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Le syndicat de l'automobile américain va abandonner les augmentations du salaire horaire

Par Jerry White
27 juin 2011

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Après des dizaines d'années durant lesquelles le syndicat United Auto Workers (UAW) a collaboré avec les sociétés automobiles pour détruire les gains obtenus par des générations de travailleurs, l'UAW se prépare maintenant à jeter par dessus bord le principe des augmentations du salaire horaire.

D'après le Wall Street Journal, « l'United Auto Workers est prêt à discuter d'un usage plus large des plans de participation aux bénéfices en remplacement des augmentations de salaire fixes pour ses membres, une évolution cruciale à l'approche des négociations syndicales avec les constructeurs automobile de Detroit. » En particulier, le journal note que, « GM pousse à ce que les augmentations de salaires soient liées à la qualité, à la rapidité et au rendement du travail sur les chaînes d'assemblage, plutôt que d'avoir des augmentations de salaires uniquement en fonction de l'ancienneté. »

Dans un entretien avec ce journal qui est le principal représentant du monde des affaires, le président de l'UAW, Bob King, a dit, « ce serait un avantage si on pouvait garantir aux compagnies certaines choses sur les coûts fixes pour qu'elles restent compétitives. »

En appliquant ce plan, le niveau de vie des travailleurs de l'automobile sera l’otage des bénéfices des dirigeants de l'automobile et des grands investisseurs. Tous les risques liés aux mauvaises décisions patronales, à des chutes des ventes, ou à une mauvaise passe économique seront transférés de la direction et des investisseurs de Wall Street sur le dos des travailleurs. Si aucun bénéfice n'est réalisé, ce sont les travailleurs qui subiront la perte. Pendant ce temps, la richesse extraite des travailleurs à bas salaire continuera à s'accumuler dans les poches des dirigeants des compagnies, des investisseurs de Wall Street et des dirigeants de l'UAW qui ont des parts substantielles dans les actions de ces entreprises.

L'UAW avait introduit la « participation aux bénéfices » dans les années 1980, dans le cadre de ses efforts pour diminuer la conscience de classe et convaincre les travailleurs qu'ils avaient les mêmes intérêts que les dirigeants des entreprises. Cela allait de paire avec des concessions dévastatrices sur les salaires, la perte de centaines de milliers d'emplois et des augmentations importantes de la productivité, que l'UAW avait déclarées nécessaires pour augmenter les bénéfices des entreprises.

Les maigres primes de participation aux bénéfices qui ont été versées venaient s'ajouter à l'augmentation du salaire de base. Sous le nouveau schéma, le salaire de base sera fixe et jusqu'à 15 pour cent du salaire horaire pourra être déterminé par les primes de productivité et de maigres versements conditionnés par les bénéfices.

Les salaires horaires resteront gelés quelle que soit l'augmentation du coût de la vie pour les travailleurs et leurs familles. Pour les nouveaux travailleurs, le salaire restera à 14 dollars de l'heure, un salaire si bas que les représentants de l'UAW admettent qu'il rendra beaucoup de jeunes travailleurs dépendants de l'aide alimentaire publique.

Tout cela est parfaitement dans la lignée des exigences des financiers de Wall Street, à qui la Maison Blanche a confié la mission de restructurer l'industrie automobile en 2009 lors de la banqueroute forcée de GM et Chrysler. Pour garantir un retour sur investissement maximal aux grands investisseurs quelles que soient les conditions du marché, ils se sont débarrassés des « coût à long terme » des aides médicales pour les retraités, ont fermé de nombreuses usines et insisté sur les coûts fixes, et surtout pour que les salaires, ne puissent pas augmenter même quand ces entreprises sont redevenues rentables.

Dans cet accord, l'UAW a accepté une clause d'interdiction des grèves et de recours obligatoire à l'arbitrage dans les négociations à venir cet été. D'après cet accord, toute « amélioration des salaires et des retraites doit être basé sur le fait que GM maintiendra un coût total horaire du travail comparable à ses compétiteurs américains, y compris les constructeurs automobile étrangers installés aux États-Unis. »

Les grands médias ont chanté les louanges de cette proposition salariale comme d'une nouvelle transformation des relations de travail aux États-Unis. Dans un éditorial du 14 juin, le Washington Post a cité les commentaires de King en les qualifiant de « bon signe d'espoir pour le pays, » ajoutant que « lier les revenus des travailleurs au succès des entreprises peut changer une relation antagoniste en une relation coopérative. »

Il notait cependant que les travailleurs s'étaient historiquement opposés aux participations aux bénéfices « pour la raison évidente que les travailleurs n'en reçoivent aucune quand la compagnie ne fait pas de bénéfices, et pour une autre, moins évidente, que le syndicat n'a jamais vraiment fait confiance à l'entreprise pour rendre compte honnêtement de ses bénéfices. »

Le journal a exprimé des inquiétudes sur le fait que les travailleurs de l'automobile voulaient revenir sur les 7000 à 30 000 dollars de concessions par personne faits depuis 2005, particulièrement dans la mesure où les entreprises font à nouveau des profits élevés et versent des primes records à leurs PDG. « M. King et d'autres dirigeants syndicaux sont confrontés à une pression énorme pour qu'ils exigent le retour des concessions déjà faites. C'est l'approche traditionnelle des syndicats, bien sûr. Mais dans un monde où Volkswagen vient d'annoncer des plans pour une nouvelle usine au Tennessee qui paiera près de la moitié de ce que gagnent les travailleurs de l'UAW, ce genre d'évolution serait suicidaire. Le syndicat devrait plutôt accepter de prendre en charge une plus grande part des risques des entreprises, ainsi que plus de responsabilités pour s'assurer qu'elles réussissent. »

Cette proposition salariale est une répudiation complète des protections les plus élémentaires pour lesquelles les travailleurs de l'automobile ont lutté. Après 113 jours d'une grève très dure contre GM en 1945-46, l'UAW avait obtenu le Taux d'augmentation annuel [Annual Improvement Factor - AIF] et l'Ajustement sur le coût de la vie [Cost of Living Allowance - COLA] dans le contrat de 1948. Cela donnait une augmentation du salaire garantie chaque année et un ajustement trimestriel lié à l'indice du coût du "panier de la ménagère" pour protéger le niveau de vie des ravages de l'inflation. Cela et d'autres gains obtenus par les travailleurs de l'automobile au début des années 1970 a permis de faire monter le niveau de vie des travailleurs dans tous les États-Unis.

Ayant purgé les militants socialistes et de gauche qui l'avaient construite et ayant lié son sort à celui du capitalisme américain, l'UAW a réagi au fort déclin de l'industrie américaine et à l'apparition de concurrents puissants en Europe et en Asie en abandonnant toute lutte pour les intérêts indépendants des travailleurs. Dans les années 1980, l'UAW a officiellement adopté la doctrine corporatiste du « partenariat entre le travail et la direction, » ouvrant la voie à trois décennies de coupes dans les salaires et autres concessions et à la perte de plus de 600 000 emplois à GM, Chrysler et Ford.

De nos jours, l'UAW déclare dans son accord collectif sur les négociations, « afin de promouvoir le succès de nos employeurs, l'UAW se consacre à l'innovation, à la flexibilité, aux méthodes de production dégraissées [lean manifacturing, inventé chez Toyota au Japon, ndt], à la meilleure qualité au niveau mondial et aux améliorations continuelles des coûts. Par le travail d'équipe et la résolution créative des problèmes, nous construisons une relation avec les employeurs qui s'appuie sur des fondations faites de respect, d'objectifs partagés et d’une mission commune. Nous avançons sur un chemin qui n'implique plus un environnement de travail antagoniste avec des règles de travail strictes, des qualifications étroites des emplois ou des stipulations contractuelles compliquées. »

Une organisation de ce genre ne peut pas être considérée comme un « syndicat » au sens de l'unification des travailleurs pour la défense de leurs salaires, de leurs conditions de travail et des emplois contre les entreprises. Au contraire, les chefs d'entreprises qui constituent à présent la direction de l'UAW en sont arrivés à s'unir aux véritables chefs d'entreprises qui dirigent GM, pour s’opposer à la classe ouvrière.

Il est de plus en plus admis que pour lutter contre les entreprises, les travailleurs doivent mener une lutte contre leurs agents à l'UAW. Todd, travailleur à l'usine de transmissions de GM à Defiance dans l'Ohio, a déclaré au WSWS, « Tout ce qui arrive chez nous est un ‘accord commun’ - c'est ce qu'ils nous dictent. L'UAW ne fait rien avec l'argent de ma cotisation. »

« Je ne crois pas que GM était en faillite et qu'il était nécessaire de nous retirer le COLA et de faire disparaitre 4000 emplois dans mon usine au cours des cinq dernières années. L'économie s'est totalement effondrée et tous ces types d'AIG [1] et des banques ont déguerpi aux Bermudes les poches pleines. Je fabrique 15 000 vilebrequins par an, qu'est-ce qu'ils font, eux ? »

« Quant au président, j'entends les républicains critiquer Obama – mais je leur dis qu'il est de leur côté, à réformer la sécurité sociale au profit des assurances et à tout faire pour satisfaire Wall Street. »

[1] AIG (American International Group): premier groupe mondial d'assurances et des services financiers, renfloué à 80 pour cent par le gouvernement américain lors de la crise. AIG ayant garanti les emprunts de GM et se retrouvant couverte par la garantie du gouvernement, la valeur les emprunts de GM n'a pas baissé lorsque GM a eu des difficultés, elle n'a donc pas pu racheter ses emprunts à bas prix et s'est retrouvée contrainte de déclarer faillite. Ndt.

(Article original paru le 24 juin 2011)

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