WSWS : Nouvelles et analyses : Europe
En accélérant ses mesures
d'austérité, le capitalisme espagnol craint que l'opposition publique
qui s'exprime à travers l'éruption des « Indignados » ou du mouvement
M-15 ne soit un prélude à quelque chose de bien plus dangereux, à
savoir un mouvement de masse de la classe ouvrière.
C'est la raison pour laquelle
l'élite dirigeante a besoin d'un nouveau mécanisme pour soutenir et
couvrir les sociaux démocrates et les staliniens.
Esther Vivas,
dirigeante et porte-parole de la Gauche anticapitaliste (Izquierda Anticapitalista,
IA) reçoit un degré d'attention extraordinaire de la part des médias
et tout à fait disproportionné par rapport à la taille et à l'influence
de son groupe. IA, tout comme le Nouveau parti anticapitaliste en France
et Sinistra Critica en Italie, est affiliée au Secrétariat unifié
qui avait, sous la direction politique de Michel Pablo et d'Ernest Mandel,
fait scission d'avec la Quatrième Internationale en 1953.
Le Comité international de
la Quatrième Internationale avait été mis en place pour défendre
le marxisme contre cette tendance qui avait abandonné la lutte pour
la construction de partis révolutionnaires indépendants, préférant
agir comme groupe de pression de gauche sur les partis réformistes
et staliniens de masse existants, promouvant des idéologies anti-marxistes
au sein de la classe ouvrière.
Vivas, 36 ans, symbolise la couche sociale financièrement à l'aise d'universitaires, journalistes, permanents syndicaux et « militants » de profession qui forment la base des pablistes et autres groupes de l'ex-gauche et dont ils promeuvent les intérêts. Sur son blog, Vivas se définit comme une «militante dans divers mouvements sociaux à Barcelone », participant à « des campagnes anti-mondialisation, des campagnes contre la dette extérieure, en faveur de la souveraineté alimentaire et de la consommation avertie, contre le changement climatique et dans diverses éditions du Forum social mondial et du Forum social européen. »
Vivas opère à l'intérieur
d'un groupe de réflexion soi-disant de gauche qui se focalise en particulier
sur l'analyse de la dissidence sociale et politique. Elle est membre
du Centre d'Etudes des mouvements sociaux (CEMS) à Universitat Pompeu
Fabra et collabore avec l'Institut de politique publique et gouvernementale
(IGOP) de Universitat Autònoma de Barcelona. Elle fait de la recherche
sur l'impact environnemental et social « du modèle agro-industriel
dominant, l'alternative à ce modèle, ainsi que sur l'étude des mouvements
sociaux. »
CEMS, institut financé par
l'Etat, a été fondé en 2007 pour analyser les « facteurs qui provoquent
l'émergence » des mouvements sociaux, les « débats et controverses »
au sein de ces mouvements et leurs « impacts et conséquences. » IGOP
s'intéresse à la «politique publique de sécurité, vigilance, technologies
de contrôle, gestion de la sécurité des citoyens. »
Comme le reste de l'ex-gauche,
Vivas dissimule sa politique pro-bourgeoise sous le vernis d'une posture
radicale libérale sur des questions de féminisme et autres formes
de politique identitaire, le soutien à l'allègement de la dette pour
les pays en voie de développement, le commerce équitable, la consommation
éthique et une glorification du guerillerisme.
En 2004 elle a rejoint Espacio
Alternativo (EA), organisation qui a succédé à Ligue communiste révolutionnaire
pabliste (LCR.) EA était une des nombreuses factions au sein de Izquierda
Unida (Gauche unie) fondée par le Parti communiste espagnol (PCE) en
1986, avec une coalition de dissidents du PSOE, de libéraux, nationalistes,
groupes de gauche et Verts, afin de faire pression et orienter à gauche
le Parti pro-patronal PSOE.
Tout comme leurs homologues
sociaux-démocrates en Europe, le PSOE est allé dans la direction opposée,
soutenant le militarisme à l'extérieur et des mesures d'austérité
dans le pays. De larges sections de la population en sont venus à voir
IU comme un simple complément du PSOE. Craignant d'être totalement
discrédités, les pablistes ont alors décidé de rompre, d'un point
de vue organisationnel, avec leurs alliés staliniens en juillet 2008
et de prendre leurs distances politiques avec les sociaux-démocrates.
Mais pour tout le reste, leur objectif politique reste le même: rediriger
les sections radicalisées de travailleurs et de jeunes sous le contrôle
des bureaucraties syndicales et ouvrières.
Sous la bannière de « l'anticapitalisme »,
les pablistes ont proposé leurs nouveaux partis comme point de ralliement
pour toute tendance petite-bourgeoise professant l'hostilité au programme
de marché néo-libéral.
Reconnaissant
l'utilité politique d'un tel projet, les médias capitalistes ont tout
fait pour le promouvoir. Cette tâche est d'abord revenue aux publications
pro-PSOE, tels El Pais et Pùblico, qui appartiennent
à Mediapro, fondé par l'ex-pabliste Jaume Roures. Durant les élections
européennes de 2009, Pùblico avait consacré plusieurs articles
à IA, dont une interview avec Vivas dans laquelle elle avait lancé
un appel à « des syndicats et des activistes sociaux combatifs, déçus
et suspicieux des organisations politiques. »
En décembre dernier, lorsque
les aiguilleurs du ciel avaient cessé le travail sur les questions
de sécurité et de santé et pour s'opposer à des réductions de salaire
de 40 pour cent, le PSOE avait imposé un « état d'alerte » et envoyé
l'armée. La grève avait été attaquée par le PSOE, l'IU et les principaux
syndicats. IA avait publié une série de déclarations de vitrine
sur l'état d'alerte mais s'était opposée à la grève sauvage des
aiguilleurs et refusé de lever le petit doigt pour prendre leur défense.
En février,
IA avait révélé sa position sur l'intervention impérialiste contre
le régime libyen de Muammar Kadhafi. Pùblico avait publié
un article écrit par Vivas et Josep Maria Antentas, « Le battement
de coeur de la révolution arabe » qui appelait officiellement à « des
alternatives solidaires internationalistes » en opposition à « l'intervention
militaire. » Ils prônèrent néanmoins « l'isolement politique et économique
international du régime et l'approvisionnement inconditionnel en armes
des rebelles », précisément ce que les puissances européennes et
américaines ont fait.
La promotion
d'IA et de Vivas est montée d'un cran après l'éruption en dehors
du contrôle des partis et syndicats officiels du mouvement des Indignados
en début d'année, mouvement provoqué par la colère devant les mesures
d'austérité imposées par le PSOE et les gouvernements régionaux.
Ce mouvement a finalement échoué
du fait de l'absence d'un programme, d'une perspective et d'une direction
clairs. Un rôle crucial a été joué par IA dans la formulation des
revendications de « Pas de politique », « pas de direction » et pour
une structure « horizontale », ce qui revient à ne représenter aucun
danger pour la politique dominante, aucune analyse du rôle de ceux
qui ont contribué à la crise actuelle et aucune possibilité de développer
la conscience politique de la classe ouvrière et des jeunes. Vivas
a donné des conférences et discuté dans les campements et les assemblées
dans toute la Catalogne.
Le dirigeant IA, Miguel Romero
s'est ainsi vanté, « Nous sommes présents dans les rassemblements
depuis le début. Nous avons participé à la rédaction du Manifeste.
Nous avons de très bonnes relations avec le courant autonome non sectaire
qui est très présent dans le mouvement. En règle générale il est
nécessaire d'être très prudent et réservé, notamment par rapport
à l'affirmation de soi: drapeaux, autocollants etc. »
Le 20 mai,
Vivas et Antentas avaient été interviewés par El Pais qui
les présentait uniquement comme des « spécialistes des mouvements
sociaux ». Deux jours plus tard, Vivas était invitée à un débat
à la télévision publique catalane puis est apparue dans un documentaire
de 30 minutes sur la même chaîne sur les Indignados qui a ensuite
été diffusé par Al-Jazeera.
Vivas continue d'avoir des entretiens et des articles publiés dans les journaux et d'apparaître en vedette dans des émissions de radio. Elle a co-écrit trois livres publiés en moins de deux mois, Les Voix des Places (Las veus de las places), Les voix de M-15 (Las voces del 15-M ) et La rébellion des Indignados, le Mouvement M-15: La démocratie vraie maintenant! (La Rebelión de los indignados. Movimiento 15M: Democracia Real, ¡Ya!’).
Vivas est inflexible pour dire que dans les campements « personne ne nous représente, nous sommes des gens représentés sur une base individuelle et il a été prouvé que les processus de changement doivent être collectifs et rejeter toute direction. »
« C'est le système qui promeut
les directions, l'individualisme; c'est la philosophie du système capitaliste,
diviser pour mieux régner, » dit-elle avec insistance.
Dire que la direction est une
tactique de l'élite dirigeante pour diviser et mieux régner est une
déclaration manifeste des références anti-marxistes de Vivas. Ceci
confirme que les pablistes sont un détachement spécial de la bureaucratie,
oeuvrant pour elle à contrer le trotskysme qui, lui, affirme avec insistance
que « la crise historique de l'humanité se réduit à la crise de la
direction révolutionnaire. »
La tâche de IA est de s'opposer
à la construction d'une direction authentiquement révolutionnaire,
c'est à dire une section espagnole du Comité international de la Quatrième
Internationale.
(Article original en anglais
publié le 1er août 2011)
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