Alors que la grève des 45.000 travailleurs chez Verizon
[opérateur de téléphonie fixe et mobile] aux Etats-Unis entre dans sa deuxième
semaine, le gouvernement intervient agressivement aux côtés de
l’entreprise pour étouffer la résistance des travailleurs contre les
exigences patronales de destruction des acquis[concernant la sécurité de
l’emploi, la retraite et les soins de santé].
Le refus du syndicat AFL-CIO et de la direction des
syndicats directement impliqués, le Communications Workers of America (CWA) et
l’International Brotherhood of Electrical Workers (IBEW), de s'opposer
aux activités de briseur de grève de Verizon qui sont soutenues par le
gouvernement et de mobiliser un soutien plus vaste au sein de la classe
ouvrière, met la grève en péril.
La police de New York City, dont des unités spéciales
« anti-terrorisme », escorte les briseurs de grève pour traverser les
piquets de grève et surveille les grévistes. Le FBI, une agence du ministère de
la Justice d'Obama, a ouvert une enquête sur de fausses accusations de « sabotage »
émanant de l’entreprise, et fait un lien entre la présumée violence des
grévistes et le dixième anniversaire à venir des attentats terroristes du 11
septembre.
La police applique agressivement des injonctions
judiciaires obtenues par Verizon dans plusieurs Etats pour limiter
l’organisation de piquets de grève. Les travailleurs sont confinés à des
zones grillagées loin des entrées des bâtiments dans le but de protéger les
briseurs de grève et de contraindre les membres des piquets de grève à des protestations
inoffensives. Huit travailleurs au moins ont déjà été arrêtés.
Cette violation du droit des travailleurs de faire grève
tourne en dérision les prétentions du gouvernement américain de lutter pour la
démocratie à travers le monde. Le terme « démocratie » est un slogan
bien pratique pour dissimuler les objectifs des guerres impérialistes –
inévitablement liés aux intérêts financiers des banques et des grands groupes
américains – qui motivent les interventions américaines dans le monde
entier. La véritable attitude du gouvernement Obama et des deux grands partis
patronaux à l’égard des droits démocratiques est visible dans leur rejet
de ces droits aux travailleurs qui s’opposent aux entreprises.
Renforcé par la couverture médiatique pro-patronale et
l’appui du gouvernement, Verizon prend l'initiative. Lundi,
l’entreprise a commencé à envoyer des lettres de licenciement aux
grévistes qui, selon elle, auraient violé la loi. Entre-temps, la vraie
violence est exercée par l’entreprise. En participant à des piquets de
grève, des dizaines de travailleurs ont été blessés par des véhicules conduits
par des cadres de l’entreprise, un fait qui n’est pas signalé dans
la presse et qui est ignoré par le gouvernement.
Ces actions révèlent au grand jour le caractère de classe
de l’Etat qui est essentiellement un instrument de l’élite
patronale et financière. La crise financière qui a éclaté il y a près de trois
ans et le chômage de masse qui s’en ait suivi ont servi à appliquer une
vaste restructuration des rapports de classe. A présent, alors que les signes
d’un nouveau ralentissement économique encore plus fort se multiplient,
la classe dirigeante intensifie ses attaques – par le biais de réductions
budgétaires massives au niveau fédéral, de l’Etat et au niveau local, et
par les agissements d’entreprises comme Verizon. Si l’empressement
de Verizon d’anéantir les retraites, les soins de santé et la sécurité de
l’emploi réussit, ceci deviendra la nouvelle référence pour les
travailleurs des autres industries.
La force de la classe dirigeante réside dans le fait
qu’elle dispose d’une stratégie claire et d’institutions
politiques pour les appliquer. Elle contrôle la police et les tribunaux. Les
médias, qui sont à la botte des grandes entreprises, oeuvrent sans relâche pour
dissimuler les crimes sociaux de la classe dirigeante et désinformer et
désorienter la population en général.
La classe ouvrière est déterminée à lutter comme le
montrent une fois de plus les travailleurs de chez Verizon. Toutefois, elle
reste pieds et poings liés par le fait qu’elle ne dispose pas
d’organisations de lutte propre ni de parti politique propre.
Le CWA et l’IBEW n’ont rien fait pour
s’opposer aux activités de briseur de grève de l’entreprise. Le CWA
a exigé que les travailleurs respectent toutes les injonctions anti-grève. Le
syndicat a souligné sa volonté d’arrêter la grève sans accord et sans
certitude que l’entreprise va retirer ses exigences. Il ne s’est
borné qu’à réclamer de l’entreprise qu’elle « négocie de
façon équitable. » La principale préoccupation de la direction syndicale
est l’extension de sa base de cotisation, notamment parmi les
travailleurs de l’opérateur de téléphonie sans fil Verizon, et elle est
prête, comme elle l’a fait chez le géant de la téléphonie AT&T, à
sacrifier les salaires et les avantages actuels des membres du syndicat comme
prix à payer en échange de la conclusion d’un tel accord avec
l’entreprise.
L’AFL-CIO a ignoré la grève. Il n’y a eu
aucune action de solidarité. Rien n’a été fait pour mobiliser un soutien
plus large.
La grève a été trahie afin de subordonner la classe
ouvrière au Parti démocrate et au gouvernement Obama qui sont responsables du
renflouement des banques, de la croissance énorme de l’inégalité sociale
et de l’effondrement sans précédent du niveau de vie de la classe
ouvrière. La dernière chose que les syndicats souhaitent c’est une
victoire et ils sont foncièrement opposés aux mesures à prendre pour y
parvenir.
Le rôle traître joué par les syndicats est la conséquence
d’un long développement historique. Durant les 30 ans qui ont suivi le
licenciement par Reagan des aiguilleurs du ciel du syndicat PATCO en août 1981,
les syndicats ont supervisé une série ininterrompue de défaites.
L’unification en 1995 de l’AFL et du CIO était elle-même fondée sur
un pacte avec le capitalisme et ses représentants politiques, et avait été
scellée par la purge des socialistes à l'intérieur des syndicats.
Au cours de ces dernières décennies, alors que la classe
dirigeante est passée à l’offensive, les syndicats ont cherché à nier
l’existence même de la classe ouvrière en tant que groupe social
distinct. Ce faisant, la grève en tant que moyen de lutte des classes a
pratiquement disparu.
Un avertissement clair doit être donné : si la grève
continue sur la voie empruntée, elle conduira à la défaite. Verizon, avec le
soutien de l’Etat et la collaboration des syndicats, réussira à isoler et
à démoraliser les travailleurs qui dépendent de leurs maigres indemnités de
grève. Cela ouvrira la voie à la capitulation des syndicats et à leur
acceptation de toutes les exigences de l'entreprise.
Une lutte victorieuse dépend de la mobilisation
indépendante, par la grèveet politique, de la classe ouvrière tout
entière.
Le Socialist Equality Party (Parti de l’Egalité
socialiste, SEP) est le fer de lance de cette lutte. Nous appelons tous les
travailleurs de chez Verizon à commencer à mettre sur pied des comités de base,
qui sont indépendants des syndicats afin de résister sérieusement aux activités
de briseur de grève de l’entreprise. Cela comprend l'organisation de
piquets de grève de masse pour assurer la paralysie de l’entreprise et un
appel immédiat lancé à tous les travailleurs de Verizon ainsi qu’aux
travailleurs de l’automobile confrontés à de nouvelles exigences de
concessions lors des négociations tarifaires, aux travailleurs de la poste, qui
sont confrontés à la suppression d’un tiers des effectifs et à toutes les
autres sections de la classe ouvrière. Une campagne doit être lancée contre
toute tentative de harcèlement des travailleurs au moyen d’interpellation
ou de licenciement et pour exiger des poursuites judiciaires contre tous ceux
responsables d’avoir blessé des travailleurs sur le piquet de grève.
Le SEP fait campagne pour la mobilisation la plus large
possible de la classe ouvrière. La lutte des travailleurs de chez Verizon doit
être liée à la lutte contre les coupes budgétaires, aux luttes des enseignants
et des étudiants contre l’assaut contre l’éducation publique ainsi
qu’aux luttes de toutes les sections de la classe ouvrière contre le
chômage de masse et l’inégalité sociale.
Les événements survenus cette année montrent que la
question à laquelle sont confrontés les travailleurs de Verizon sont des
questions internationales. Le soulèvement social en Egypte et au Moyen-Orient,
l’opposition de masse contre l’austérité en Europe, la lutte contre
les réductions budgétaires au Wisconsin et dans d’autres Etats
américains, les émeutes de jeunes en Grande-Bretagne – tout ceci exprime,
dans des formes diverses, l'intensification de la lutte des classes à l'échelle
mondiale.
La question fondamentale est partout la même. On ne peut
garantir les droits et les intérêts de la classe ouvrière en dehors d’une
réorganisation fondamentale du pouvoir économique et d’une redistribution
des richesses. Dans le programme du Socialist Equality Party on peut
lire : « La vaste richesse créée par le travail de générations
entières de travailleurs doit être retirée des mains de quelques privilégiés et
mise à la disposition de l’ensemble de la population. Les travailleurs ne
parviendront à rien s’ils cherchent à éviter un conflit direct avec le
pouvoir économique et politique de la classe capitaliste. »
Ceci signifie la nationalisation des principales banques
et entreprises, dont les télécommunications, en tant que base de la
réorganisation socialiste de l’économie dans son ensemble, afin de
satisfaire les besoins sociaux et non les profits privés.
Pour concrétiser ce programme, il faut construire un
nouveau parti, un parti qui lutte pour l’unification de toutes les luttes
de la classe ouvrière afin d’orienter les travailleur contre la cause
fondamentale de leur exploitation : le système capitaliste. Nous invitons
instamment tous les travailleurs qui souscrivent à cette perspective à rejoindre
et à construire le Socialist Equality Party.