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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Le budget républicain prépare le terrain pour un assaut encore plus grand sur les travailleurs américains

Par Barry Grey
11 avril 2011

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La proposition budgétaire des républicains divulguée mardi par le congressiste du Wisconsin Paul Ryan, président de la commission budgétaire de la Chambre des représentants, n’est rien de moins qu’une déclaration de guerre à la classe ouvrière américaine.

La proposition va beaucoup plus loin que les mesures d’austérité déjà radicales contenues dans le budget 2012 du président Obama présenté en février. Ce budget a pris comme point de départ la restructuration du système de santé par la réduction des coûts adoptée en 2010 et a ajouté un gel des dépenses discrétionnaires sur les services sociaux.

Ryan propose de couper 6 billions de dollars en dépenses fédérales pour les 10 prochaines années en supprimant progressivement Medicare, le programme fédéral de santé qui couvre présentement 47 millions d’aînés et de personnes invalides, en mettant fin à Medicaid, le programme fédéral de santé qui vient en aide aux personnes à faibles revenus, et en sabrant radicalement les coupons alimentaires, l’éducation, le transport, la protection de l’environnement, la sécurité alimentaire, les subventions aux agriculteurs et d’autres services, ainsi que les emplois et les pensions des travailleurs fédéraux.

Le plan de Ryan visant à remplacer Medicare, avec ses prestations garanties et bien définies, pour tous ceux qui sont nés en 1957 ou après par des bons fédéraux servant à contracter une assurance privée pousserait des dizaines de millions d’aînés à la pauvreté. Depuis que Medicare a été promulgué en 1965, le taux de pauvreté officiel des Américains de plus 65 ans a diminué de près de deux tiers.

Le Congressional Budget Office a dit que les gens de 65 ans devraient assumer, sous le plan Ryan, une moyenne du double de ce qu’ils paient au total pour les soins de santé. Les gens ayant plus de 55 ans demeureraient dans ce même système, mais une fois qu’ils auraient atteint l’âge d’inscription à Medicare, ils seraient forcés de payer des coûts de franchises et de coassurances plus élevés. Ryan a aussi proposé d’augmenter l’âge d’éligibilité à Medicare, le faisant passer de 65 à 67.

Medicaid serait en réalité démantelé par l’abolition des lois fédérales sur les prestations et l’éligibilité, donnant ainsi aux États une autonomie complète, et en finançant leurs programmes avec des subventions fédérales qui ne seraient pas ajustées pour satisfaire les besoins croissants. Les dépenses totales reliées à Medicaid seraient réduites de 22 pour cent (771 milliards de dollars) sur 10 ans.

Un objectif conscient du démantèlement de ces programmes d’assurance-maladie cruciaux est de réduire l’espérance de vie des travailleurs et des pauvres en leur empêchant un accès à des soins de santé décents. Les multimillionnaires et les milliardaires qui composent la classe dirigeante estiment que les dépenses pour les gens qui ne peuvent être exploités pour générer des profits sont un prélèvement intolérable sur leur richesse personnelle.

Le pourcentage des dépenses fédérales comparé au produit intérieur brut américain serait abaissé, sous le plan républicain, à son plus bas niveau depuis 1949. La réduction du déficit pendant la décennie à venir serait cependant minimale, parce que le plan appelle également à des baisses d’impôts massives pour les entreprises et les riches, d’un montant total de 4,2 billions de dollars. Le plan ferait en sorte que la prolongation de deux ans, allouée par Obama, des baisses d’impôts aux riches de l’ère Bush serait permanente. Il procurerait aux entreprises et aux riches une énorme aubaine en réduisant l’impôt fédéral le plus élevé sur le revenu et réduirait également l’impôt sur les entreprises de 35 à 25 pour cent.

Le plan budgétaire vise à faire marche arrière sur un siècle de progrès social aux États-Unis et revenir à l'époque où les travailleurs vivaient dans la pauvreté la plus abjecte. Il n'y a pas si longtemps, il aurait été rejeté comme les délires fascistes d'un fanatique d'extrême droite. Aujourd'hui, il est généralement accepté par les critiques démocrates ainsi que ses partisans comme étant légitime et même une « sérieuse » contribution au débat sur le budget.

Obama a refusé de parler de la proposition de Ryan, tandis que les médias, y compris ceux qui tendent vers le Parti démocrate, l'ont généralement abordé de la manière la plus abstraite et superficielle, en refusant de préciser ses implications désastreuses pour des millions d'Américains.

Le chroniqueur du New York Times, David Brooks, a salué le plan budgétaire, écrivant mardi :

« Aujourd'hui, Paul Ryan, le président républicain de la commission budgétaire de la Chambre, doit présenter la plus complète et la plus courageuse proposition de réforme du budget que chacun d'entre nous ait vu de sa vie. On s'attend à ce que Ryan occupe le vide créé par la passivité du président. Le budget Ryan ne sera pas adopté cette année, mais il va immédiatement reformuler le débat sur la politique intérieure.

« Le budget Ryan amène le débat sur le bon terrain : L'État providence actuel est tout simplement non viable et toute personne sérieuse, de gauche ou de droite, doit adopter une nouvelle vision du contrat social. »

Le Washington Post a publié un éditorial mercredi : « La première chose qui doit être louangée dans le plan du président de la commission budgétaire de la Chambre, Paul Ryan, qui a été dévoilé mardi, est son existence. Le républicain du Wisconsin a élaboré un plan pour faire face à la dette, et ses collègues démocrates ou le président Obama ne peuvent pas en dire autant ... »

L'éditorial du Wall Street Journal de mercredi a précisé que le plan budgétaire de Ryan, qui ne comprend pas les réductions propres au système de sécurité sociale pour les retraites des personnes âgées, est aussi le prélude à la destruction de cette même réforme sociale fondamentale.

« La sortie du budget de M. Ryan, écrit le Journal, est un moment politique important parce qu'il représente la tentative la plus sérieuse pour réformer le gouvernement depuis au moins une génération... M. Ryan a décidé de ne pas défricher le terrain sur la question de la sécurité sociale, même si tout le monde sait que le droit à la retraite est également non viable dans un contexte où le passif non capitalisé s'élève à 17 billions de dollars. Au niveau des mesures politiques à adopter, la sécurité sociale est aussi le problème le plus simple à résoudre : changer la formule des prestations et de l'examen des ressources, hausser l'âge de la retraite, et plus encore. »

Sur sa page éditoriale, le New York Times a critiqué le plan républicain comme étant trop sévère et trop généreux pour les riches, mais a conclu en exprimant son accord avec Ryan sur la nécessité de mesures d'austérité. « Le déficit est un problème sérieux, est-il écrit, mais le plan Ryan n'est pas une réponse sérieuse. »

Comme Ryan et les républicains le savent, il n'y a pratiquement aucune chance que ce plan soit adopté avant les élections de 2012, les démocrates ayant le contrôle de la Maison-Blanche et du Sénat. Il joue néanmoins un rôle essentiel dans l'intensification de l'attaque des deux partis sur les conditions sociales et le niveau de vie des travailleurs et de la jeunesse.

Le plan des républicains crée les conditions politiques pour qu’Obama et les démocrates montent la barre de leurs propres attaques sur Medicare, Medicaid et d’autres programmes sociaux, puis de leurs propres réductions d’impôts pour l’élite des affaires, et ce, même s’ils se présentent comme les défenseurs de la « classe moyenne » et la seule alternative à la droite républicaine.

Dans l’ensemble de la politique officielle et des médias, l’essentiel du cadre du plan Ryan est accepté : la classe ouvrière doit payer pour les dettes massives résultant du renflouement des banques, des réductions d’impôts pour l’élite financière, et de la crise globale du capitalisme américain, par des coupes encore plus douloureuses dans son niveau de vie.

Les démocrates, pas moins que les républicains, représentent la classe dirigeante américaine et défendent ses intérêts. Ils accueillent l’appel des républicains pour ce qui peut être considéré une contre-révolution sociale comme moyen de tourner le débat officiel et les politiques gouvernementales encore plus à droite.

Ainsi, l'attaché de presse de la Maison-Blanche, Jay Carney, a publié une déclaration disant que les responsables de l’administration sont en accord avec les buts de Ryan, mais sont en désaccord avec son approche. Au Sénat, le président de la commission budgétaire démocrate, Kent Conrad, travaille à une stratégie bipartite qui réduirait la dette nationale par une hausse de taxes, principalement pour les travailleurs, et des coupes dans des programmes de prestations comme Medicare et Medicaid.

Le Parti de l’égalité socialiste et le World Socialist Web Site rejettent l’ensemble du cadre officiel du débat sur le budget. Nous rejetons que les travailleurs doivent se sacrifier pour soutenir le système capitaliste historiquement failli et en crise. Les propositions barbares émanant de la classe dirigeante et de ses serviteurs politiques fournissent les arguments les plus incontestables pour le renversement de ce système et son remplacement par le socialisme.

Il y a deux positions opposées et irréconciliables : celle de la classe dirigeante et ses deux partis, qui insistent sur le « droit » de l’aristocratie financière à la richesse et au profit, et celui du parti révolutionnaire socialiste, qui articule les intérêts de la classe ouvrière. Nous soutenons que la classe ouvrière a des droits sociaux – le droit à un emploi stable et bien payé, aux soins de santé, au logement, à l’éducation, à une retraite confortable, à un monde sans guerre ni répression, à un avenir pour la jeunesse – et que ses droits doivent être assurés par un assaut de front sur la richesse et les privilèges de la classe dirigeante.

Cela requiert que la classe ouvrière s’unisse au sein d’un mouvement socialiste de masse, indépendant de tous les partis politiques et les représentants de la classe dirigeante. Le PES, L’Internationale étudiante pour l’égalité sociale et le World Socialist Web Site tiennent des conférences ce mois-ci, à partir de ce ce weekend à Ann Arbor au Michigan, sur The Fight for Socialism Today (La lutte pour le socialisme aujourd’hui) afin de discuter du programme sur lequel le mouvement doit être bâti.

Nous encourageons tous nos lecteurs qui cherchent un moyen pour lutter contre l’attaque sur les conditions sociales et les droits démocratiques, et contre les guerres en Afghanistan, en Irak et en Libye à participer.

(Article original paru le 7 avril 2011)

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