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France: L’aide sociale sous attaque

Par Pierre Mabut
4 juillet 2011

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L’UMP (Union pour un Mouvement populaire), parti droitier du président français Nicolas Sarkozy a organisé le 8 juin une convention pour lancer une attaque générale contre l’aide sociale versée aux chômeurs de longue durée.

La convention a proposé une attaque frontale contre les travailleurs qui reçoivent le RSA (Revenu de solidarité active), l’allocation sociale minimale. Elle réclame un contrat prévoyant jusqu’à dix heures de travail par semaine dans des collectivités et rémunéré au maximum 7 euros de l’heure. Le type de travail envisagé à ce stade est qualifié « d’activités d’utilité sociale ». Le non respect de ces obligations entraînera la suspension du versement du RSA.

En introduisant le principe consistant à forcer les allocataires du RSA à devenir de la main-d’oeuvre bon marché, le gouvernement se rapproche d'un dispositif similaire à celui des emplois à 1 euro de l’heure introduit en 2005 en Allemagne par les sociaux-démocrates et les Verts.

Le ton réactionnaire a été donné par le ministre chargé des Affaires européennes de Sarkozy, Laurent Wauquiez qui s'est exprimé ainsi: « Quelle est, pour moi, la principale injustice dans notre pays ? C'est que celui qui travaille n'ait pas un véritable écart avec celui qui bénéficie des minima sociaux (...) Cette situation-là est pour moi le cancer de la société française. » Cela fait partie de la campagne de Sarkozy pour se faire réélire en 2012 – dans un contexte de coupes sociales brutales dans le secteur public et d’incitation au racisme anti-immigrant.

Le déficit budgétaire de 2010 de 148,8 milliards d’euros, grossi par des renflouements bancaires massifs, représente 7,7 pour cent du PIB. Sarkozy a promis de le ramener d’ici 2013 à la limite maximale de 3 pour cent du PIB fixée par l’Union européenne, ce qui nécessitera de nouvelles coupes à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Soutenant le projet d’exploiter sur le marché du travail les bénéficiaires du RSA, le conseiller politique de Sarkozy, Brice Hortefeux, a dit : « On ne doit pas, dans notre pays, percevoir davantage de revenus des prestations et de la redistribution sociales que de revenus du travail et… c’est la nécessité impérieuse de lutter contre les fraudes… Parce que la fraude c’est du vol. »

Le quotidien de droite, Le Figaro, a cité un autre conseiller de Sarkozy qui proposait de réduire « l’aide sociale dégressive en fonction de la croissance économique », ce qui réduirait les chômeurs à l’état de miséreux, compte tenu du climat économique actuel.

Jean Castex, secrétaire général adjoint chargé des questions sociales du président Sarkozy a décrit les effets du RSA dans le secteur de la distribution où « du coup les employeurs ont intérêt à ne payer que des activités partielles. » Ce qui a pour effet que les travailleurs les moins payés, tels les salariés des hypermarchés, ne sont recrutés qu’à temps partiel parce qu’ils pourront ainsi garder une partie de leurs prestations sociales.

Wauquiez avait initialement proposé d’obliger les bénéficiaires du RSA à travailler gratuitement pour la collectivité. Toutefois, le gouvernement est pour le moment revenu sur sa décision, se contentant d’instaurer le principe d’obliger les bénéficiaires du RSA à travailler.

Le RSA a été introduit en 2008 par Martin Hirsch, le haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, qui avait quitté son poste de président de la communauté caritative religieuse d’Emmaüs pour rejoindre le gouvernement Sarkozy. Son intention déclarée était d’encourager les bénéficiaires d’aide sociale à compléter leurs prestations en prenant un travail à temps partiel.

En pratique, cela a servi à fournir une main d’oeuvre bon marché aux employeurs aux dépens de l’Etat tout en augmentant le nombre de travailleurs n'ayant pas de travail à temps plein.

Environ 1,8 millions de ménages perçoivent actuellement 446 euros par mois de RSA par personne ou 700 euros pour un couple. Le but est d’obliger deux tiers de ces personnes à travailler pour la collectivité, sapant ainsi le niveau général des salaires. Ceci aurait aussi l’effet de compenser la pénurie de personnel dans les services sociaux due aux suppressions d’emplois dans le secteur public où un travailleur sur deux n’est pas remplacé après son départ à la retraite.

Hirsch a initialement critiqué les attaques contre le RSA, faisant remarquer qu’elles entraîneraient un transfert des richesses des pauvres vers les riches. Il a accusé le gouvernement – qu’il avait soutenu et auquel il avait participé malgré les assauts massifs contre les droits sociaux et du travail – d’utiliser « l’argent qui doit aller dans la poche des travailleurs modestes (la taxe pour financer le RSA) pour autre chose. »

Hirsch faisait référence aux cadeaux fiscaux pour les riches qui ont été introduits récemment au moyen de la réforme de l’ISF (Impôt sur la fortune) – et qui signifient que la tranche d’imposition la plus élevée ne s'appliquera désormais qu’au delà d’un seuil de revenus de 1,3 million d’euros au lieu de 800.000 euros, se traduisant pour l’Etat par une perte de 1,8 milliards d’euros de revenus fiscaux. Le financement du RSA coûte 1,3 milliards.

Mais, toutefois, lorsque l’UMP a accepté de payer le taux horaire du SMIC de 7 euros, Hirsch a rapidement abandonné son opposition à la proposition de l’UMP en faveur du travail forcé pour la collectivité.

L’effort entrepris par l’UMP de mener une chasse aux sorcières contre la classe ouvrière a été encore alimenté par un rapport parlementaire sur la « fraude sociale » dévoilé le 22 juin par le député UMP, Dominique Tian. Bien que le rapport révèle que la plupart des fraudes sont imputables aux employeurs qui ne déclarent pas les travailleurs et évitent de verser les prestations et les cotisations sociales, le remède appliqué consiste avant tout à intimider les travailleurs individuels.

Le rapport estime que la fraude représente une perte de revenus pour l’Etat de 20 milliards d’euros par an. Ce montant est pratiquement équivalent au déficit du système de sécurité sociale. Le non versement des cotisations patronales représente 15,8 milliards d’euros et les soi-disant prestations sociales frauduleuses que font valoir les travailleurs recevant le RSA et concernant les allocations familiales ou les indemnités d’arrêt maladie sont de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros.

Le rapport recommande la mise en place d’un « plan national de lutte contre la fraude… Il nous faut un ‘FBI’ de la fraude sociale. » Il propose la création de cartes sociales biométriques, de davantage de visites surprise aux travailleurs en arrêt maladie à l’initiative des employeurs et une restriction des téléprocédures pour la constitution des dossiers des employés afin de lutter contre la fraude.

Tian affirme qu’entre 10 et 12 pour cent des employeurs enfreignent la loi en ne déclarant pas les travailleurs. Il ne mentionne pas les 400.000 travailleurs immigrés sans papiers qui sont privés de statut juridique et soumis au harcèlement du gouvernement.

La mauvaise foi du gouvernement Sarkozy dans ses soi-disants efforts pour éliminer la fraude – plaçant de ce fait le fardeau de la crise économique sur la classe ouvrière – ressort aussi dans un rapport de l’Union européenne (UE) qui cible la France et l'accuse de violer la directive communautaire régulant les bonus des banquiers. Les traders français ont vu leur rémunération fixe augmenter de 40 pour cent en 2010, passant de 729 millions d’euros en 2009 à 1 milliards d’euros.

La directive stipule que les parts fixe et variable des traitements doivent être « équilibrées ». Cette règle n’a pas été reprise lors de la transposition française de la directive communautaire.

(Article original paru le 28 juin 2011)

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