Deux incidents liés aux protestations de masse en cours au
Wisconsin soulignent l’irresponsabilité totale de la classe dirigeante
dans sa détermination à détériorer les conditions de vie des travailleurs non
seulement dans cet Etat mais partout aux Etats-Unis.
Jeff Cox, le procureur général adjoint républicain de l’Indiana a dit dernièrement
au magazine libéral Mother Jones qu’il préconisait « des
balles réelles » en guise de réponse aux protestations se déroulant au
Wisconsin. Il a qualifié les travailleurs qui protestaient contre la réduction
de leurs prestations sociales et les attaques contre leurs droits démocratiques
d’« ennemis politiques » et de « voyous » déclarant,
« Vous avez sacrément raison, je préconise le recours à une force
entrainant la mort. » Cox, qui avait été procureur général pendant huit
ans, a dû quitter mercredi ses fonctions après la publication de cet échange de
propos par le magazine.
Le bloggeur d’un site pro-syndical de Buffalo, dans l’Etat de
New York, avait contacté mardi le gouverneur du Wisconsin, Scott Walker, en se
faisant passer pour le milliardaire David Koch, l’un des principaux appuis
du patronat anti-syndicat et du mouvement ultra droitier Tea Party. Le bloggeur,
Ian Murphy, a enregistré l’appel et en a publié mercredi la retranscription.
Durant la conversation qui a duré 20 minutes, Murphy a entendu de la part du
gouverneur républicain une série de remarques provocatrices. Walker a suggéré
que des accusations de crimes pourraient être fabriquées à l’encontre de
sénateurs du Parti démocrate qui avaient entravé le vote de sa loi
antisyndicale en fuyant l’Etat fédéral, et a offert de négocier avec ses
adversaires au moyen d’une batte de baseball et discuta le pour et le
contre d’« infiltrer quelques trublions » dans la foule des
manifestants devant le capitole de l’Etat.
Le paragraphe le plus remarquable – et dont la diffusion a été bien
moindre – de la discussion de Walker avec le faux Koch se trouvait à la
fin, où il fait état d’une conversation qui avait eu lieu le 6 février
avec son cabinet. Walker a rappelé le 100ème anniversaire de Ronald
Reagan, et a cité « l’un des moments les plus décisifs de sa
carrière politique et pas seulement de sa présidence, lorsqu’il avait
licencié les contrôleurs aériens. » La confrontation à venir au Wisconsin
« c’est notre moment de changer le cours de l’histoire, »
a dit Walker à son cabinet.
Ces deux comptes rendus donnent un aperçu de la réalité politique qui est
normalement dissimulée par les médias américains –
l’irresponsabilité et la brutalité, pas seulement de deux individus mais
d’une classe sociale entière. Cox et Walker ne parlaient pas simplement
pour eux-mêmes, mais pour l’élite financière privilégiée qui est prête à
recourir à la violence pour arriver à ses fins. Ce genre de langage est
identique à celui qu’aurait employé Moubarak en Egypte ou Kadhafi en
Libye au moment de préparer leur brutale répression.
Walker et Cie considèrent les attaques contre les employés de l’Etat,
non pas comme une série d’épisodes isolés mais comme faisant partie
d’une lutte plus générale pour écraser la classe ouvrière et pour faire
reculer l’horloge de décennies en arrière en termes de ses droits sociaux.
Cette attaque est lancée dans tous les Etats du pays, ainsi que par le
gouvernement fédéral, et ce tout autant sous la direction du Parti démocratique
que du Parti républicain.
Les travailleurs doivent comprendre la nature du conflit dans lequel ils se
trouvent. Ils sont confrontés à une élite dirigeante qui leur a déclaré la
guerre. Alors que la classe dirigeante est politiquement mobilisée avec deux
partis agissant sciemment pour atteindre leurs objectifs, les travailleurs
doivent encore construire des organisations de masse capables de contrer cette
attaque en mettant en avant les intérêts de la vaste majorité de la population.
Les syndicats américains sont incapables de se défendre eux-mêmes, sans
parler de la classe ouvrière. Au Wisconsin, les responsables des employés du
public et des syndicats des enseignants embrassent ouvertement toutes les
coupes exigées par Walker sur les salaires des travailleurs, leurs prestations
sociales et leurs droits sur le lieu de travail. S’ils renâclent ce
n’est que devant les exigences – comme celle de mettre un terme au système
du prélèvement sur salaire des cotisations syndicales et à la reconnaissance
automatique des syndicats – qui menacent leurs propres revenus.
Des décennies de collaboration entre le patronat et les syndicats,
d’anti-communisme et de déni de la lutte de classe – durant lesquelles
le terme même de « classe ouvrière » était prohibé et remplacé par
« classe moyenne » – ont coupé les intérêts des syndicats de
ceux de la classe ouvrière.
Alors que l’élite dirigeante mène une lutte impitoyable pour défendre
sa richesse mal- acquise, les syndicats sont irrévocablement hostiles à la
lutte socialiste basée sur l’expropriation de l’aristocratie
financière et l’arrivée au pouvoir de la classe ouvrière.
Au lieu de cela, ils enchaînent la classe ouvrière politiquement au Parti
démocrate, un parti du patronat dont les représentants défendent les profits
des groupes géants et la richesse des ultra riches tout comme le font les
Républicains. Dans un Etat après l’autre, les gouverneurs démocrates
exigent des employés du secteur public les mêmes ‘concessions’ que
Walker, à la différence qu’ils préfèrent recourir aux syndicats pour les extraire
des travailleurs.
En effet, le gouvernement Obama est l’un des principaux agents de la
guerre menée par l’aristocratie financière contre les travailleurs. Alors
que son gouvernement alloue des milliers de milliards au sauvetage des banques
et aux primes des directeurs des groupes cotés à Wall Street, il refuse
catégoriquement d’aider des Etats et des gouvernements locaux en faillite.
Il impose aussi un gel des salaires des travailleurs fédéraux tout en préparant
des coupes budgétaires de centaines de milliards de dollars et qui toucheront
surtout la population laborieuse.
Trois ans après la plus grande crise du système capitaliste depuis la Grande
dépression, le système politique américain a révélé de la façon la plus
insolente possible son caractère de classe. Les Démocrates et les Républicains sauvent
les milliardaires et les grands groupes tout en diabolisant les enseignants et
les balayeurs de rue comme étant « surpayés » et
« privilégiés. »
Pour des millions de travailleurs, les événements du Wisconsin constituent un
réveil. La classe ouvrière doit reconnaître – comme le font certainement ses
ennemis – qu’elle est confrontée à une lutte considérable et
prolongée. Les conflits du Wisconsin, et ceux ayant lieu dans d’autres
Etats et villes à travers le pays, ne sont pas des événements séparés et isolés
les uns des autres, mais font partie d’une guerre soutenue des classes.
Pour prévaloir dans cette lutte, la classe ouvrière requiert une nouvelle
perspective politique et de nouvelles organisations de lutte. Les travailleurs
doivent entreprendre consciemment la lutte contre le système capitaliste. Ils
doivent répondre aux affirmations qu’il n’y a « pas
d’argent » pour les besoins sociaux essentiels tels
l’éducation, le logement et les soins de santé en revendiquant la
confiscation de la richesse des milliardaires et la transformation des grands groupes
en entreprises de propriété publique.
Ceci signifie une rupture politique avec les Partis démocrate et républicain
et la construction du Parti de l’Egalité socialiste en tant que parti de
masse luttant pour le socialisme et l’internationalisme au sein de la
classe ouvrière.