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Sri Lanka: Le NSSP prépare un nouveau piège pour les travailleurs et les jeunes tamouls

Par Athiyan Silva et Antoine Lerougetel
12 janvier 2011

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En novembre dernier, Vikramabahu Karunaratna, dirigeant de l'organisation ex-radicale Nava Sama Samaja Party (NSSP) s'est rendu en Grande-Bretagne. Malgré ses affirmations occasionnelles d'être toujours un « socialiste », il a apporté son plein soutien aux groupes politiques bourgeois tamouls qui agissent en contact étroit avec l'impérialisme britannique et américain, ces forces mêmes qui sont engagées dans les guerres de conquête néo-coloniale en Irak et en Afghanistan, et dont l'unique intérêt pour le Sri Lanka est l'exploitation de ses atouts humains et stratégiques. 

Depuis sa formation en 1978, le NSSP, tout en cherchant à garder une façade de gauche, est constamment engagé dans des manoeuvres sordides avec divers partis bourgeois du Sri Lanka alors même que ces derniers virent inexorablement à droite. Karunaratna a prétendu que sa visite en Grande-Bretagne était une visite privée, mais il a participé à 20 meetings et discussions politiques avant de quitter Londres le 7 décembre.

Karunaratna a signé un accord pour former « un Front de gauche » avec le Forum tamoul britannique (BTF), organisation soutenue par les Tigres de Libération de l'Eelam tamoul (LTTE), mouvement nationaliste séparatiste bourgeois tamoul. Depuis que l'armée sri lankaise a vaincu le LTTE en mai 2009, cette organisation s'est fragmentée en de nombreuses sections dont l'une est le BTF.

Karunaratna a participé avec grand enthousiasme aux meetings organisés par le BTF. Ce dirigeant de ce soi-disant « Front de gauche » au Sri Lanka a déclaré lors du meeting à South Harrow le 25 novembre: « Au nom des forces socio-démocrates et du NSSP, nous nous sommes mis d'accord pour travailler avec le BTF pour apporter la démocratie dans notre pays. »

Tout comme le LTTE, le BTF prône un programme nationaliste pour la création d'un Etat capitaliste indépendant et courtise ouvertement les faveurs des puissances impérialistes occidentales. Le 1er mai 2009 à Paris, tandis que des centaines de milliers de travailleurs français manifestaient contre les coupes sociales du gouvernement Sarkozy, les suppressions de postes et l'augmentation de la pauvreté, les manifestants du LTTE démontraient une fois de plus leur sympathie de classe. Ils participaient aux manifestations en brandissant des photos d'Obama, Brown, Sarkozy et Angela Merkel et des pancartes disant « Aidez-nous. »

Le 24 février, le BTF prit l'entière responsabilité de la formation du  Global Tamil Forum (GTF,  Forum tamoul mondial)  au parlement britannique. Le GTF est une nouvelle organisation qui prétend être « la voix authentique » de la diaspora tamoule. Il jouit du soutien de tout l'establishment politique britannique et du gouvernement américain.

Le premier ministre travailliste de l'époque, Gordon Brown, et le ministre des Affaires étrangères David Miliband avaient rencontré des représentants du GTF. Le ténor conservateur William Hague et son homologue libéral-démocrate Ed Davery s'étaient exprimés à la conférence du GTF. Le dirigeant du Parti conservateur David Cameron (à présent premier ministre) et Robert Blake, ancien ambassadeur américain au Sri Lanka et maintenant secrétaire d'Etat adjoint aux affaires d'Asie centrale et du sud, avait envoyé leurs salutations. Le révérend Jesse Jackson, présenté comme un « ami du président Obama » avait fait un discours pour accueillir la formation du GTF.

En novembre, au moment où Karunaratna annonçait son accord avec le BTF pro-capitaliste pour restaurer la « démocratie » au Sri Lanka, des milliers d'étudiants et de professeurs manifestaient dans les rues des principales grandes villes de Grande-Bretagne pour protester contre l'augmentation massive des frais d'inscription à l'université et les attaques contre leurs droits proposées par le gouvernement de coalition conservateur-libéral démocrate.

Les manifestants ont été soumis à une brutalité sans précédent de la part du gouvernement britannique qui a eu recours à la police anti-émeute pour attaquer les étudiants. Les protestations britanniques faisaient partie d'une vague de grèves et de manifestations de travailleurs et d'étudiants contre l'imposition de mesures d'austérité de par l'Europe, en France, Irlande, Grèce, Portugal et Italie.

Karunaratna n'a participé à aucune de ces manifestations. Son seul souci était de s'attirer les faveurs du BTF et à travers celui-ci des puissances impérialistes.

Le dirigeant du NSSP était « l'invité spécial » d'un meeting qui s'est tenu à Londres le 27 novembre organisée par le BTF et des partisans du LTTE pour marquer Heroes' Day (la Journée des héros) et où il a fait un discours. Le LTTE et ses groupes associés organisent Heroes' Day depuis 26 ans pour, à ce qu'ils disent, honorer la mémoire des combattants du LTTE morts dans la guerre contre l'armée sri lankaise. Jusqu'à sa mort en mai 2009, le dirigeant du LTTE V. Prabhakaran utilisait cette occasion annuelle pour esquisser les méandres de la politique du LTTE.

Le fait que le BTF forme une alliance avec Karunaratna et fasse sa promotion, entre autres, à la tribune londonienne de Heroes' Day en novembre dernier est une indication de son orientation vers des sections de l'establishment de Colombo avec lequel le NSSP s'associe.

Dans son discours, Karunaratna a déclaré: « Des Tamouls ont été tués par des gouvernements sri lankais successifs faisant preuve de chauvinisme cingalais, et finalement, et non des moindres, par le régime de Mahinda Rajapakse. » Puis il a poursuivi: « C'est une ironie de l'histoire que [l'ancien commandant d'armée] Sarath Fonseka, qui avait été choisi pour perpétrer cette boucherie contre les Tamouls souffre lui aussi en prison avec des prisonniers politiques tamouls. » Et il a ajouté que le Janatha Vimukthi Peramuna (JVP) « qui a appuyé, promu et fait campagne pour que Mahinda fasse cette guerre est maintenant battu par ce même régime. »

Les références de Karunaratna à Fonseka et au parti chauvin cingalais JVP étaient tout à fait délibérées. En les décrivant comme étant dans la même situation que les Tamouls, il cultive l'illusion dangereuse que les partis d'opposition de Colombo sont potentiellement capables de défendre les droits des Tamouls, malgré leur bilan du contraire.

En janvier de l'année dernière, avant les élections présidentielles, le NSSP et le soi-disant parti de gauche United Socialist Party (USP) avaient rejoint la « Plateforme de la Liberté » avec le parti de droite United National Party (UNP) et l'un de ses alliés pro-capitalistes, le Sri Lanka Freedom Party-Peoples Wing (SLFP-PW.) L'UNP et le JVP avaient soutenu le général Fonseka comme « candidat commun » contre le président sortant Mahinda Rajapakse.

En rejoignant le « Platform for Freedom, »(Plateforme de la Liberté) l'USP et le NSSP avaient aidé à promouvoir l'UNP et ses alliés comme étant des « démocrates » et de la même façon la campagne de l'UNP de soutien à Fonseka comme étant « l'alternative démocratique » à Rajapakse. Fonseka, tout comme Rajapakse et ses ministres au gouvernement, est directement responsable de crimes de guerre, dont le massacre de milliers de civils tamouls dans les derniers mois de la guerre. Une fois la guerre finie, il y eut un désaccord entre Fonseka et Rajapakse et ce dernier le fit condamner sur des accusations fausses afin d'éloigner une menace politique potentielle. 

En octobre dernier, le JVP a organisé des manifestations à Colombo contre la condamnation et l'emprisonnement de Sarath Fonseka et auxquelles ont participé l'UNP, le NSSP et l'USP. Le même mois, le NSSP et l'USP se sont alliés au JVP et à l'UNP pour lancer une pétition au président Mahinda Rajapakse, appelant à la libération de Fonseka. Karunaratna et le dirigeant de l'USP  Siritunga Jayasuriya ont aussi participé à une manifestation avec l'UNP devant la gare ferroviaire Fort dans le centre de Colombo. Le JVP et l'UNP sont des partis bourgeois, embourbés dans le communautarisme cingalais et qui ont soutenu à fond la guerre criminelle de Rajapakse et défendu les terribles abus de l'armée contre les droits démocratiques.

Le 25 novembre,  Karunaratna a aussi participé à une réunion à la Chambre des Communes du parlement britannique avec le député UNP Jayalat Jeyawardane. Il a dit à la presse qu'il avait rencontré Jeyawardane « pour parler de la réhabilitation des personnes déplacées du fait de la guerre vers le nord du Sri Lanka et procéder à des améliorations de leurs conditions. » En réalité, cette réunion fait partie des manoeuvres en cours du NSSP avec ce parti droitier.

La participation de Karunaratna à des meetings et des banquets arrangés par des organisations tamoules bourgeoises en Grande-Bretagne et qui sont maintenant discréditées et fragmentées n'est pas un hasard. C'est la poursuite de la politique opportuniste pabliste qui a une longue histoire d'opposition acharnée à la lutte de la Quatrième Internationale pour l'indépendance politique de la classe ouvrière. Cette traîtrise prédomine, non seulement au Sri Lanka mais aussi en France avec le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) qui cherche à lier la classe ouvrière au Parti socialiste et autres partis de « gauche » et à leurs alliés syndicaux.

Durant les dernières élections présidentielle et parlementaire au Sri Lanka, 78 pour cent de la population du nord et de l'est, sous occupation de l'armée, n'avaient pu exercer leur droit de vote. Ceci ne fait que montrer que la classe ouvrière tamoule et les masses opprimées ne ressentent que dégoût extrême pour le gouvernement Rajapakse et les partis capitalistes tamouls et cingalais, y compris le LTTE et les partis qui se disent de gauche.

Le dirigeant du NSSP est en train de mettre en place un dangereux piège en déclarant que ces partis bourgeois peuvent tous « restaurer la démocratie. » Les travailleurs et étudiants cingalais et tamouls du Sri Lanka et internationalement doivent rejeter avec mépris ces organisations de collaboration de classes qui sont des obstacles à la lutte pour l'égalité sociale et les droits démocratiques. On ne peut atteindre ces objectifs que par la mobilisation révolutionnaire indépendante de la classe ouvrière en alliance avec les paysans pauvres sur un programme socialiste internationaliste.

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