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Grèce: Débats au parlement sur un nouveau plan d’austérité face à une opposition de masse

Par Stefan Steinberg
2 juillet 2011

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Cette semaine le gouvernement grec, en coopération avec les politiciens européens, les banquiers et le Fonds monétaire international, oeuvre frénétiquement pour faire passer au parlement un plan d’austérité draconien qui est vivement contesté par la classe ouvrière grecque.

La thérapie de choc vise à faire reculer des générations en arrière les conditions de vie des travailleurs. Elle inclut des réductions de salaires considérables pour les fonctionnaires et les salariés du service public ainsi que la privatisation de biens publics chiffrée à 50 milliards d’euros et qui aura pour conséquence des licenciements massifs. Will Hutton, un commentateur du journal britannique The Guardian, a fait remarquer, « On demande à la Grèce d’endurer une douleur économique bien plus grande que celle de l’Allemagne dans les années 1920 »

Le vote de la première partie du budget d’austérité a eu lieu mercredi dernier et un autre vote sur le volet de la loi d’application d’austérité concernant sur un massif plan de privatisation jeudi.

Plus de 20.000 manifestants ont encerclé mardi le parlement à Athènes pour tenter de bloquer l’accès du bâtiment aux députés. Quelque 3.000 policiers anti-émeute ont réagi en utilisant des gaz lacrymogènes et en chargeant à maintes reprises les manifestants pour les disperser.

Les syndicats du secteur public ont commencé une grève générale de 48 heures mardi pour coïncider avec les débats parlementaires. La grève est censée toucher de nombreux secteurs des transports publics ainsi que des services publics comme les écoles, les autorités et les tribunaux. Les grèves des contrôleurs du ciel ont entraîné des annulations de vols et les grèves des électriciens des coupures de courant.

Tout comme il l’a fait de par le passé, le gouvernement PASOK du premier ministre George Papandreou compte sur les syndicats pour contenir l’opposition de masse. Les syndicats ont été très critiqués par des personnes participant aux récentes manifestations de masse contre les mesures d’austérité. Suite à une série de 15 grèves de 24 heures inefficaces, la bureaucratie vient de réagir par une grève de 48 heures qui a également été reçue avec un haussement d’épaules par le gouvernement et le patronat.

L’élite financière européenne est déterminée à ce que ces réductions soient adoptées à la fois pour garantir la valeur des obligations grecques et pour créer un précédent pour l’application de mesures identiques à l’ensemble du continent. L’Union européenne, tout comme le FMI, a récemment menacé de retenir des prêts déjà acceptés si la Grèce était incapable d’imposer le budget.

Il y a deux semaines, Papandreou avait réagi à la pression de la « troïka » (l’UE, le FMI et la Banque centrale européenne) en proposant de former un gouvernement d’union nationale avec le principal parti d’opposition, Nouvelle Démocratie (ND). L’opposition conservatrice accepte le besoin de coupes massives mais rejette la proposition du gouvernement d’augmenter les impôts sur les entreprises, y compris les petites entreprises, ce qui va ravager davantage la base électorale du ND.

Le dirigeant de Nouvelle Démocratie, Antonis Samaras, a refusé l’offre de Papandreou et a clairement fait comprendre que son parti votera contre le budget.

Papandreou est également confronté à une possible opposition d’une petite couche de son groupe parlementaire qui affirme que de nouvelles mesures d’austérité à l’encontre de la population grecque pourraient conduire à une dégradation du parti lors de nouvelles élections. La semaine passée, une poignée de députés PASOK n’a pas soutenu le gouvernement au parlement. Papandreou a réagi en remaniant son ministère pour apaiser ses critiques internes.

Après la nomination d’Evangelos Venizelos, un homme entretenant des liens étroits avec la bureaucratie syndicale grecque, comme ministre des Finances, Papandreou a pu rassembler une majorité et survivre, il y a une semaine, au vote de confiance.

La majorité PASOK au parlement grec est mince en n’étant que de cinq voix. Papandreou sera peut-être en mesure de gagner l’appui de quelques membres de l’opposition lors du vote pour le budget. Au moins un membre de Nouvelle Démocratie a signalé vouloir envisager de voter en faveur des mesures d’austérité. Papandreou pourrait également être en mesure de compter sur le soutien de cinq membres du groupe parlementaire droitier Alliance Démocratique.

Des commentateurs politiques sont d’accord pour dire que si PASOK ne réussissait pas à réunir une majorité pour le vote budgétaire de cette semaine, le gouvernement serait obligé de démissionner et d’organiser de nouvelles élections. L’absence d’un gouvernement en Grèce à ce moment charnière précipiterait les marchés financiers européens et internationaux dans le chaos en mettant en danger l’existence de l’euro et de l’Union européenne même.

Mais, même si le gouvernement survit, la dernière série de mesures d’austérité ne fera qu’aggraver la profonde crise économique de la Grèce. De plus en plus, les discussions ayant lieu au sein des cercles dirigeants tournent autour de la question de savoir non pas si mais quand la Grèce fera défaut et dans quelles conditions. Depuis l’octroi du prêt de 10 milliards d’euros de la troïka en mars 2010, les dirigeants européens n’avaient cessé de souligner leurs engagements à l’euro. A présent, cependant, des préparatifs sont évoqués pour un scénario qui était encore tout à fait impensable il y a seulement un an.

Dimanche, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a dit au journal Bild am Sonntag que le gouvernement allemand projetait des mesures d’urgence. Dans le cas d’une défaillance de la Grèce, « Nous devrions veiller à ce que le risque de contagion pour notre système financier et celui des autres pays de l’UE soit limité, » a dit Schäuble, sans préciser les mesures envisagées. Il y a deux semaines, le président de la Banque centrale allemande avait indiqué que son institution était en train d’élaborer des projets pour une défaillance de la Grèce. (Voir : Germany contemplates ‘nuclear option’ for Greece »

Quelle que soit l’issue de la crise grecque, elle produira une énorme intensification des tensions de classe. Alors que la classe dirigeante de la Grèce et de l’Europe compte actuellement encore sur les syndicats pour gérer et réprimer l’opposition, elle est aussi déjà en train d’examiner d’autres mesures.

Theodoros Pangalos, premier ministre adjoint, a mis en garde que si la Grèce ne bénéficiait pas d’une nouvelle série de prêts, « nous serons confrontés à un terrible scénario… un retour à la drachme, avec les banques assiégées par des foules affolées voulant retirer leurs économies. Par manque de policiers pour protéger les banques, les chars devront s’en charger. »

(Article original paru le 29 juin 2011)

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