WSWS : Nouvelles et analyses : Europe
Le budget de rigueur italien
prend des proportions de plus en plus "à la grecque". Sous
une pression renouvelée de la part des marchés financiers, le gouvernement
de Silvio Berlusconi a annoncé mardi que les nouvelles mesures allaient
être appliquées bien plus rapidement et durement que cela n’était
prévu au départ.
Ces trois derniers jours, les
obligations italiennes n'ont pu se vendre qu'accompagnées de garanties
nettement relevées après que les grandes agences de notation américaines
ont abaissé la note du pays. Pour justifier leur action, ces agences
ont cité la croissance économique quasi nulle et la massive montagne
de dettes de l'Italie. Les ministres des finances de l'UE ont également
pressé ce pays d'adopter des mesures d'austérité plus fortes.
Mercredi, le ministre des
finances Giulio Tremonti a annoncé qu'il garantissait personnellement
que l'Italie allait réduire son déficit à zéro pour 2014. À une
conférence de l'association bancaire ABI (Associazione Bancaria
Italiana) à Rome, Tremonti a déclaré : « Le décret budgétaire
a été renforcé pour les quatre prochaines années et sera adopté
vendredi. »
Il a ensuite proposé un programme
de privatisations de grande ampleur, déclarant aux banquiers et industriels
présents : « Lorsque la crise se sera calmée, nous devrons très
certainement entamer un processus de privatisation. » Il a déclaré
que les communes devraient œuvrer à « vendre leurs biens, » le pacte
de stabilité leur donnant « des mécanismes et des incitations [appropriées].
Bien sûr cela exige des gens près à acheter, après tout on ne peut
pas privatiser indépendamment du marché. »
Le gouvernement a maintenant
presque doublé son objectif initial de 40 milliards d'euros d'économies
au cours des trois prochaines années et demi. Le gouvernement italien
prévoit actuellement 79 milliards d'euros de coupes. Les idées pour
les réaliser comprennent la réduction du financement d'absolument
tous les services publics, y compris les écoles et universités, les
hôpitaux et les cliniques, les théâtres, les concerts, les musées,
les sites archéologiques et bien d'autres choses. L'élimination de
265 000 emplois dans les services publics est en discussion, et les
salaires des employés conservés seront gelés pendant quatre ans.
Au cœur de cette "manovra"
(manœuvre) il y a une attaque massive contre les retraites. Sous le
prétexte d'un ajustement sur l'allongement de la durée de la vie,
l'âge de la retraite devra passer progressivement à 67 ans. La retraite
publique a été traditionnellement le filet de sécurité contre la
pauvreté des personnes âgées en Italie. Maintenant, les économies
à long terme de 50 milliards d'euros sont réalisées en la réduisant.
La prise en charge publique
de la santé devrait également être massivement réduite, avec l'introduction
d'une taxe de 10 à 25 euros pour chaque visite au médecin, chaque
prescription et chaque procédure médicale.
D'un autre côté, le gouvernement
a refusé de retrancher quoi que ce soit aux milliards dépensés pour
l'armée, que ce soit au pays ou pour les opérations étrangères (en
Libye et en Afghanistan par exemple). Le fait que le Premier ministre
Berlusconi, largement détesté par la population, puisse prendre l'initiative
avec un programme aussi drastique de coupes budgétaires et dû au consensus
qu'il a trouvé partagé par tout l'establishment politique sur
cette question.
Non seulement le camp gouvernemental
pourtant profondément divisé a assuré Berlusconi de son soutien sur
les mesures d'austérité, mais les partis du prétendu « camp de centre-gauche »
ont également indiqué leur coopération.
Le président Giorgo Napolitano,
ex-membre du Parti communiste italien (PCI), a insisté auprès de tous
les partis pour qu'ils soutiennent le budget de rigueur. En même temps,
ils appellent à la démission de Berlusconi en raison de son application
du budget. Ils croient qu'en raison de leurs liens étroits avec les
syndicats, ils sont les plus à même d'étrangler l'opposition à de
telles mesures d’austérité draconiennes dans la classe ouvrière.
Une porte-parole du principal
parti d'opposition, les Démocrates (PD), Marina Sereni, a décrit la
position du chef du parti Pierluigi Bersani ainsi : « Une fois que
la manovra sera confirmée, le gouvernement devrait démissionner
et pour le bien de tous permettre la naissance d'une nouvelle ère politique.
» Lorenzo Cesa, chef des Démocrates chrétiens (UDC), a demandé :
« immédiatement après le début des mesures économiques, qui ne
devraient pas être retardées, [nous aurons besoin] d'un gouvernement
national responsable. »
En d'autres termes, d'abord
consentir au budget le plus néfaste de la période moderne, puis former
un gouvernement d'unité nationale – voilà le programme des partis
du centre-"gauche" bourgeois. C'est dans la droite ligne des
exigences et des intérêts de l'aristocratie financière italienne
et internationale. Cette loyauté inconditionnelle et sans le moindre
remord envers les diktats des banques est la raison principale pour
laquelle le gouvernement Berlusconi peut causer autant de dégâts dans
les droits sociaux de la population laborieuse.
En s'appuyant sur cette collaboration,
le ministre des finances Tremonti a déclaré à la réunion des banquiers
: « Nous donnons au marché un signal fort. Et voyez-vous en quoi cela
consiste ? Cela tient au fait que la manovra sera absolument
sans failles et confirmée par le parlement en l'espace d'une semaine.
Cela n'a jamais eu lieu dans l'histoire italienne. »
Emma Marcegaglia, fille d'un
baron de l'acier italien et présidente de la Confindustria,
la confédération générale de l'industrie italienne, envisage également
la collaboration avec les partis d'opposition et les syndicats d'un
bon œil : « Nous devons nous mettre d'accord sur la manovra,
et cela veut dire que nous avons besoin d'une cohésion politique et
sociale considérable. »
Ces forces peuvent s'en remettre
entièrement aux syndicats. Il y a deux semaines, les trois principaux
– CGIL, CISL et UIL – ont rencontré les associations d'employeurs
pour entamer un « changement radical » dans la politique italienne
visant à empêcher tout désaccord entre les employeurs et les syndicats.
Le 28 juin, les syndicats ont signé un « pacte national pour l'emploi
» à Rome qui comprend une clause d'interdiction des grèves.
D'après Raffaele Bonanni,
chef de la fédération syndicale chrétienne CISL, de tels contrats
à un moment difficile pour l'économie ont « une grande, grande valeur.
Ainsi nous pouvons aider le pays à rétablir la confiance. »
La CGIL, le principal syndicat
du pays et anciennement très proche du PCI, a également signé le
pacte. La chef du CGIL, Susanna Camusso s'est réjouie : « cet accord
ouvre une nouvelle période. »
Le modèle de cet accord vient
du dernier contrat signé par les syndicats à Fiat. Il supplante les
contrats nationaux existants, comprend un triplement des heures supplémentaires
obligatoires, et supprime des droits élémentaires – comme le droit
de faire grève indépendamment d'un syndicat, ou de sélectionner les
représentants syndicaux indépendamment de la bureaucratie syndicale.
Voilà le modèle pour la situation des travailleurs dans le secteur
privé et bientôt, sans aucun doute, pour les travailleurs des services
publics.
À la veille de la signature,
Tremonti a remercié personnellement les syndicats : « merci, Raffaele
Bonanni (Président de la Fédération des syndicats CISL), Luigi Angeletti
[à la tête de l'UIL], Susanna Camusso et Emma Marcegaglia. Merci pour
ce que vous avez accompli dans l'intérêt de notre pays. »
Cette capitulation sans conditions
des syndicats a encouragé le gouvernement à monter des attaques encore
plus agressives. Pour se dédouaner, la CGIL a appelé à une manifestation
le samedi suivant contre le budget d'austérité, en le qualifiant de
« faux, inique, et inefficace. » Ce genre de manifestation est une
fraude, une tentative évidente de faire retomber la colère de la population
laborieuse en organisant des protestations inoffensives qui n'ont aucune
perspective.
Un rôle particulièrement
pernicieux est joué par l'organisation Rifondazione Communista
(refondation communiste). Les restes de ce parti sont dirigés par Paolo
Ferrero, ex-ministre des affaires sociales sous Romano Prodi. Il avait
soutenu les actions des syndicats, tout en employant des slogans pseudo-radicaux
pour couvrir ses arrières. Il déclarait qu'il fallait « éradiquer
la spéculation » et répétait la même litanie que beaucoup d'ex-radicaux
qui demandent l'introduction d'obligations européennes, une taxe Tobin,
et « des mécanismes de régulation pour les marchés financiers internationaux
et européens. »
Une autre personne célébrée
dans les médias comme une figure de proue politique potentielle –
le gouverneur des Pouilles [région du Sud-Est de l'Italie, ndt] et
chef du parti écologiste de gauche SEL (Sinistra, Ecologia, Libertà
– gauche, écologie, liberté) Nichi Vendola – a fait sa propre
déclaration de soutien à ces coupes. Il a déclaré, « Je suis en
faveur d'une manovra qui aille très loin et dans le cadre de
l'unité nationale. »
(Article ori ginal paru le 15 juillet 2011)
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