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La lutte au Wisconsin et la négociation salariale

Par Jerry White
1er mars 2011

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Les manifestations de masse dans la capitale du Wisconsin auxquelles avaient déjà participé jusqu’au 20 février plus de 200.000 travailleurs et jeunes gens, se sont poursuivies au-delà de cette date. Des dizaines de milliers de personnes ont continué d’exiger le retrait de la proposition du gouverneur républicain Scott Walter de réduire les dépenses publiques et d’attaquer les salaires et les droits de 175.000 employés de la fonction publique.

Un débrayage permanent des enseignants a été organisé au mépris d’un ordre de reprise du travail issu par les dirigeants du syndicat des enseignants du Wisconsin, le Wisconsin Education Association Council (WEAC), qui a décidé d’étouffer les protestations. Les étudiants diplômés assistants d’éducation à l’université du Wisconsin ont voté l’annulation des cours pour se joindre aux manifestations.

Ce mouvement grandissant est l’expression d’un conflit de base entre la classe ouvrière et l’ensemble de la structure économique et politique existant aux Etats-Unis. Les employés publics sont tout particulièrement visés parce qu’ils sont étroitement liés aux programmes sociaux qui sont radicalement réduits à tous les niveaux de gouvernement et dans l’ensemble du pays.

Au cours de cette lutte, des différences fondamentales entre les intérêts des travailleurs et ceux des dirigeants officiels des protestations sont rapidement apparues. Dans tous les communiqués du WEAC et du syndicat des fonctionnaires, le Wisconsin State Employees Union, les dirigeants syndicaux ont dit qu’ils acceptaient l’exigence du gouverneur de faire porter aux salariés du public le coût de la retraite et des soins de santé mais qu’ils n’accepteraient pas l’abolition de la négociation salariale.

Cela révèle bien des choses. La référence des responsables syndicaux à la « négociation salariale » est totalement cynique. En déclarant leur volonté d’accepter chaque réduction de salaire à l’avance, ils ont abandonné la négociation salariale, dans la mesure où cette expression a une signification réelle -- c'est-à-dire le droit des travailleurs à lutter contre les exigences des entreprises et de l’Etat. Les syndicats ont déjà tout abandonné, laissant à la classe ouvrière une seule option : celle de souffrir.

L’objection des syndicats aux attaques du gouverneur contre la convention collective ne se rapporte qu’à leurs propres intérêts bien indépendants de ceux des travailleurs, notamment pour ce qui est du système de recouvrement des cotisations selon le principe de la retenue directe sur le salaire.

Cette question a une histoire. Lors de leur formation initiale dans les années 1930 et 1940, les syndicats étaient confrontés au problème d’assurer leur stabilité en dépit de l’hostilité implacable du patronat vis-à-vis des luttes ouvrières. Le « closed shop », l’embauche exclusive de travailleurs syndiqués et le système de la retenue automatique des cotisations à la source sont apparus dans le but d’assurer une certaine protection à l’égard du capitalisme et de combattre les actions antisyndicales des grands groupes.

Mais, il existait un danger implicite dans le système de la prise des cotisations sur le salaire. L’époque où un délégué syndical avait à résoudre le grief d’un travailleur avant que celui-ci ne se sépare de sa cotisation était révolue. La stabilisation de la structure syndicale et le flot continu des cotisations garanti par l’employeur eut pour effet de libérer les syndicats tant de l’obligation de rendre des comptes à leurs adhérents que du contrôle de la part de leur base.

Dans le même temps, l’instauration du recouvrement automatique des cotisations était liée à une acceptation du système capitaliste même. Avec la reconnaissance des syndicats et l’acceptation de l’employeur de déduire une partie du salaire des travailleurs pour les cotisations syndicales, vint aussi l’attente que le syndicat appliquerait les termes du contrat. Les syndicats de l’AFL-CIO ont rejeté la voie de la lutte politique au moyen d’un parti ouvrier indépendant, sans même parler d’un renversement révolutionnaire du capitalisme. Au lieu de cela, ils ont compté sur le gouvernement pour sanctionner et institutionnaliser leur relation avec les employeurs.

Durant le boom économique d’après-guerre, les travailleurs furent, par le biais des syndicats,  en mesure de remporter des concessions significatives en dépit de l’orientation pro capitaliste de la bureaucratie syndicale. Avec le déclin du capitalisme américain au début des années 1960, qui s’est encore accéléré durant les années 1970 et 1980, la défense du capitalisme par les syndicats a pris une forme nouvelle. De plus en plus, leur principale fonction est devenue la suppression des luttes de la classe ouvrière et l’imposition de concessions à leurs propres membres. Les intérêts de la bureaucratie furent dissociés de ceux de leurs membres.

Ce processus a atteint un certain point culminant dans la situation actuelle au Wisconsin. Le fait que le syndicat des fonctionnaires soit en mesure d’annoncer que la principale question en jeu ici est celle de la négociation salariale alors qu’en même temps il abandonne ouvertement la défense des besoins élémentaires des travailleurs, ne fait que souligner la contradiction directe qui existe entre les intérêts des travailleurs et ceux du syndicat.

Pour le Parti démocrate, les syndicats sont des atouts importants et pas seulement parce que des millions de cotisations syndicales affluent dans les caisses de leurs campagnes électorales. Ce qui est plus important encore c’est le rôle joué par les syndicats dans la répression de l’opposition de la classe ouvrière et dans l’imposition des dictats du patronat et du gouvernement.

C’est la raison pour laquelle dans des commentaires faits la semaine passée aux médias, Obama dit qu’il abhorrait « l’assaut contre les syndicats » au Wisconsin tout en insistant pour dire que les travailleurs devaient « faire des ajustements » en raison de la crise budgétaire de l’Etat.

Mais, pour les travailleurs, il y a une hostilité justifiée à l’égard des attaques de Walker contre la négociation salariale. Alors que les syndicats ne représentent plus les intérêts des travailleurs, il dépend des travailleurs eux-mêmes – et pas du politicien aux ordres réactionnaire et pro patron Walker – de traiter de telles institutions. Contrairement aux dirigeants syndicaux, les travailleurs entendent par « négociation salariale » leur droit à s’organiser et à lutter indépendamment pour leurs intérêts contre les entreprises.

Pour faire avancer la lutte et défendre leur droit à un emploi de qualité, à des soins de santé et à une bonne retraite, les travailleurs doivent se libérer des syndicats et former de nouvelles organisations au moyen desquelles leurs intérêts pourront vraiment s’exprimer – des comités de base pour unir toutes les sections de la classe ouvrière dans une lutte commune.

Mais, dans les conditions d’une crise capitaliste grandissante, les intérêts et les droits des travailleurs ne peuvent être défendus par la négociation salariale et cela encore moins avec des institutions corrompues qui ont depuis longtemps cessé d’être des organisations ouvrières.

Les luttes des travailleurs au Wisconsin et la propagation de ce mouvement dans tout le pays soulignent la nécessité d’une lutte politique contre le système capitaliste et un gouvernement sous le contrôle du patronat, ainsi que celle d’une réorganisation de la société selon des principes socialistes.

 (Article original paru le 22 février 2011)

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