Dans un État après l'autre, les
gouverneurs républicains et démocrates soutiennent qu'ils n'ont d'autre choix
que de sabrer radicalement les salaires, les prestations de maladie et les
retraites des employés du secteur public, ainsi que de réduire considérablement
le financement destiné à l'éducation, à la santé et à d'autres services sociaux
essentiels. Selon l'argument, les États font face à des déficits budgétaires
insolubles. Ils doivent couper, car « il n'y a pas d'argent ».
C'est ce refrain qui est principalement
répété par le gouverneur Scott Walker au Wisconsin, qui tente d'aller chercher 300
millions de dollars des poches des employés de l'État et d'éliminer la plupart
de leurs droits de négociation collective dans le cadre d'un programme de
réduction du déficit de 3,6 milliards de dollars. Comme il l'a affirmé lors
d'une entrevue télévisée, « La vérité c'est que nous essayons d'équilibrer
notre budget et qu'il n'y a pas de place pour la négociation, car nous n'avons
pas d'argent. »
Les politiciens démocrates et
républicains à Washington, de John Boehner, chef du Parti républicain à la
Chambre des représentants, au président Obama, approuvent ce diagnostic.
« Nous n'avons plus d'argent », déclare régulièrement Boehner pour
justifier de nouvelles coupes. Dans son discours sur l'état de l'Union, Obama
avait dit : « Nous devons affronter la réalité que notre gouvernement
dépense plus qu'il ne rapporte. Ce n'est pas viable. »
Les médias de la grande entreprise
répètent ces paroles, sans jamais remettre en cause la prémisse sous-entendue
derrière cette supposée ruine : l'acceptation inconditionnelle de
l'extrême polarisation sociale aux États-Unis, où l'élite financière empile des
richesses incalculables pendant que le chômage, la pauvreté et les besoins
sociaux s'accumulent à l'autre pôle de la société.
Les médias présentent l'opposition aux
coupes budgétaires comme étant irrationnelle et irréaliste, comme si cela était
en contradiction flagrante avec les lois de l'arithmétique. Mais avant même
d'en venir aux changements structurels plus fondamentaux qui sont nécessaires
dans la société américaine pour résoudre la crise économique, il saute aux yeux
où on peut trouver des ressources pour non seulement pour éliminer les
déficits, mais aussi pouvoir grandement développer les services sociaux
essentiels.
Le déficit prévu dans deux ans dans
l'État du Wisconsin est de 3,6 milliards $, c’est-à-dire environ une
erreur d'arrondi lorsque l'on présente l’immense fortune de
l'aristocratie financière américaine. Les frères Koch, les mécènes d'extrême
droite du gouverneur Walker, pourraient faire un chèque au montant du déficit
et demeurer tout de même milliardaires.
Considérons un instant, en y allant au
plus facile, où l'on pourrait trouver l'argent nécessaire pour éliminer le
déficit combiné des 50 États, prévu à 130 milliards $ cette année.
·L’extension des réductions d’impôts
pour les riches sous Bush, votée par un Congrès démocrate en décembre avec
l’approbation de l’administration Obama, transfère 700 milliards de
dollars au cours des dix prochaines années vers les poches des riches.
Récupérer deux années de cette manne fiscale éliminerait tous les déficits
budgétaires d’États combinés.
·Les compensations totales des banques de Wall
Street et firmes de valeurs mobilières ont atteint un record de 135 milliards
l’année dernière, selon une analyse du Wall Street Journal,
atteignant le montant historique de 417 milliards de dollars de revenus. Les
récipiendaires du sauvetage de Wall Street pourraient renflouer les États de
leurs propres poches.
·Les 400 individus les plus riches des États-Unis
disposent d’un prodigieux 1,37 billion en actifs, soit une moyenne de
près de 350 millions $ chacun. Une perception fiscale de 10 pour cent sur
les ressources de ces milliardaires éliminerait aussi les déficits des 50 États
américains.
·Les profits combinés de toutes les entreprises
américaines ont monté en flèche en 2010, atteignant un taux annuel de 1,66 billion
au troisième trimestre. Une taxe de huit pour cent sur ces profits, soit le
même pourcentage que les coupures que Walker cherche à imposer aux enseignants
et aux gardes forestiers, éliminerait tous les déficits d’État.
·Les sociétés américaines sont présentement
assises sur une somme de 2 billions de dollars comptant, refusant d’engager
des travailleurs, en dépit du fait qu’ils encaissent des réductions
d’impôts qui devraient servir d'incitation à l’embauche. Un
prélèvement fiscal de 10 pour cent sur ces liquidités dormantes fournirait
assez d’argent pour éliminer non seulement les déficits d’État,
mais les déficits de toutes les villes et des gouvernements régionaux aussi,
tout en préservant les emplois de centaines de milliers de travailleurs de la
fonction publique.
·Les actifs des fonds spéculatifs (hedge funds)
sont passés à 1,92 billion $ en 2010, soit le montant le plus élevé jamais
atteint, par rapport à 1,18 billion $ au début de l’année. Compte
tenu de la formule usuelle des revenus de 2 pour cent de tous les actifs plus
20 pour cent de l’augmentation, les patrons des fonds de couvertures
devraient récolter environ 186 milliards en revenus personnels. Une imposition
de 80 pour cent sur ces revenus, moins que le taux d’imposition des
multimillionnaires sous l’administration Eisenhower, produirait plus de
revenus que nécessaire pour éliminer les déficits d'États. (Il faut noter que
le directeur des fonds de couvertures le plus riche, John Paulson, a eu un
bénéfice personnel net de plus de 5 milliards $ en 2010, tandis
qu’une douzaine d’autres patrons de ces fonds ont eu un revenu
personnel de plus de 2 milliards $ et que de nombreux autres ont empoché
plus de 1 milliard de dollars).
Contrairement aux affirmations des
politiciens et des médias, il n’est pas difficile de trouver
l’argent pour résoudre les déficits budgétaires régionaux et ceux des
États; il en resterait même suffisamment pour mettre sur pied un programme de
reconstruction sociale massif. Implanter seulement une partie des propositions
mentionnées ci-dessus générerait suffisamment d’argent, par exemple, pour
fournir des emplois durant les deux prochains mois pour 5 millions
d’Américains.
Même si ce ne sont pas des mesures
socialistes, elles marqueraient une étape importante dans la résolution des
inégalités sociales et mèneraient vers des changements structuraux — la nationalisation des banques
et des grandes sociétés et leur transformation en institutions publiques sous
le contrôle de la classe ouvrière; l’implantation de la planification
économique démocratique; l’intégration progressiste et rationnelle de
l’économie américaine et mondiale — qui sont nécessaires pour résoudre la crise, éliminer la pauvreté
et la faim, élever le niveau de vie des masses et mettre fin aux inégalités
sociales.
Le problème est le pouvoir bien établi de
la classe capitaliste dirigeante et leur domination totale du système
politique. Les deux partis officiels, les démocrates tout comme les
républicains, sont des filiales complètement sous contrôle de l’élite
financière. Les deux partis défendent les profits et la propriété des
propriétaires des banques et des grandes entreprises.
La classe ouvrière, comme le Wisconsin le
montre, est prête à se battre pour défendre les emplois, les niveaux de vie et
les services sociaux. Mais les vieilles organisations syndicales sont
profondément corrompues. Elles sont résolument dévouées envers le parti
démocrate et la défense du capitalisme, dans lequel les syndicats sont eux-mêmes
des actionnaires majeurs, les chefs syndicaux empochant des salaires à six
chiffres et bénéficiant d'importants privilèges.
Les travailleurs doivent rejeter
l’affirmation frauduleuse que la société américaine ne peut plus — au 21e siècle! — se payer des écoles décentes, un
système de santé, des logements et d’autres services essentiels. Les
ressources existent, produites par le travail de centaines de millions de
travailleurs et appropriées par une mince couche au haut de l’échelle.
Ces ressources doivent être récupérées pour être utilisées socialement, pour
satisfaire les besoins de la classe ouvrière, qui forme la très grande majorité
de la population.
C’est une lutte politique, qui requiert
une rupture avec les démocrates et les républicains et la construction
d’un mouvement socialiste de masse. Le Parti de l’égalité
socialiste, le World Socialist Web Site, et l’Internationale étudiante pour l’égalité sociale
organisent une série de conférences à travers le pays en avril pour discuter des formes
organisationnelles et du programme politique requis pour mener cette lutte.
Nous encourageons tous nos lecteurs et tous ceux qui veulent réellement lutter
contre les politiques de la classe dirigeante à planifier dès aujourd'hui leur
participation aux conférences.