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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Le Canada et les États-Unis entament des pourparlers pour la création d’un « périmètre de sécurité »

Par Keith Jones
8 mars 2011

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Le premier ministre canadien Stephen Harper et le président américain Barack Obama ont annoncé en conclusion d’une rencontre qu’ils ont eue à la Maison-Blanche plus tôt ce mois-ci qu’ils entamaient des pourparlers bilatéraux sur un périmètre de sécurité nord-américain.

Le but déclaré de ces négociations est d’accroître de façon importante l’intégration des organisations canadiennes et américaines en matière de sécurité frontalière et l’harmonisation des régimes de régulation des deux pays en matière de sécurité nationale, d’immigration et de réfugiés, de façon à renforcer la sécurité continentale, faciliter les déplacements transfrontaliers des marchandises et des personnes et promouvoir la « compétitivité économique ».

Ces négociations sont basées sur la déclaration conjointe de Harper et d’Obama qui a suivi leur réunion du 4 février : « Par-delà la frontière : une vision commune de la sécurité et de la compétitivité économique à l’intérieur du périmètre ». Cette déclaration prévoit augmenter à un niveau sans précédent la longue coopération déjà importante en matière de sécurité entre les forces militaires, policières et agences de protection frontalière du Canada et des États-Unis — y compris dans le cadre de l’OTAN et du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD). « Nous avons l’intention, soutient la déclaration conjointe, d’adopter une approche axée sur la protection du périmètre pour la sécurité de nos deux pays, travaillant de concert à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières pour renforcer notre sécurité et accélérer la circulation légitime des biens et des services entre nos deux pays. »

La déclaration annonce que les deux pays travailleront ensemble « à défendre et à protéger notre usage des espaces aérien, terrestre, maritime, et le cyberespace, ainsi qu’à accroître la sécurité de nos réseaux intégrés de transport et de communication ».

Cela comprendra un « échange amélioré du renseignement et de l’information » et autres formes de coopération accrue dans le but d’identifier, de repérer, de prévenir et de contrer « l’extrémisme violent » et de vérifier l’identité des voyageurs.

Les deux pays développeront des normes communes pour la collecte et la transmission des données biométriques des voyageurs ainsi qu’un système commun permettant d’effectuer un suivi des personnes entrant et sortant du Canada et des États-Unis. La déclaration explique également que les deux pays ont l’intention « de prolonger les programmes bilatéraux existants de police pour définir la prochaine génération d’opérations policières transfrontalières intégrées ».

En d’autres mots, les négociations visent à renforcer l’appareil répressif d’État des deux côtés de la frontière et à accroître la collaboration des organisations de renseignements et militaires grandissantes des deux pays.

Harper et Obama ont mis sur pied un « groupe de travail par-delà la frontière » bilatéral pour élaborer et réaliser les objectifs contenus dans leur déclaration. Ils ont également créé un conseil de coopération Canada-États-Unis en matière de réglementation, doté d’un mandat de deux ans pour harmoniser et simplifier les règlements en matière de santé publique, de sécurité et d’environnement afin d’améliorer « la compétitivité économique » — c’est-à-dire les profits des entreprises.

Dans une déclaration distincte, Harper a mis l’accent sur l’engagement de l’unité canadienne envers son partenariat militaire et stratégique avec Washington et Wall Street, en déclarant que « toute menace envers les États-Unis constitue une menace envers le Canada, envers nos échanges commerciaux, nos intérêts, nos valeurs et notre civilisation commune ».

« Le Canada, poursuit Harper, n’a pas d’ami parmi les ennemis des États-Unis. Et les États-Unis n’ont pas de meilleur ami que le Canada ».

Dans une remarque soulignant que les implications du partenariat accru proposé entre le Canada et les États-Unis vont bien au-delà des frontières de l’Amérique du Nord, Obama a remercié le premier ministre canadien pour la décision prise par son gouvernement de prolonger le déploiement des Forces armées canadiennes en Afghanistan pour trois années de plus, c’est-à-dire jusqu’en 2014.

Des sections puissantes de l’élite dirigeante et canadienne font pression depuis longtemps pour la création d’un périmètre de sécurité nord-américain dans le but de soutenir et d’accroître le partenariat économique et l’intégration économique continentale promus par l’Accord de libre-échange nord-américain de 1989 et son successeur l’ALENA. Représentées par des organisations telles le Conseil canadien des chefs d’entreprise et Manufacturiers et Exportateurs du Canada, ces sections de la classe dirigeante considèrent que l’établissement de liens économiques encore plus étroits avec les États-Unis, accompagnés d’une intégration accrue en matière de sécurité constituent un élément essentiel dans leur réponse à l’émergence de nouvelles puissances en Asie, à la division du marché mondial en blocs commerciaux régionaux, à la croissance de tensions géopolitiques entre les grandes puissances, et à la part allant toujours en diminuant du capital canadien sur le marché mondial et dans les investissements. Elles voient également dans une intégration croissante avec les États-Unis un levier permettant d’apporter des changements régressifs dans les domaines socio-économiques et en matière de politique de sécurité et auxquels la population s’est opposée jusqu’à présent.

La grande bourgeoisie canadienne est également mue par la crainte que les bénéfices qui se sont accrus grâce au libre-échange avec les États-Unis viennent à s’éroder. Elle a notamment peur de « l’épaississement » de la frontière Canada-États-Unis — la gamme de nouvelles restrictions et de contraintes que Washington a placées sur le libre mouvement des marchandises et des personnes entre les deux pays au nom de la « guerre contre la terreur ».

Au cours des années 1990, la rapide croissance du commerce Canada-États-Unis était un important stimulant de la croissance économique au Canada. Alors que la réduction des tarifs et la réorientation de l’économie canadienne en vue de mieux servir le marché américain se sont accompagnées de fermetures d’usines et d’une dislocation sociale pour la classe ouvrière, les profits des entreprises ont bondi.

La dernière décennie a toutefois été marquée par une forte chute du pourcentage des échanges commerciaux du Canada avec les États-Unis, passant de près de 85 % à environ 73 %. Bien que de nombreux facteurs aient contribué à cela, notamment la croissance de la compétition en Asie et la montée de la valeur du dollar canadien, le commerce du Canada avec les États-Unis a énormément souffert de « l’épaississement » de la frontière Canada-États-Unis suite aux attentats terroristes du 11 septembre 2001. Une surveillance et des formalités douanières accrues, de même que de nombreuses craintes d’attentats et alertes au terrorisme ont entraîné une augmentation des coûts et des temps d’attente aux postes frontaliers à un point tel que les constructeurs automobiles et de nombreux autres producteurs largement intégrés ont dû abandonner leur processus de fabrication « juste à temps ».

L’anxiété de l’élite entrepreneuriale canadienne à propos de l’épaississement de la frontière s’accompagne de toute une série de préoccupations économiques et stratégiques. Celles-ci comprennent la crainte que le Canada perd de son influence à Washington alors que son rôle dans l’économie américaine décline en termes relatifs, tandis que celui de la Chine, du Mexique et d’autres pays, est en croissance, et que les accords de libre-échange conclus par Washington avec d’autres pays sont en train de miner l’accès privilégié du Canada au marché américain. S’ajoute à cela un ressentiment de longue date à propos du fait que le Canada n’est jamais parvenu à sécuriser un accès garanti au marché américain (tant l’ALE que l’ALENA n’ont en effet jamais exempté le Canada des interventions du congrès américain sur les lois commerciales).

Le développement d’un partenariat plus étroit avec les États-Unis — comprenant un périmètre de sécurité dominé par les ceux-ci et des garanties liantes plus explicites faisant du Canada le fournisseur « tous temps » des États-Unis en matière d’hydrocarbures et autres formes d’énergie — a été présenté de plus en plus fréquemment au cours de la dernière décennie par les porte-parole et spécialistes proéminents de la classe dirigeante comme étant une façon de défendre les intérêts de la bourgeoisie canadienne dans une nouvelle ère de bouleversements économiques et géopolitiques.

Selon ce calcul, la création d’un périmètre de sécurité nord-américain faciliterait non seulement le commerce avec les États-Unis, mais accroîtrait également l’influence du Canada à Washington, plaçant ainsi le pays dans un rapport stratégique unique avec les États-Unis.

Ce qui est envisagé n’est rien de moins qu’une forteresse en Amérique du Nord — un bloc économique stratégique et militaire résolument opposé aux rivaux d’outre-mer des bourgeoisies américaines et canadiennes, de même qu’à la classe ouvrière des deux pays — une approche impudemment présentée dans une page en regard de l’éditorial dans l’édition du 2 février du Globe and Mail et signée par Colin Robertson, ancien diplomate canadien et actuel vice-président du Canadian Defence and Foreign Affairs Institute.

« Nous devons nous engager dans une nouvelle étape, écrit Robertson, car les gains obtenus grâce aux accords de libre-échange remontent déjà à une décennie… La déclaration de M. Obama selon laquelle il doublera les exportations américaines est une ouverture pour nous. Compte tenu de la dynamique de notre chaîne d’approvisionnement intégrée, cela signifie que nous devons faire partie de l’équation… Nos objectifs conjoints seront de créer une approche de “périmètre” en matière de sécurité mutuelle, afin de rendre la frontière “plus intelligente”, se débarrasser du fouillis régulateur et gérer stratégiquement notre environnement commun et ses ressources.

« … S’en tenir au statu quo signifie poursuivre un déclin graduel. Pendant ce temps, l’express mondial va en s’accélérant. »

L’élite canadienne — ou du moins sa faction dominante — est déterminé à convaincre Washington que, pour reprendre les paroles de Robertson, « le fait de nous inclure dans la couverture de sécurité sert les intérêts économiques et en matière de sécurité nationale des États-Unis. »

Une telle orientation stratégique ne peut que renforcer le tournant de la bourgeoisie canadienne vers une politique étrangère « plus musclée », basée sur son réarmement des Forces armées canadiennes et de leur déploiement en Afghanistan et dans d’autres guerres impérialistes.

De façon significative, Ottawa subit déjà des pressions de la part de Washington afin de jouer un rôle plus important aux côtés des États-Unis dans la guerre contre la drogue au Mexique — une opération utilisée par les États-Unis pour exercer une présence à des fins de sécurité dans ce pays appauvri mais de plus en plus important économiquement et se trouvant directement au sud de la « république du dollar ». Dans un discours prononcé à Toronto l’an dernier, l’amiral James Winnefeld, chef du Commandement du Nord au Pentagone et à NORAD, a déclaré publiquement que « le Canada a un avenir à travailler avec ses deux voisins américains pour lutter contre la menace commune, corrosive et croissante dans nos sociétés. »

Le périmètre de sécurité nord-américain proposé est une tentative de renforcer l’alliance stratégique entre les impérialismes canadien et américain. Celle-ci doit être opposée de façon active et énergique par la classe ouvrière en adoptant comme perspective d’unir les travailleurs canadiens avec leurs frères et sœurs de classe des États-Unis et du Mexique, dans une lutte commune pour former des gouvernements ouvriers et créer les États-Unis socialistes de l’Amérique du Nord.

Cette perspective est diamétralement opposée à celle d’une section du Parti libéral, du NPD social-démocrate et des syndicats qui, sous la bannière de la « défense de la souveraineté canadienne », s’opposent aux pourparlers sur la création d’un périmètre de sécurité. Ces forces articulent en fait les intérêts de sections de la bourgeoisie canadienne qui craignent d’être balayées advenant une intégration économique plus étroite avec les États-Unis, ou encore qui espèrent conserver plus de latitude pour l’élite dirigeante du Canada afin de défendre ses propres intérêts prédateurs distincts de ceux de Washington.

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