne tente pas de lutter parmi ses membres pour une perspective socialiste et internationaliste, préférant s'adapter aux conceptions religieuses et politiques produites spontanément dans la population par l'action des médias et des partis bourgeois. 

La déclaration que le NPA est un parti « laïc » en particulier mérité d'être commentée. Principe de neutralité et de non-intervention de l'Etat dans les questions religieuses, la laïcité est un principe démocratique qui a été historiquement défendu par le mouvement socialiste. Quand le NPA se déclare laïc, cependant, c'est pour indiquer qu'il ne lutte pour aucune ligne politique claire sur des questions politiques essentielles.  

Un parti révolutionnaire n'est pas une organisation éclectique. Le parti marxiste s'appuie sur le matérialisme dialectique et l'héritage de la lutte du mouvement trotskyste contre le stalinisme tout au long du 20e siècle. Dans son caractère politique et philosophique, le NPA est l'opposé d'un pareil parti, comme le démontre clairement sa façon de traiter Moussaïd.  

En se fondant sur le reniement de l'héritage du mouvement trotskyste - déclarant à sa fondation qu'il voulait avoir le « meilleur » des tendances «  communiste » (c'est-à-dire stalinienne ou maoïste), social-démocrate, ou anarchiste - le NPA promouvait diverses idées réactionnaires, dont la conception qu'une lutte pour l'émancipation sociale des travailleurs est compatible avec la foi. Il ne viendrait à l'esprit que d'un militant du NPA de traiter une pareille situation de « révolution ».  

L'exclusion de Moussaïd  

Une fois les élections régionales passées et le petit score du NPA enregistré, un communiqué est sorti en avril, cité par Libération : «  'Après la campagne médiatique envers le NPA, autour d'une candidate voilée qui aurait dû rester une candidate parmi d'autres, le NPA Vaucluse se réorganise', annonce un communiqué, signé par Jacques Hauyé, tête de liste départementale du NPA pour les dernières élections régionales. 'Les comités attachés au féminisme et à la laïcité regrettent l'instrumentalisation de l'islam à laquelle la candidate s'est prêtée avec le concours actif d'une équipe qui s'est autonomisée et qui continue autour d'elle', pointe-t-il ».  

Moussaïd - présentée comme étant une militante anticapitaliste, féministe et laïque lors des élections régionales - était exclue du parti à peine un mois après. Le prétexte était la prétendue «instrumentalisation de l'Islam à laquelle la candidate s'est prêtée ».  

Dans une tribune du NPA au mois de mai, la sociologue universitaire Josette Trat et d'autres membres de la direction nationale du NPA ont dénoncé Moussaïd : «  En désaccord avec la décision des militant-es du Vaucluse concernant la candidature d'Ilham, nous jugeons pour le moins problématique l'absence de débat collectif à propos d'un choix qui a une portée nationale et que tout le NPA est sommé d'assumer, comme si la discussion était close avant même d'avoir commencé. Rappelons d'abord que le NPA s'est déclaré laïque ».  

Les positions du NPA étaient fondamentalement fausses. Ce n'est pas Moussaïd qui a instrumentalisé l'Islam. C'est le NPA qui a instrumentalisé Moussaïd pour se donner une couverture de gauche, tentant de se protéger de la colère des immigrés et des travailleurs contre une politique réactionnaire anti-burqa, sur laquelle il s'alignait.

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