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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Quelle voie pour « Los indignados » espagnols

Par Chris Marsden
28 mai 2011

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Les manifestations de masse qui commencèrent en Espagne le 15 mai sont impulsées par l'immense colère populaire contre la politique d'austérité imposée par le gouvernement du Parti socialiste (PSOE). L'imposition de cette politique se fait dans des conditions d'appauvrissement à grande échelle et des taux de chômage de près de 50 pour cent parmi les jeunes d'entre 18 et 25 ans — qui sont le noyau des indignés.

Les mobilisations sont caractérisées par le rejet de tous les grands partis, surtout le PSOE, et aussi les syndicats, qui n'ont rien fait pour s'opposer aux attaques contre les travailleurs et les jeunes depuis qu'ils ont organisé la grève de vingt-quatre heures, purement pour la forme, le 29 septembre l'année dernière. En plus la Gauche unie (Izquierda Unida, UI) dirigée par les staliniens n'a tiré aucun avantage de la montée de la contestation sociale du fait de sa longue historie de soutien aux coupes sociales là où elle a établi une base dans les régions ou les collectivités territoriales.

Le mouvement a gagné un soutien considérable parmi les travailleurs, qui ont exprimé leur aliénation politique en abandonnant le PSOE par milliers dimanche dernier dans les élections régionales et municipales, avec plus d'un million de votants qui ont voté blanc.

Le mouvement a aussi inspiré des mobilisations solidaires à travers l'Europe — en Italie, France, Allemagne, Grande-Bretagne et Belgique — dans ce que le Guardian a décrit comme « une rébellion menée par les jeunes... qui se propage à travers l'Europe... unies par le rejet des politiques modérés et la colère contre les coupes dans les dépenses sociales. »

C'est mercredi que la réplique la plus significative se fit sentir en Grèce, où quelque 15.000 manifestants se sont rassemblés à Athènes et 30.000 à échelle nationale pour protester contre l'imposition par le gouvernement social-démocrate PASOK de mesures d'austérité dictées par le Fonds Monétaire International et la Banque Centrale Européenne. Les manifestants ont scandé "Voleurs, voleurs», devant le Parlement grecque en exigeant : « L'heure de partir est venue pour ceux qui ont créé la crise ».

Les mobilisations du M-15 ont été nommées la « Révolution Espagnole ». Mais laissé à son niveau actuel, sans programme ni perspectives claires et sans direction politique, ce mouvement de masse s'avérera terriblement insuffisant pour vaincre les élites dominantes en Europe qui, elles, sont déterminées à imposer le poids entier des renflouements des banques et de la récession sur le dos de la classe ouvrière.

Il faut se rappeler qu'en mars 300.000 manifestants, mobilisés par « la Génération « a rasca » (galère), ont défilé dans onze villes à travers le Portugal. Pourtant ce mouvement s'est évaporé même au moment où tous les grands partis sont en lice pour gagner l'élection générale du 5 juin sur des promesses d'imposer des coupes claires dans les dépenses et des hausses d'impôts requis pour avoir droit au plan de sauvetage de €78 milliards agréé par l'UE et le FMI.

Il y a le sentiment grandissant parmi ceux qui participent au mouvement qu'ils arrivent à une impasse, avec aucune perspective proposée à part maintenir les sit-in aussi longs que possible. Pourtant, on cultive une ambiance où les efforts pour développer une perspective politique au-delà de « plus de mobilisations » dans « plus de villes » sont décriés comme une tentative de « récupérer le mouvement. »»

La mobilisation M-15 est menée par un certain nombre de campagnes sur Internet, qui affirment collectivement qu'il n'existe « pas de direction » et que le mouvement a « une structure horizontale ». En même temps ils insistent sur le fait qu'aucun autre groupe ne doit « dicter » sa politique aux mobilisations.

Néanmoins des tendances politiques définies sont à l'oeuvre. La Réelle Démocratie Maintenant, inspirée par de différents mouvements altermondialistes qui ont été cultivés dans les élites pendant plus d'une décennie, prône une série de réformes  sociales et électorales, mais ne conteste pas ces mêmes partis et organisations responsables des difficultés que confrontent des millions de travailleurs et de jeunes. Un autre groupe nolesvotes fut créé par des hommes d'affaires en vue, y compris un qui gère un réseau social.

Enclin à renforcer et de policer ce qui revient à une amnistie pour le PSOE et la bureaucratie syndicale, il y a les diverses organisations de l'ex-gauche qui se présentent comme « révolutionnaires » et « socialistes ». Collectivement ils glorifient le caractère spontané du mouvement et son manque de perspective, avec comme unique but d'endormir la faculté critique des travailleurs et des jeunes.

Miguel Urban, d'Izquierda Anticapitaliste, affiliée au Secrétariat unifié écrit sur un « récit » incomplet, un « discours et une pratique qui doivent s'accompagner, il est possible de construire en cours de route. »

En Lucha appelle à ce que « l'énergie, le courage, et la créativité énormes manifestés les campements...soient canalisés dans la force matérielle de la classe ouvrière », c'est-à-dire derrière les appareils syndicaux, « ce que l'on a vu, quoique d'une façon éphémère pendant la grève générale du 29 septembre. »

Le groupe El Militant est plus honnête encore dans la déclaration de ses loyautés politiques, insistant sur le fait que el futur des manifestations du M-15 est d'accepter la direction des « dirigeants des CCOO et de l'UGT », qui doivent « prendre leur responsabilité de donner une réponse aux attaques subies par la classe ouvrière, la jeunesse, les chômeurs et les retraités. »

Ces tendances affirment que cette perspective a été confirmée par le printemps arabe, alors que c'est précisément le contraire qui a été démontré.

En Égypte et en Tunisie, les mouvements de protestations bien plus larges que celui qui a balayé l'Espagne aux cours des dernières semaines ont réussi à faire tomber des dictateurs, mais ils ont laissé des régimes dictatoriaux en place. Au lieu de la transformation démocratique authentique  que les masses attendaient, les partis de la bourgeoisie ont agi pour sauvegarder la richesse des privilégiés par une répression de plus en plus brutale de la classe ouvrière. Tout cela a été mené à bien avec le soutien actif des dirigeants syndicaux qui siégent dans les divers Comités consultatifs sur des « réformes démocratiques », alors même que leurs membres sont attaqués et que les grèves sont interdites. Pendant ce temps, tous les fléaux sociaux qui ont nourri le mécontentement populaire, le chômage de masse et la pauvreté écrasante, continuent.

Les mêmes questions se posent aux travailleurs et aux jeunes d'Espagne et d'Europe et du monde.

La classe ouvrière est impliquée dans quelque chose de bien plus large qu'une lutte contre des politiciens véreux. Ces politiciens ne sont que les défenseurs, bien payés, d'une classe capitaliste et d'un système qui s'appuie sur l'exploitation de plus en plus sauvage des masses par les travailleurs.

La crise économique globale qui a éclaté en 2008 n'a pas été résolue. Elle s'aggrave de jour en jour, tout le fardeau retombe sur la classe ouvrière alors que les banquiers et les spéculateurs se gratifient eux-mêmes de bonus énormes et d'augmentations de salaires. Ce ne sont pas des aberrations qui pourraient être corrigées par des appels aux réformes. Ces tendances montrent une caractéristique fondamentale du capitalisme décrite par Marx — « L'accumulation de richesse à un pôle signifie donc en même temps à l'autre pôle une accumulation de misère, de torture à la tâche à l'autre. » — fonctionne maintenant sans aucune contrainte démocratique.

Préserver le niveau de vie et les gains sociaux essentiels des travailleurs n'est plus compatible avec la survie du système de profit. Il ne faut rien de moins qu'une transformation socialiste de la société pour y répondre. En Espagne et partout ailleurs, la classe ouvrière se voit imposer de lutter contre l'ordre capitaliste dans son ensemble. La tâche actuellement à l'ordre du jour est la lutte pour un gouvernement ouvrier qui fera des secteurs-clefs de l'économie des biens sociaux, plaçant les banques et les grandes entreprises sous un contrôle démocratique exercé par les travailleurs eux-mêmes.

Cela exigera la construction d'un nouveau parti politique et d'une nouvelle direction qui luttera pour les intérêts sociaux de la classe ouvrière et d'une nouvelle génération qui n'a pas d'avenir dans le cadre actuel. Le Comité international de la Quatrième Internationale, ses sections européennes et le World Socialist Web Site sont consacrés à l'établissement d'un tel parti en Espagne et partout ailleurs.

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