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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Bradley Manning et l’attaque des droits démocratiques

Par Naomi Spencer
21 décembre 2011

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La persécution du dénonciateur d’abus Bradley Manning est un très sérieux avertissement à l’ensemble de la classe ouvrière. Ce jeune soldat de 24 ans fait en ce moment l’objet d’une audition militaire préliminaire portant sur des accusations passibles de peines allant jusqu’à la peine de mort. Il est accusé d’avoir divulgué des centaines de milliers de documents gouvernementaux et militaires. Le traitement vindicatif que subit ce jeune homme courageux est destiné à intimider toute opposition à l’égard de l’impérialisme américain.

En février 2010, le site d’information WikiLeaks avait commencé à publier le matériel que Manning est accusé d’avoir transmis. Les documents ont révélé la criminalité du gouvernement américain et de l’administration Obama ainsi que d’autres gouvernements de par le monde. Les révélations sur la corruption et la brutalité des régimes au Moyen-Orient ont contribué à attiser le soulèvement révolutionnaire qui s’est déclenché à travers toute la région à commencer par le soulèvement tunisien d’il y a un an.

De nombreux dossiers ont documenté les crimes de guerre américains en Irak et en Afghanistan. L’une des publications les plus explosives fut une vidéo, publiée sous le titre « Meurtres collatéraux » et montrant un hélicoptère de combat fauchant à la mitrailleuse des civils irakiens, dont des enfants et deux journalistes de l’agence Reuters, dans un quartier de Bagdad. Dans ce domaine de couverture médiatique hautement censuré des opérations militaires américaines, l’exposition du public américain à une telle atrocité a eu un impact significatif et intensifié l’opposition populaire à l’occupation de l’Irak. (Voir « Leaked video shows US military killing of two Iraqi journalists »)

Si Manning était effectivement responsable de la publication de ce matériel, il aura rendu un grand service à l’humanité. Le seul « crime » qu’il a commis est celui d’avoir révélé au grand jour les véritables crimes de l’impérialisme américain. Alors qu’il comparaît devant le tribunal militaire, les gouvernements et les chefs militaires responsables du déclenchement de guerres illégales, de la pratique de la torture et de la violation des droits démocratiques fondamentaux restent eux, en liberté.

Détenu pendant plus d’un an et demi par l’armée, Manning a été soumis à un régime de détention à l’isolement total, a une nudité forcée, à la privation de sommeil et à d’autres cruautés. On lui a refusé l’application d’une procédure régulière et des réunions privées avec ses avocats et avec des enquêteurs des droits de l’homme.

Sa difficile situation a suscité des dénonciations de la part d’organisations internationales de défense des droits ainsi que de masses de gens ordinaires partout dans le monde. Le gouvernement Obama – aux côtés de l’ensemble de l’establishment politique et des grands groupes de médias – a réagi à ces appels avec indifférence et mépris.

Le traitement que l’Etat fait subir à Manning vise à briser sa volonté, tout à l’image des détenus à Guantanamo Bay qui ont été obligés d’avouer des accusations fabriquées de toutes pièces par le gouvernement américain.

Le gouvernement Obama entend utiliser Manning pour fermer WikiLeaks et faire taire son fondateur Julian Assange qui fait présentement appel de son extradition vers la Suède où il doit être jugé sur la base d’accusations fictives de délit sexuel. S’il perd son appel, Assange risque d’être extradé vers les Etats-Unis pour y être soit jugé comme terroriste par le ministère de la Justice soit interpellé et détenu à vie sans procès par l’armée américaine.

Alors que l’audition dont il fait l’objet en est à son quatrième jour, la défense de Manning est obligée de présenter ses arguments sans le témoignage de 46 des 48 témoins qu’elle avait requis. Le ministère de la Justice exerce une influence directe sur le processus judiciaire en ce que le lieutenant-colonel Paul Almanza, officier chargé de l’enquête et procureur du ministère de la Justice, préside l’affaire en qualité de juge. Ignorant les protestations de la défense selon quoi ces fonctions représente un conflit d’intérêts, Almanza et l’armée rejettent les appels exigeant qu’il se récuse.

Les méthodes du gouvernement Obama – détention perpétuelle, torture, suppression d’information, cours martiales – en disent long sur son attitude à l’égard des droits démocratiques. Propulsé au pouvoir en grande partie en raison du dégoût éprouvé à l’égard de la politique militariste du gouvernement Bush, Obama a considérablement élargi les services de renseignement militaire, déclenché de nouvelles guerres et mis en place une politique d’assassinat d’Etat extrajudiciaire, dont de citoyens américains.

Il est significatif de noter qu’après avoir promis de créer « le gouvernement le plus transparent de l’histoire, » le président a classifié un nombre record de données et poursuivi pour « espionnage » davantage d’informateurs d’abus gouvernementaux que ne l’avaient fait tous les gouvernements précédents réunis.

Le président n’attend actuellement que l’occasion de donner force de loi à un cadre juridique d’Etat policier. La National Defense Authorization Act [loi de finances relative au financement de la machine de guerre] contient des dispositions qui permettront de détenir dans des prisons militaires pour une durée indéfinie, sans inculpation ni jugement, des citoyens arrêtés sur le sol américain. La loi légalise effectivement la politique mise en vigueur par le gouvernement Bush et élargi son usage sur le sol américain, abrogeant la Déclaration des droits des Etats-Unis. (Voir « Obama, Congress back legalization of a police state »

Les poursuites judiciaires contre Manning sont partie intégrante de cette attaque contre les droits démocratiques, soutenue par l’ensemble de l’establishment politique américain. L’Etat affirme que, non seulement il doit être libre de commettre des crimes partout dans le monde, mais que quiconque révèle au grand jour ces crimes subira les punitions les plus sévères.

La décrépitude de la démocratie aux Etats-Unis n’est pas due au hasard. Elle a sa source dans l’effondrement du capitalisme américain et mondial. La classe dirigeante a réagi à la crise avec des mesures de plus en plus brutales, qui ont engendré une catastrophe sociale pour des millions de personnes. Les soins de santé publics sont réservés à une ploutocratie financière de plus en plus restreinte et riche. En conséquence, des masses de gens sont poussés dans la lutte des classes. C’est avant tout pour cette raison que Washington est en train de jeter les fondements d’un Etat policier.

Une détention à vie dans une prison militaire plane au-dessus de la tête de Bradley Manning, voire la peine de mort. Les travailleurs qui craignent pour sa vie et qui sont opposés à la politique de guerre de l’impérialisme américain doivent comprendre que la vendetta contre Manning et d’autres informateurs d’abus est liée de façon inhérente aux attaques de la classe dirigeante sur les droits et les conditions de vie de la classe ouvrière en général.

Un mouvement de masse contre la guerre et les assauts sur les droits démocratiques doit être développé sur la base d’une stratégie socialiste indépendante et révolutionnaire. On ne peut défendre le soldat Manning que dans le cadre d’une lutte de la classe ouvrière contre le gouvernement Obama, contre les deux partis du grand patronat et contre le système capitaliste qu’ils servent.

 (Article original paru le 19 décembre 2011)

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