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Etats-Unis
Obama signe une prolongation des pouvoirs d’espionnage du Patriot Act
Par Andre Damon
8 juin 2011
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Le 27 mai dernier, le président américain Barack Obama a signé le
renouvellement de trois des dispositions les plus notoires de la loi
américaine dite Patriot Act, ce qui signifie que l’ensemble de la loi
restera en vigueur sans modification jusqu’en 2015.
Ce geste renforce une fois de plus l’appui sans réserve du Parti
démocrate pour les politiques d’espionnage, de torture et de violation des
droits démocratiques aux États-Unis, adoptées lors de l’administration Bush
et poursuivies sous celle d’Obama.
Ces dispositions venaient à échéance jeudi dernier, contraignant Obama
qui était alors en tournée en Europe, à signer le projet de loi par voie
électronique depuis la France afin d’éviter toute interruption de l’autorité
juridique des agences de renseignement des États-Unis pour espionner le
peuple américain.
Une telle interruption n’aurait eu aucun effet sur les enquêtes en cours,
mais elle aurait toutefois remis en question la nécessité d’une autorisation
supplémentaire de l’espionnage en vertu des dispositions de la loi. Malgré
tout, Obama a pris des mesures extraordinaires pour que ce projet de loi
soit signé avant minuit, se levant à 5 h 45 du matin alors qu’il était en
France, pour être certain de signer électroniquement le projet de loi à
temps avec un AutoPen.
Obama a signé le projet de loi quelques heures seulement après que le
Sénat l’a approuvé par un vote de 72 à 23, suite au vote plus tôt dans la
journée de la Chambre des représentants, où il est passé de 250 à 153. Lors
du vote de jeudi au Sénat, 30 des 51 sénateurs démocrates ont voté pour le
projet de loi, de même que 41 républicains et le sénateur indépendant Joseph
Lieberman, en caucus avec les démocrates.
Au cours des derniers jours, un membre du personnel d’Obama était en
attente, chargé de prendre l’avion à destination de l’Europe avec une copie
du projet de loi dès son approbation, mais la signature a été retardée suite
à la vive opposition sur le plancher du Sénat par le sénateur Rand Paul, un
républicain du Kentucky opposé au projet de loi pour des motifs libertariens.
La première de ces trois dispositions permet « l’écoute électronique
aléatoire », qui autorise l’interception de toute communication d’un
suspect, plutôt que de se limiter uniquement aux numéros de téléphone et aux
adresses Internet. La deuxième disposition, dite la « disposition
bibliothèque », ou article 215, donne au gouvernement un accès quasi
illimité à tous les dossiers d’affaires, d’achat et de déplacements de
suspects. La troisième disposition est celle du « loup solitaire », et elle
autorise la surveillance de toute personne sans même qu’elle ne soit
soupçonnée de quelques liens que ce soit avec une organisation étrangère.
Le Patriot Act des États-Unis a été promulgué le 26 octobre 2001 et
constitue l’un des éléments clés de l’assaut sur les droits démocratiques
engagés par l’administration Bush à la suite des attentats terroristes du 11
septembre 2001. Ce projet de loi élargit les pouvoirs des services de police
et de renseignement en leur permettant notamment de surveiller les
communications et d’obtenir les dossiers médicaux, financiers et commerciaux.
Bien que la plupart des centaines de dispositions contenues dans le
projet de loi soient devenues permanentes dès l’adoption de celui-ci,
certaines des dispositions les plus dérangeantes devaient expirer ou « disparaître »
dans les quatre ans. À l’époque, un certain nombre de démocrates avaient
feint de s’opposer à certaines des propositions du projet de loi, mais
l’inclusion de dispositions de caducité leur a permis de l’accepter en
prétendant qu’il ne s’agissait finalement que de mesures temporaires.
Avec le renouvellement des trois dispositions clés — renfermant parmi les
pouvoirs les plus répressifs accordés par le projet de loi — la totalité du
contenu de la loi reste toujours en place, même près de dix ans plus tard.
Le premier renouvellement s’est fait en deux parties, d’abord en 2005,
puis en 2006, le dernier projet de loi comprenant la prolongation des
autorisations d’écoute électronique aléatoire sans mandat et l’accès aux
dossiers d’affaires.
Ces dispositions controversées qui devaient expirer en 2010 ont été de
nouveau autorisées par le Congrès pourtant alors contrôlé par les démocrates
pendant un an. À l’époque, une partie des législateurs démocrates n’avaient
réclamé que des modifications purement cosmétiques à la loi.
Maintenant que les élections de 2010 sont derrière lui, Obama dispose
d’une base politique plus sûre pour étendre les dispositions sur une période
plus longue, et les démocrates ont abandonné pratiquement toute prétention à
soutenir des modifications même mineures au projet de loi.
Le Patriot Act était l’un des symboles les plus détestés de
l’administration Bush, et il a contribué à l’hostilité populaire généralisée
qui a permis aux démocrates de remporter leurs victoires au Congrès en 2006,
puis en 2008, pour ensuite propulser Obama à la présidence.
Avant son élection, Obama s’était présenté comme un adversaire des
dispositions mêmes qu’il a maintenant renouvelé pour une deuxième fois.
Prenant la parole à partir du plancher du Sénat le 15 décembre 2005, Obama
avait condamné le soi-disant « ordre du bâillon » qu’autorisait le Patriot
Act, affirmant : « quand bien même quelqu’un voudrait savoir pourquoi le
gouvernement a décidé de faire des pieds et des mains pour examiner tous les
dossiers personnels et documents privés possibles afin de savoir quels
livres il a empruntés à la bibliothèque et quels appels téléphoniques il a
effectués, ce projet de loi ne lui donne aucun droit d’interjeter appel de
la nécessité d’une telle recherche devant un tribunal. Aucun juge ne pourra
entendre sa plainte; aucun jury ne pourra délibérer sur sa cause. C’est tout
à fait inadmissible ».
En 2007, pendant sa campagne présidentielle, Obama avait appelé à
supprimer les sections les plus outrageantes du Patriot Act, déclarant : «
C’est fini les écoutes illégales de citoyens américains. C’est fini les
lettres de sécurité nationale pour espionner des citoyens qui ne sont
soupçonnés d’aucun crime. »
Et pourtant, un rapport publié par le ministère de la Justice a révélé
plus tôt ce mois-ci, que l’utilisation des lettres de sécurité nationale que
Barack Obama prétendait décrier, a en fait doublé l’an dernier, passant de
6 114 à 14 212 personnes.
Le renouvellement des dispositions du Patriot Act, cette fois pour quatre
ans, et avec le soutien enthousiaste de l’administration Obama, réfute une
fois de plus toute prétention selon laquelle Obama et les démocrates
représentent la moindre alternative politique à la présidence de Bush. Il
est particulièrement remarquable que Rand Paul, l’un des membres les plus à
droite du Sénat, soit apparu comme un défenseur des libertés civiles contre
les démocrates et Obama.
Le Patriot Act a été une pierre angulaire des politiques de
l’administration Bush. Celle-ci, sous le couvert de la « guerre contre le
terrorisme », a jeté les bases d’une guerre perpétuelle accompagnée d’une
tutelle quasi-illimitée de l’État sur les libertés civiles. L'administration
a fait sienne toute cette structure, depuis la guerre contre le terrorisme à
la politique de la torture, en passant par la détention illégale et l’écoute
électronique.
L’extension de ce projet de loi est l’expression de l’attaque politique
en cours contre la classe ouvrière. Tout en poursuivant des politiques
délibérément calculées pour créer un chômage élevé, des fermetures d’écoles
et la mise à pied de centaines de milliers de travailleurs du secteur
public, l’administration Obama est en train de jeter les bases pour lutter
contre toute opposition politique avec des moyens d’État policier.
Lorsqu’un mouvement de masse se développera contre les politiques de
l’administration Obama, sans l’ombre d’un doute, l’appareil répressif
réautorisé du Patriot Act sera utilisé contre le danger d’une opposition
politique de masse des travailleurs.
(Article original anglais paru le 28 mai 2011)