World Socialist Web Site www.wsws.org

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

L’attaque contre la liberté de la presse en Hongrie

Par Peter Schwarz
3 janvier 2011

Retour | Ecrivez à l'auteur

Vingt après la chute du régime stalinien en Hongrie, le gouvernement a aboli la liberté de la presse. La nouvelle loi sur les médias, passée la semaine dernière par l’Union civique hongroise (FIDESZ), qui jouit d’une majorité des deux tiers au parlement, confère au gouvernement des pouvoirs considérables pour surveiller la presse.

Un conseil des médias de cinq membres, dirigé par un confident de longue date du premier ministre Viktor Orban, pourra imposer de sévères sanctions contre tout organe de presse dont le reportage n’est pas « équilibré ». Ce que constitue un reportage « équilibré » est déterminé par le conseil des médias.

Les journalistes qui traitent des questions de « sécurité nationale » doivent révéler leurs sources.

Les informations présentées par l’ensemble des chaînes publiques seront produites par une agence centrale du gouvernement.

L’ancien premier ministre belge, Guy Verhofstadt, a comparé la presse hongroise sous la nouvelle loi à la Pravda, l’organe central du Parti communiste soviétique sous le régime stalinien. Le ministre tchèque des Affaires étrangères, Karel Schwarzenberg, a exprimé des craintes quant au « musèlement total des médias. » Bernard Odehnal, journaliste, auteur et spécialiste de l’Europe de l’Est, a mis en garde contre l’abolition de la démocratie.

Le musèlement des médias hongrois jette une lumière révélatrice sur les événements qui ont secoué la Hongrie et l’Europe de l’Est il y a vingt ans. La chute des régimes staliniens avait été célébrée comme une « révolution démocratique » et un pas vers la « liberté ». Mais, vingt ans plus tard, les mêmes structures autoritaires ont été rétablies tandis que de vastes sections de la population vivent dans une pauvreté abjecte, et les systèmes d’éducation, de santé et de prestations sociales, qui étaient jadis hautement développés, se sont désintégrés.

Il y deux décennies, le Fidez figurait parmi les forces revendiquant le plus fort la liberté et l’abolition du « communisme. » Durant l’été 1989, Viktor Orban, alors âgé de 26 ans, s’était fait connaître d’un coup en prononçant un discours public réclamant la fin du Rideau de fer, des élections libres et le retrait de l’armée soviétique, en jurant, « Nous réduirons les communistes en poussière. »

Ceci lui valut une promotion et un soutien international. Ce fut avant tout le Parti libéral démocrate allemand (FDP) et son président d’alors, le comte Otto Graf Lambsdorff qui avait promu le jeune anti-communiste.

Dans les mois qui suivirent, Orban rejoignait les staliniens au pouvoir à la « Table ronde » et négociait la transition vers le capitalisme. Il était d’ores et déjà clair à ce stade que son idée de « liberté » était totalement différente de celle de la masse de la population.

La masse de la population voulait se libérer de la répression politique exercée par la bureaucratie stalinienne qui exploitait la propriété nationalisée en l’utilisant comme source de ses privilèges. Le Fidesz d’Orban par contre voulait abolir la propriété étatique et les acquis sociaux qui l’accompagnaient parce qu’ils barraient la voie à l’enrichissement de ses partisans petits bourgeois.

Les staliniens et le Fidesz s’étaient rapidement mis d’accord pour démanteler l’industrie publique. En 1988, les staliniens avaient écarté leur vieux dirigeant Janos Kadar qui avait dirigé le parti au pouvoir depuis l’écrasement en 1956 du soulèvement hongrois pour s’engager dans une voie pro-capitaliste du type de celle du dirigeant soviétique Michael Gorbatchev. Durant l’été de 1989, le gouvernement hongrois supprimait ses postes de contrôle à la frontière avec l’Autriche, accélérant ainsi l’effondrement du bloc soviétique.

Depuis lors, les dirigeants du parti stalinien d’Etat et son successeur, le Parti socialiste hongrois (MSzP) se sont approprié une partie considérable de l’ancien patrimoine de l’Etat. L’hostilité farouche qui caractérise la relation entre le Fidesz et le MSzP provient surtout de la lutte continue concernant ce patrimoine plutôt que de différences programmatiques fondamentales.

Suite à l’effondrement du régime stalinien en 1989, le Fidesz fut privé d’accès aux râteliers du pouvoir, et ce malgré le fait que ses scores aux élections de 1990 et 1994 dépassaient de loin les dix pour cent. Le gouvernement était entre les mains soit du Forum démocrate hongrois (MDF) conservateur soit du MSzP.

A cette époque, le Fidesz naviguait sous pavillon du libéralisme et rejoignit l’Internationale libérale. Son heure vint en 1998 lorsque le MDF et le MSzP se furent tous deux discrédités. Viktor Orban devint premier ministre pour les quatre années suivantes.

A ce moment-là, le Fidesz virait nettement vers la droite. La défense des relations de propriété capitalistes et la misère sociale qu’elle entraînait ne pouvaient aller de pair avec un accord du bout des lèvres avec des principes de droit libéral. Le Fidesz quitta l’Internationale libérale pour s’associer au Parti populaire européen, une alliance de partis conservateurs. Idéologiquement, il glorifia l’autorité, la nation, l’église et la famille. Il s’appuya sur les traditions du régime autoritaire de l’amiral Horthy, le régent qui avait gouverné la Hongrie entre les deux guerres mondiales et qui était allié à Hitler.

Lorsque le MSzP revint au pouvoir en 2002 et que le Fidesz se retrouva dans l’opposition, le parti opéra alors un virage droitier encore plus prononcé. Il engendra le Mouvement pour une meilleure Hongrie (Jobbik) et son aile paramilitaire, la Garde hongroise. Mais, un chauvinisme hongrois plus prononcé, l'antisémite et des chasses aux sorcières anti-Rom étaient aussi partie intégrante de la propagande du Fidesz.

Des scandales de corruption et un sévère programme d’austérité du Fonds monétaire international acceptés par le MSzP ouvrirent la voie à un retour au pouvoir d’Orban et du Fidesz. Lors des élections parlementaires d’avril 2010, le Fidesz remporta une majorité des deux tiers lui fournissant la base pour un changement de la constitution et développer les structures autoritaires nécessaires à Orban pour consolider son pouvoir.

A peine entré en fonction, son gouvernement adopta une loi conférant la citoyenneté hongroise aux personnes de descendance hongroise vivant dans les pays avoisinants. Attisant de ce fait en permanence des tensions nationales avec les pays voisins envers lesquels la Hongrie avance des revendications territoriales depuis la conclusion du traité de Trianon en 1920 (la version hongroise du traité de Versailles). Orban a placé ses confidents à d’importants postes dans le système judiciaire. La nouvelle loi sur les médias a été promulguée dans ce contexte. C’est un effort de plus pour fournir au Fidesz de façon permanente des pouvoirs semi-dictatoriaux.

La Hongrie est un cas extrême mais non unique. Tous les gouvernements européens sont en train de reporter, au moyen de mesures de rigueur drastiques, le fardeau de la crise économique internationale sur le dos des travailleurs. Ceci ne peut s’appliquer par des moyens démocratiques. La liberté de la pesse et la liberté d’expression sont partout la cible d'attaques.

En Italie, le premier ministre Silvio Berlusconi contrôle personnellement depuis de nombreuses années l’ensemble des médias privés et publics. Au niveau international, la campagne contre WikiLeaks et son fondateur Julian Assange marque un nouveau stade dans l’attaque contre la liberté de la presse. Si le gouvernement américain sort victorieux contre WikiLeans, l’ensemble de l’internet sera bientôt assujetti à la censure.

En dépit des vastes implications de la nouvelle loi hongroise sur les médias, il n’y a eu que des critiques en sourdine au sein de l’Union européenne. A partir du 1er janvier, la Hongrie accèdera à la présidence de l’Union européenne, ce que personne dans les milieux officiels n’a jusqu'ici sérieusement remis en question.

Ceci doit être vu comme un avertissement aux travailleurs. L’incitation au nationalisme et au racisme, la démolition de droits démocratiques tels la liberté de la presse et d’expression, les attaques contre les salaires, l’emploi et les conditions sociales sont étroitement liés. Seule une offensive internationale de la classe ouvrière sur la base d’un programme socialiste peut mettre un terme à de telles attaques.

(Article original paru le 29 décembre 2010)

Untitled Document


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés