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La crise budgétaire des États américains : où trouver l'argent ?

Par Patrick Martin
8 mars 2011

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Dans un État après l'autre, les gouverneurs républicains et démocrates soutiennent qu'ils n'ont d'autre choix que de sabrer radicalement les salaires, les prestations de maladie et les retraites des employés du secteur public, ainsi que de réduire considérablement le financement destiné à l'éducation, à la santé et à d'autres services sociaux essentiels. Selon l'argument, les États font face à des déficits budgétaires insolubles. Ils doivent couper, car « il n'y a pas d'argent ».

C'est ce refrain qui est principalement répété par le gouverneur Scott Walker au Wisconsin, qui tente d'aller chercher 300 millions de dollars des poches des employés de l'État et d'éliminer la plupart de leurs droits de négociation collective dans le cadre d'un programme de réduction du déficit de 3,6 milliards de dollars. Comme il l'a affirmé lors d'une entrevue télévisée, « La vérité c'est que nous essayons d'équilibrer notre budget et qu'il n'y a pas de place pour la négociation, car nous n'avons pas d'argent. »

Les politiciens démocrates et républicains à Washington, de John Boehner, chef du Parti républicain à la Chambre des représentants, au président Obama, approuvent ce diagnostic. « Nous n'avons plus d'argent », déclare régulièrement Boehner pour justifier de nouvelles coupes. Dans son discours sur l'état de l'Union, Obama avait dit : « Nous devons affronter la réalité que notre gouvernement dépense plus qu'il ne rapporte. Ce n'est pas viable. »

Les médias de la grande entreprise répètent ces paroles, sans jamais remettre en cause la prémisse sous-entendue derrière cette supposée ruine : l'acceptation inconditionnelle de l'extrême polarisation sociale aux États-Unis, où l'élite financière empile des richesses incalculables pendant que le chômage, la pauvreté et les besoins sociaux s'accumulent à l'autre pôle de la société.

Les médias présentent l'opposition aux coupes budgétaires comme étant irrationnelle et irréaliste, comme si cela était en contradiction flagrante avec les lois de l'arithmétique. Mais avant même d'en venir aux changements structurels plus fondamentaux qui sont nécessaires dans la société américaine pour résoudre la crise économique, il saute aux yeux où on peut trouver des ressources pour non seulement pour éliminer les déficits, mais aussi pouvoir grandement développer les services sociaux essentiels.

Le déficit prévu dans deux ans dans l'État du Wisconsin est de 3,6 milliards $, c’est-à-dire environ une erreur d'arrondi lorsque l'on présente l’immense fortune de l'aristocratie financière américaine. Les frères Koch, les mécènes d'extrême droite du gouverneur Walker, pourraient faire un chèque au montant du déficit et demeurer tout de même milliardaires.

Considérons un instant, en y allant au plus facile, où l'on pourrait trouver l'argent nécessaire pour éliminer le déficit combiné des 50 États, prévu à 130 milliards $ cette année.

·      L’extension des réductions d’impôts pour les riches sous Bush, votée par un Congrès démocrate en décembre avec l’approbation de l’administration Obama, transfère 700 milliards de dollars au cours des dix prochaines années vers les poches des riches. Récupérer deux années de cette manne fiscale éliminerait tous les déficits budgétaires d’États combinés.

 

·      Les compensations totales des banques de Wall Street et firmes de valeurs mobilières ont atteint un record de 135 milliards l’année dernière, selon une analyse du Wall Street Journal, atteignant le montant historique de 417 milliards de dollars de revenus. Les récipiendaires du sauvetage de Wall Street pourraient renflouer les États de leurs propres poches.

 

·      Les 400 individus les plus riches des États-Unis disposent d’un prodigieux 1,37 billion en actifs, soit une moyenne de près de 350 millions $ chacun. Une perception fiscale de 10 pour cent sur les ressources de ces milliardaires éliminerait aussi les déficits des 50 États américains.

 

·      Les profits combinés de toutes les entreprises américaines ont monté en flèche en 2010, atteignant un taux annuel de 1,66 billion au troisième trimestre. Une taxe de huit pour cent sur ces profits, soit le même pourcentage que les coupures que Walker cherche à imposer aux enseignants et aux gardes forestiers, éliminerait tous les déficits d’État.

 

·      Les sociétés américaines sont présentement assises sur une somme de 2 billions de dollars comptant, refusant d’engager des travailleurs, en dépit du fait qu’ils encaissent des réductions d’impôts qui devraient servir d'incitation à l’embauche. Un prélèvement fiscal de 10 pour cent sur  ces liquidités dormantes fournirait assez d’argent pour éliminer non seulement les déficits d’État, mais les déficits de toutes les villes et des gouvernements régionaux aussi, tout en préservant les emplois de centaines de milliers de travailleurs de la fonction publique. 

 

·      Les actifs des fonds spéculatifs (hedge funds) sont passés à 1,92 billion $ en 2010, soit le montant le plus élevé jamais atteint, par rapport à 1,18 billion $ au début de l’année. Compte tenu de la formule usuelle des revenus de 2 pour cent de tous les actifs plus 20 pour cent de l’augmentation, les patrons des fonds de couvertures devraient récolter environ 186 milliards en revenus personnels. Une imposition de 80 pour cent sur ces revenus, moins que le taux d’imposition des multimillionnaires sous l’administration Eisenhower, produirait plus de revenus que nécessaire pour éliminer les déficits d'États. (Il faut noter que le directeur des fonds de couvertures le plus riche, John Paulson, a eu un bénéfice personnel net de plus de 5 milliards $ en 2010, tandis qu’une douzaine d’autres patrons de ces fonds ont eu un revenu personnel de plus de 2 milliards $ et que de nombreux autres ont empoché plus de 1 milliard de dollars).    

Contrairement aux affirmations des politiciens et des médias, il n’est pas difficile de trouver l’argent pour résoudre les déficits budgétaires régionaux et ceux des États; il en resterait même suffisamment pour mettre sur pied un programme de reconstruction sociale massif. Implanter seulement une partie des propositions mentionnées ci-dessus générerait suffisamment d’argent, par exemple, pour fournir des emplois durant les deux prochains mois pour 5 millions d’Américains.

Même si ce ne sont pas des mesures socialistes, elles marqueraient une étape importante dans la résolution des inégalités sociales et mèneraient vers des changements structuraux la nationalisation des banques et des grandes sociétés et leur transformation en institutions publiques sous le contrôle de la classe ouvrière; l’implantation de la planification économique démocratique; l’intégration progressiste et rationnelle de l’économie américaine et mondiale qui sont nécessaires pour résoudre la crise, éliminer la pauvreté et la faim, élever le niveau de vie des masses et mettre fin aux inégalités sociales.

Le problème est le pouvoir bien établi de la classe capitaliste dirigeante et leur domination totale du système politique. Les deux partis officiels, les démocrates tout comme les républicains, sont des filiales complètement sous contrôle de l’élite financière. Les deux partis défendent les profits et la propriété des propriétaires des banques et des grandes entreprises.

La classe ouvrière, comme le Wisconsin le montre, est prête à se battre pour défendre les emplois, les niveaux de vie et les services sociaux. Mais les vieilles organisations syndicales sont profondément corrompues. Elles sont résolument dévouées envers le parti démocrate et la défense du capitalisme, dans lequel les syndicats sont eux-mêmes des actionnaires majeurs, les chefs syndicaux empochant des salaires à six chiffres et bénéficiant d'importants privilèges.

Les travailleurs doivent rejeter l’affirmation frauduleuse que la société américaine ne peut plus au 21e siècle! se payer des écoles décentes, un système de santé, des logements et d’autres services essentiels. Les ressources existent, produites par le travail de centaines de millions de travailleurs et appropriées par une mince couche au haut de l’échelle. Ces ressources doivent être récupérées pour être utilisées socialement, pour satisfaire les besoins de la classe ouvrière, qui forme la très grande majorité de la population.

C’est une lutte politique, qui requiert une rupture avec les démocrates et les républicains et la construction d’un mouvement socialiste de masse. Le Parti de l’égalité socialiste, le World Socialist Web Site, et l’Internationale étudiante pour l’égalité sociale organisent une série de conférences à travers le pays en avril pour discuter des formes organisationnelles et du programme politique requis pour mener cette lutte. Nous encourageons tous nos lecteurs et tous ceux qui veulent réellement lutter contre les politiques de la classe dirigeante à planifier dès aujourd'hui leur participation aux conférences.

(Article original anglais paru le 7 mars 2011)

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