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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

L'Etat allemand et les meurtres néo-nazis

Par Ulrich Rippert et Alex Lantier
22 novembre 2011

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Au cours de ces deux dernières semaines, la presse allemande a publié des articles détaillés sur les opérations menées durant ces treize dernières années par un groupe de trois néo-nazis dans la ville allemande d'Iéna. La bande a assassiné au moins 10 immigrés turcs et grecs et perpétré d'autres crimes brutaux sous le nez des services de renseignement nationaux allemands qui étaient activement impliqués dans la construction de réseaux d'extrême droite plus larges au sein desquels opérait le groupe d'Iéna.

Les trois néo-nazis étaient, dans les années 1990, dans le groupe « Thüringer Heimatschutz » (Protection de la patrie de Thuringe, THS) dont le dirigeant, Tino Brandt, fut démasqué en 2001 comme agent secret. Il a dit au magazine Der Spiegel avoir reçu pendant sept ans plus de 200.000 deutschemark en tant qu'indicateur des services de protection de la Constitution (Bundesverfassungsschutz, BVS). Il a affirmé avoir dépensé l'intégralité de cette somme pour le financement de groupes d'extrême-droite.

Le groupe d'Iéna passa dans la clandestinité en 1998 après que la police eut trouvé un atelier de fabrication de bombes dans un garage appartenant à l'un de ses membres. Bien qu'un mandat d'arrêt international ait été émis contre eux, ils réussirent cependant à échapper à une capture de l'Etat allemand durant les 13 années suivantes pendant lesquelles ils commirent au moins 10 meurtres à motivation raciale. Des groupes d'extrême-droite infiltrés par des agents des services secrets allemands sont allés jusqu'à organiser trois concerts publics de solidarité dont les recettes furent remis aux trois terroristes.

Le groupe d'Iéna a été révélé le 4 novembre dernier lorsque deux de ses membres ont été retrouvés morts, tués par balle, après s'être enfuis des lieux du braquage d'une banque.

Il est impossible de croire que les trois terroristes d'Iéna aient évité de se faire détecter et de se faire prendre pendant si longtemps sans l'aide d'éléments des services de renseignement allemands. Le rôle de l'agent du service secret de Hesse, Andreas T. est tout particulièrement suspect. Surnommé « petit Adolf » dans son village natal pour ses opinions d'extrême-droite, il aurait été présent sur les lieux du crime d'au moins cinq des meurtres du groupe d'Iéna - dont la fusillade en 2006 d'un propriétaire de café Internet à Kassel où il refusa de se présenter volontairement à la police comme témoin.

Selon des rapports issus de « milieux parlementaires » cités par le site Internet Bild.de, pendant plusieurs années la surveillance d'agents secrets a fait partie des tâches d'Andreas T. au THS.

Les liens des services de renseignement avec des fascistes violents soulignent le caractère antidémocratique des Etats capitalistes européens créés par la bourgeoisie européenne en collaboration avec Washington et Londres après la Deuxième guerre mondiale. Les crimes commis par le groupe d'Iéna et ses liens avec l'Etat résultent de ce contexte.

Durant les premières années de la Guerre froide, les puissances occidentales avaient recruté de nombreux ex-responsables nazis au sein de l'Etat allemand alors qu'elles luttaient contre la menace d'une révolution socialiste en Europe. Ceci ne fut nulle part ailleurs plus le cas que dans les services de renseignement allemands. Fondé en 1950 par les alliés en tant qu'instrument de la Guerre froide, ils ont employé un grand nombre d'anciens membres de la Gestapo qui considéraient les communistes comme leur principal ennemi.

En 2009, le journal conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung écrivait sous le titre « Esprit de cave brun » : « Pour de nombreux officiers SS et d'hommes de la Gestapo, les années de fondation de la république avaient été une période heureuse de la reprise de leurs anciennes activités. De nombreux hommes venant de la machine de persécution et d'extermination de Hitler réussirent après 1949 à faire leur entrée dans les agences de sécurité. A l'Office fédéral de la police criminelle, aux services secrets fédéraux allemands et aussi aux services de protection de la Constitution (BVS), d'anciens camarades de la Wehrmacht et des SS ont imposé durant les 20 premières années des éléments de leur idéologie nazie au style opérationnel et à la formation. »

Lorsque les alliés remirent le contrôle du BVS au gouvernement allemand en 1955, le gouvernement Adenauer choisit Hubert Schrübbers - qui avait servi le régime nazi en tant que membre des SA et procureur général - pour diriger l'agence. Sous sa supervision, de nombreux anciens membres des SS occupèrent des postes importants au BVS. Schrübbers fut finalement obligé de démissionner en 1982 lorsque des détails sur son passé nazi furent connus.

Comme le montre clairement le bilan du groupe néo-nazi d'Iéna, ces liens entre le fascisme et les Etats bourgeois européens se poursuivent encore à ce jour. Ils constituent une mise en garde sévère pour la classe ouvrière en Allemagne et internationalement à l'égard des forces réactionnaires qui sont mises en avant pour imposer les coupes brutales exigées par le capital financier dans le contexte de la crise grandissante du capitalisme.

Le nouveau régime « technocratique » en Grèce, imposé par les banques dans le but de prescrire de nouvelles coupes impopulaires à la classe ouvrière, comprend plusieurs ministres du parti fasciste grec LAOS. Alors que le parti droitier Nouvelle Démocratie (ND) prend le contrôle du ministère de la Défense, au milieu de rumeurs d'un éventuel coup d'Etat, les travailleurs grecs qui s'opposent aux mesures d'austérité exigées par les banques sont à présent confrontés à un gouvernement qui comprend des partisans notoires de la junte militaire soutenue par la CIA et qui a dirigé la Grèce de 1967 à 1974.

Les meurtres exécutés de sang-froid en Allemagne de personnes innocentes issues de l'immigration sont les préparatifs pour la mobilisation des forces fascistes et de l'appareil d'Etat contre la classe ouvrière et l'ensemble de l'opposition sociale à la crise capitaliste. Ils soulignent la nécessité de mobiliser l'intégralité de la classe ouvrière dans une lutte révolutionnaire contre les structures politiques corrompues du capitalisme européen.

(Article original paru le 18 novembre 2011)

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