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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

La lutte des travailleurs du Wisconsin entre dans un nouveau stade

Par Jerry White
24 février 2011
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Au cours de la semaine passée, l’Etat du Wisconsin dans le Midwest des Etats-Unis a été précipité dans des protestations de masse de la classe ouvrière auxquelles ont participé des dizaines de milliers de personnes. Ces manifestations sont une première expression de la réémergence des luttes ouvertes de la classe ouvrière, comme les Etats-Unis n’en ont pas vues depuis un quart de siècle.

Les manifestations de samedi ont été les plus importantes jusqu’ici ; 75.000 manifestants ont convergé vers la capitale de l’Etat, Madison. Ils se sont joints à plusieurs milliers d’autres qui ont occupé le bâtiment du capitole pour protester contre les projets du gouverneur républicain, Scott Walker, de réduire les prestations sociales des employés de la fonction publique, de dégrader l’éducation et d’autres services essentiels et de détruire le droit de négociation collective de 175.000 salariés du secteur public et du secteur municipal.

L’ambiance était combative et confiante lorsque enseignants, pompiers et autres employés du secteur public se sont joints, dans un défilé autour du capitole, aux travailleurs de la métallurgie, de l’automobile, du bâtiment et d’autres branches du secteur privé et ont manifesté aux côtés des lycéens et des étudiants.

Les événements du Wisconsin sont une indication des choses à venir. Le temps d’une génération entière s’est écoulé depuis que les travailleurs aux Etats-Unis ont été en mesure de participer à des luttes sociales de masse. Les syndicats de l’AFL CIO ont œuvré pour supprimer artificiellement tout signe de résistance de la classe ouvrière. La trahison de la grève du syndicat des aiguilleurs du ciel PATCO en 1981 – et la complicité des syndicats devant le licenciement par Reagan de 12.000 d’entre eux – avait été suivie par une décennie d’isolement et d’étouffement des grèves.

La quasi disparition des grèves de la vie américaine avait coïncidé avec une croissance explosive de l’inégalité sociale et un vaste transfert de richesse de la classe ouvrière vers le un pour cent le plus riche de la société.

Les tensions sociales ont atteint à présent un point de rupture. Depuis l’éclatement de la crise financière il y a deux ans et demi, plus de 26 millions de travailleurs n’ont pu trouver un emploi à plein temps. Les gouvernements d’Etat, tant sous les Démocrates que les Républicain, réagissent aux déficits budgétaires en fermant les écoles, les bibliothèques, les cliniques et autres établissements publics et en perpétrant des attaques contre les travailleurs de la fonction publique et des municipalités.

Entre-temps, les cours des actions à Wall Street ont enregistré une reprise complète depuis le krach de 2008 et les entreprises et leurs PDG sont plus riches que jamais. Le président Obama a refusé d’octroyer un centime d’aide aux travailleurs qui ont perdu leur emploi, leur maison et leurs économies. Au lieu de cela, pour payer le sauvetage de Wall Street, l’extension pour les riches des réductions d’impôts de l’ère Bush et pour la machine de guerre du Pengatone, il a exposé les grandes lignes de projets destinés à supprimer mille milliards de dollars de services sociaux qui sont d’une importance vitale. Et ce n’est là que le début.

L’émergence d’une la lutte de classe ouverte révèle au grand jour les mythes propagés par l’establishment politique. Parmi ces derniers figure celui du soi-disant soutien de masse pour le mouvement du « Tea Party ». En grande partie une création des médias, attisé par des millions de dollars issus de patrons milliardaires, les partisans du Tea Party du gouverneur Walker n’ont pu rassembler samedi à Madison qu’une petite foule de partisans démoralisés. Le sentiment populaire écrasant exprimé par presque toutes les personnes rencontrées en ville, était de soutenir les protestations.

Un nombre de questions politiques sérieuses se posent aux travailleurs du Wisconsin. L’objectif immédiat des manifestants est Walker, un représentant incorrigible des entreprises et des intérêts les plus réactionnaires. Pour Walker, la destruction des droits des salariés de la fonction publique est une question de principe et un moyen d’institutionnaliser une quasi dictature sur le lieu du travail.

Pourtant, les travailleurs du Wisconsin et de l’ensemble du pays ont avec le Parti démocrate et les syndicats officiels qui se trouvent actuellement nommément à la tête des protestations, à faire à des ennemis non moins déterminés que Walker. En effet, les manifestations contre la loi de Walker ont éclaté en grande partie spontanément. Les démocrates et leurs alliés des syndicats ont rapidement essayé de contenir ces luttes en les dirigeant vers des canaux sûrs.

Les représentants démocrates et les dirigeants syndicaux proclament ouvertement qu’ils acceptent toutes les coupes sociales que prévoit la loi de Walker et n’objecte qu’à la disposition qui supprimerait les droits de négociation d’une convention collective pour la plupart des employés du public. Ils s’efforcent de créer des conditions où une loi de « compromis » comportant l’ensemble des coupes peut être présentée comme une victoire, tout en maintenant la structure syndicale existante.

Les deux plus grands syndicats gouvernementaux de l’Etat, le Wisconsin State Employee Union et le Wisconsin Education Association Council, ont déjà accepté d’imposer les exigences économiques du gouverneur s’il leur permet de maintenir leur position juridique d’agents négociateurs pour les travailleurs.

Non seulement les Démocrates soutiennent la destruction des conditions de vie de la classe ouvrière, ils n’éprouvent, tout comme les Républicains, aucun intérêt pour les droits démocratiques des travailleurs. Leur objectif n’est pas de défendre le droit des travailleurs à s’organiser et à lutter contre les entreprises, mais de maintenir un appareil syndical qui s’est révélé être un outil crucial pour réprimer les luttes de la classe ouvrière et pour imposer les coupes sociales. En effet, des gouverneurs démocrates comme ceux de l’Etat de New York et de la Californie comptent sur les syndicats précisément pour cela.

L’unique préoccupation des responsables syndicaux est de garder les travailleurs comme source de cotisations, donc de revenu. Pour eux, sauvegarder « les droits de négociation collective » ne signifie que garder « une place à la table de négociation » avec les employeurs de façon à pouvoir profiter personnellement de l’élimination des emplois et des niveaux de vie de leurs membres.

Quant au coupeur en chef du budget, le président Obama, il a lui aussi déclaré que les travailleurs au Wisconsin doivent être prêts à « faire des sacrifices » et il a concentré sa critique de Walker sur les attaques de ce dernier à l’égard des syndicats. Si les salariés du gouvernement fédéral faisaient grève contre le gel des salaires de deux ans imposé par la Maison Blanche, la réponse du président démocrate ne serait pas moins impitoyable que celle du gouverneur du Wisconsin.

Il y a une logique à la lutte de classe, une qui fait entrer les travailleurs du Wisconsin et partout dans le pays en conflit direct avec l’ensemble du système politique. Les travailleurs luttent pour leurs moyens d’existence. Ils ne peuvent pas vivre avec ce qui correspond à une baisse de salaire de 20 pour cent et des coupes dévastatrices dans l’éducation publique et les universités d’Etat touchant leurs enfants.

Cette collision entre la classe ouvrière d’un côté et les syndicats et le Parti démocrate de l’autre est en train de se développer rapidement. Dès dimanche, une réunion de masse de 3.000 enseignants à Madison a rejeté les efforts entrepris par les responsables syndicaux pour mettre fin à leur débrayage qui leur ont ordonné de reprendre le travail aujourd’hui.

Pour faire avancer la lutte, les travailleurs requièrent de nouveaux outils. Ils doivent se libérer des appareils syndicaux qui s’efforcent de les étouffer, de les démoraliser et de les mener à la défaite. De nouvelles organisations doivent être mises en place pour unir toutes les sections de la classe ouvrière – du secteur public comme du secteur privé, chômeurs et non chômeurs – aux côtés des étudiants et des jeunes. Les luttes des travailleurs au Wisconsin doivent être liées à la lutte des travailleurs contre les coupes budgétaires dans tout le pays et pour la défense de leurs droits fondamentaux.

Mais, en premier lieu, un parti et un programme nouveau sont requis. La lutte contre les coupes budgétaires doit être associée à la lutte contre l’aristocratie patronale et financière qui a pillé le pays et qui détient le contrôle de l’ensemble du système politique. Ceci signifie la lutte pour le socialisme et la construction du Parti de l’Egalité socialiste.

(Article original paru le 21 février 2011)

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