Le déchaînement meurtrier de samedi à Tucson
en Arizona était clairement un acte terroriste de droite. Le tireur a tiré au
total sur 20 personnes, blessant mortellement le membre du congrès, Gabrielle
Giffords, et tuant le juge fédéral John M. Roll et cinq autres personnes.
Dans un premier communiqué de presse, le
shérif local Clarence W. Dupnik a vu juste lorsqu'il a placé la fusillade dans
son contexte politique. Il a dénoncé le « vitriol politique »
régissant la politique de la droite et décrit l'Arizona comme le centre
national de la bigoterie.
Il faisait allusion à l'encouragement de
l'hystérie anti-immigration et aux activités de vigiles armés à la frontière
mexicaine qui sont tolérés par le gouvernement régional et légitimés par les
médias nationaux. L'année dernière, l'Arizona a adopté une loi ouvertement
inconstitutionnelle accordant à la police le droit de fouiller, d'arrêter et
d'emprisonner toute personne « suspecte » n'étant pas en mesure de
prouver son statut juridique.
Presque immédiatement, les commentateurs des
médias se sont distancés du lien établi par le shérif entre le contexte de la
fusillade à Tucson et l'environnement politique réactionnaire et ont cherché à
camoufler les liens du tireur avec la politique de droite.
Les médias cherchent à dépeindre l'attaque
comme un acte de violence inexplicable perpétré par un déséquilibré isolé. Un
article paru dans le Daily Beast et rédigé par Howard Kurz, son
directeur du bureau de Washington et présentateur de CNN, est typique. Il avait
écrit samedi, « Il ne s'agit pas du programme de Sarah Palin vieux de près
d'un an ; il est question d'un cinglé qui ne respecte pas la vie
humaine. »
La journaliste libérale Rachel Maddow de la
chaîne de télévision d'information MSNBC a traité le thème d'une manière
identique. Dans un tweet cité par Jack Shafer sur le magazine en ligne Slate,
elle a écrit, « On ne gagne rien à vouloir spéculer sur les motifs et les
liens du tireur d'Arizona, ce qui compte se sont les faits. »
Mais les faits sont évidents. Les premières
informations sur le tireur, Jared Lee Loughner, 22 ans, indiquent qu'il était
influencé par la politique ultra droitière. Les déclarations sur son site
YouTube regorgent de références - au « deuxième » amendement de la
constitution américaine, des lois concernant « la haute trahison »,
de monnaies non garanties par l'or - reproduisant le langage codé de l'extrême
droite.
Tout le monde savait que la membre du
Congrès Giffords était la cible d'attaques politiques de la droite, tout comme
le montrent les vitres brisées de son bureau à Tucson en mars dernier, le jour
où elle avait voté en faveur de la loi sur la santé du président Obama. Au
cours de la campagne électorale de mi mandat en 2010, Sarah Palin avait affiché
une carte des Etats-Unis montrant les 20 circonscriptions les plus vulnérables
tenues par des démocrates et marquées d'une cible. L'une de ces
circonscriptions était celle de Giffords à Tucson.
L'adversaire de Giffords, un ancien adjudant
de la Marine américaine soutenu par le mouvement Tea Party, a mené sa campagne
sous le slogan « Contribuez à faire sortir Gabrielle Giffords » et
invité ses partisans à « tirer un M16 automatique. »
Le juge Roll avait aussi été la cible de
centaines de menaces de mort de la part de fanatiques anti immigration. Le
service des policiers fédéraux lui avait fourni une protection 24 heures sur 24
pendant un mois en 2009.
Les menaces contre Giffords ont continué
après qu'elle a devancé de justesse le candidat républicain soutenu par le Tea
Party et remporté pour la troisième fois les élections au Congrès en novembre
dernier. Après la fusillade, à la question des médias de savoir si Giffords,
qui est juive, avait des ennemis, sa famille a nommé le Tea Party.
Il est incontestable que le langage de la
droite politique est truffé d'appels émotionnels à la violence. Le shérif
Dupnik a spécifiquement relevé le rôle que les émissions-débats à la radio et à
la télévision jouent dans la promotion d'une atmosphère de violence. C'est un
fait que les ondes hertziennes sont dominées par des animateurs de talk show,
des personnalités de droite tels Rush Limbaugh et des personnalités
psychopathes comme Glenn Beck.
Il n'est pas étonnant que de tels appels
incitent des individus instables et désorientés à passer à l'acte.
Depuis l'attentat à la bombe d'un bâtiment
officiel survenu à Oklahoma City en 1995, il y a eu un certain nombre de tels
incidents majeurs de violence de droite, dont les attaques à l'anthrax en 2001
et le meurtre du médecin de Kansas, le docteur George Tiller, par un fanatique
anti-avortement en 2009. Dans les trois cas, des liens cités entre les auteurs
et des groupes de droite ont été ignorés par le gouvernement et les médias.
Depuis plus de 40 ans, le Parti républicain
fait appel et s'allie à des forces racistes et fascisantes afin de consolider
sa base de soutien. Les médias qui sont à la botte des grandes entreprises
cherchent assidûment à promouvoir un climat politique droitier.
Il y a à peine quelques semaines, certains
de ces mêmes politiciens et porte-parole des médias qui, aujourd'hui désavouent
la fusillade de Giffords, avaient réclamé l'assassinat du fondateur de
WikiLeaks, Julian Assange. A présent, des gens comme le magnat des médias Fox
News, Robert Murdoch, qui ont incité des éléments de l'ultra droite, nient de
façon impudente toute responsabilité dans le carnage de Tucson.
La fusillade de Tucson a lieu après dix ans
de guerre continue et de promotion implacable de l'armée américaine.
L'obéissance aveugle répugnante de tous les politiciens, notamment des
démocrates libéraux, à l'armée est allée de pair avec la dévalorisation de la
vie humaine, ce que l'on trouve dans les références routinières au meurtre des
forces ennemies et à la légitimation de la torture.
On ne doit pas oublier que la violence de la
droite, soutenue par des individus au sein de l'Etat, a historiquement été utilisée
aux Etats-Unis pour un changement de cap politique en temps de grande crise
sociale. Dans les années 1960, trois assassinats politiques - John F. Kennedy,
Martin Luther King et Robert Kennedy - ont grandement contribué au virage à
droite de la politique américaine.
Comme d'habitude, la droite réagit de
manière éhontée après les événements de Tucson, et les libéraux de manière
lâche et évasive. Les démocrates donnent toujours l'impression d'être pétrifiés
lorsqu'il s'agit de révéler au grand jourla nature réelle de la
politique bourgeoise. Son caractère nocif trouve son expression la plus claire
dans le Parti républicain et dans le réseau des démagogues médiatiques financés
par le patronat, mais le Parti démocrate y contribue en apportant sa propre part
déterminante.
L'environnement social et politique général
est la conséquence des guerres menées outre-mer et des appels incessants à la
violence militaire qui sont essentiels à l'impérialisme. C'est aussi la
conséquence de la dégradation sociale à l'intérieur du pays du fait de la
chasse au profit insatiable du patronat, aux dépens de la société. C'est
pourquoi, les démocrates ne peuvent jamais parler ouvertement et honnêtement
même lorsqu'ils sont confrontés à des événements dont le caractère politique
est évident.
De placides appels au
« rassemblement » et au rejet « de l'extrémisme de gauche comme
de droite » - tels ceux formulés par Obama et d'autres démocrates
influents après la fusillade - sont trompeurs et hypocrites et ne servent qu'à
endormir politiquement l'opinion publique.
Les liens existant entre le tireur et les
forces de droite doivent être minutieusement examinés et révélés au public.
Loughner a peut-être appuyé sur la gâchette mais des individus haut placés dans
les grands groupes et l'establishment politique portent la principale
responsabilité morale et politique. Ils doivent être démasqués et tenus pour
responsables.