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Quarante-six grandes villes aux États-Unis font face à deux « décennies perdues » de croissance de l'emploi

Par André Damon
7 juillet 2011

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Selon le dernier rapport sur l'emploi de la Conférence des maires des États-Unis, une ville américaine sur huit ne connaîtra aucune croissance de l'emploi durant les deux décennies entre 2001 et 2021. Le rapport décrit la croissance économique et les perspectives d'emploi dans 363 zones métropolitaines majeurs. Il dévoile que les conditions d'emploi qui prévalent dans les villes à travers le pays n'ont jamais été aussi mauvaises que depuis la Grande Dépression.

Selon le rapport, qui a été compilé pour la Conférence des maires par IHS Global Insight, un consultant en économie, 48 régions métropolitaines importantes ne retrouveront pas leur niveau d'emploi maximum pré récession avant 2021. Quarante-six de ces villes ont une perte net d'emploi entre 2001 et 2011, signifiant qu'elles font face à deux « décennies perdues » de croissances de l'emploi. En tout, 166 régions métropolitaines, ou près de la moitié, ont perdu des emplois entre 2001 et 2011.

Même ces sombres projections sont basées sur des hypothèses excessivement optimistes quant au taux de croissance économique à venir. Les auteurs du rapport prévoient un taux de croissance de 3,5 pour cent dans la seconde moitié de cette année, une augmentation significative par rapport au 1,8 pour cent des trois premiers mois de 2011 et considérablement plus élevé que les prévisions de la plupart des économistes.

Sur la base de cette croissance économique plus élevée que probable, le rapport mentionne que la croissance de l'emploi en 2011 n'atteindra que 1,2 pour cent. Ceci n'est « qu'un peu plus élevé que l'augmentation de la force de travail », et n'aura donc qu'un effet négligeable sur le chômage pour l'année 2011. Le rapport ajoute que « ce sera seulement dans la première moitié de 2014 que l'emploi aux États-Unis va retrouver son sommet du début de 2008 ».

Sur les 363 régions métropolitaines importantes, 103 ont actuellement un taux de chômage dans les deux chiffres, tandis que 33 régions ont des taux dépassant 12 pour cent.

Selon le rapport, les régions métropolitaines avec les taux de chômage les plus élevés sont celles qui sont les plus touchées par l'effondrement immobilier et la destruction des emplois manufacturiers. La chute du marché immobilier, particulièrement dans les États tels que la Californie, la Floride et le Nevada, a laissé dans son sillage un niveau record de chômage. Au même moment, la réduction brutale de la force de travail industrielle en 2008-2009 a éliminé des centaines de milliers d'emplois dans des États comme l'Indiana, le Michigan et l'Ohio.

Les deux villes ayant perdu le plus d'emplois depuis le début de la récession économique sont toutes deux localisées dans l'État de l'Indiana, au cœur de la « ceinture de la rouille » américaine. La région d'Elkhart-Goshen, un centre manufacturier de véhicules récréatifs, a perdu 38 000 emplois sur 133 000 depuis 2006, un déclin de près de 30 pour cent.

Kokomo a perdu près du quart de ses emplois, avec la destruction de près de 11 000 des 48 000 qui existaient en 2005. « Cela a beaucoup à voir avec la restructuration de l'industrie automobile », a dit le maire de Kokomo Greg Goodnight lors d'une entrevue téléphonique. « La période la plus dure a été en 2008-2009 », a-t-il dit.

Chrysler possède trois usines de transmission et une de moulage à Kokomo, et emploie 4700 personnes, affirme Goodnight. GM et Delphi ont également des usines dans la ville, employant chacun 1200 personnes.

« Durant les années 1970, GM avait 10 000 employés à Kokomo et Chrysler atteignait un sommet de 7000 personnes il y a 10 à 15 ans», a ajouté Goodnight.

Soixante-dix-huit régions métropolitaines ont perdu plus de dix pour cent de leurs emplois depuis le début de la récession. Onze d'entre elles sont en Floride, neuf en Californie, huit au Michigan, et cinq en Indiana. Détroit a perdu plus d'emplois que toute autre région métropolitaine, avec une chute de 323 000, ou 16 pour cent des emplois.

D'autres régions de l'industrie automobile telle que Flint au Michigan ont aussi été durement touchées. Durant la récession, Flint a perdu 24 000 emplois, ou 15,8 pour cent de son total précédent. Toledo a perdu 45 500, ou 12,1 pour cent de ses emplois.

Le rapport indique que sur les 25 régions ayant le taux de chômage le plus élevé, 13 sont en Californie, alors que la plus part des autres sont en Floride, au Nevada et en Arizona. C'est dans ces États que la valeur des maisons a connu la chute la plus marquée.

Des cinq grandes régions avec le taux de chômage le plus élevé, quatre sont en Californie — Stockton, avec un taux de chômage de 16,2 pour cent, Modesto (15,9 pour cent), Fresno (15,7 pour cent) et Riverside (13,3 pour cent).

De nombreuses villes plus petites ont des taux de chômage comparable à ceux qui existaient durant la Grande Dépression. El Centro en Californie, une région métropolitaine de 163 972 personnes, a un taux de chômage de 29,1 pour cent. Yuma en Arizona, une région de 196 972 personnes, a un taux de chômage de 26,4 pour cent.

La crise immobilière, qui est un énorme facteur dans les pertes d'emplois, ne fait qu'empirer. Les ventes actuelles de maison ont chuté de 3,8 pour cent en mai et étaient, selon les chiffres publiés par l'Association nationale des agents immobiliers, en baisse de 15,3 pour cent par rapport à mai 2010. La valeur des maisons a diminué durant neuf mois consécutifs, chutant de 7,8 pour cent durant les deux derniers trimestres.

L'administration Obama n'a rien fait pour aider les propriétaires faisant face aux reprises de possession – l'un des facteurs clés de la crise du marché immobilier. Son plan d'assistance, le Home Affordable Modification Program (programme de modification des hypothèques), était voué à l'échec parce qu'il était entièrement volontaire, n'imposant aucune exigence aux banques ou aux prêteurs hypothécaires.

En 2008, le gouvernement a mis de côté un fond de 46 milliards de dollars de son plan de sauvetage des banques pour son programme de modification hypothécaire, mais il n'en a dépensé que 2 milliards en raison du refus des banques de coopérer.

Les conditions dans le secteur manufacturier se détériorent également. La Banque de la Réserve fédérale de New York a déclaré que son indice des conditions commerciales est passé sous zéro pour la première fois depuis sept mois, tandis que l'indice manufacturier de la Réserve fédérale de Philadelphie indique la plus sévère contraction manufacturière depuis juillet 2009.

La pénétration du chômage massif dans les villes à travers le pays a été stimulée par les mesures d'austérité adoptées par les deux partis politiques. Durant les deux dernières années, le gouvernement fédéral, les gouvernements des États et les administrations municipales ont mis à pied 494 000 travailleurs, et des centaines de milliers de mises à pied supplémentaires sont à venir. Aux niveaux municipal et des États, ces mises à pieds ont surtout été effectuées dans les régions les plus touchées par la crise économique, la chute du nombre d'emplois entraînant une baisse abrupte dans les revenus d'impôt menant ensuite à des coupes sévères dans les dépenses.

(Article original paru le 22 juin 2011)