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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Les nombreuses fraudes de la « règle Buffett »

Par Patrick Martin
30 septembre 2011

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Si une tromperie politique était capable de procurer des millions d'emplois, alors l'attitude démagogique du président Obama prônant la taxation des riches serait la solution à la crise économique.

Depuis le dévoilement de son plan intitulé « American jobs act » (proposition de loi pour l'emploi américain) suivi peu de temps après par un plan de réduction du déficit budgétaire soi-disant fondé sur une taxation des riches, Obama a fait plusieurs apparitions médiatiques de type campagne électorale pour colporter sa prétention d'être en faveur d'une « équité » économique. Au centre de son affirmation se trouve la soi-disant règle Buffett, nom inspiré du milliardaire d'Omaha, deuxième individu le plus riche de l'Amérique.

Buffett a déclaré ce mois-ci dans un journal qu'il payait des impôts à un taux moindre que sa propre secrétaire et qu'il condamnait le système d'imposition américain au motif qu'il « dorlote » les ultra-riches. Il est depuis longtemps un des plus importants contributeurs d'Obama tout en soutenant aussi d'autres politiciens du Parti démocrate.

Parmi la poignée d'autres milliardaires, comme par exemple le spéculateur sur les devises, George Soros, il a exprimé l'inquiétude que la croissance de l'inégalité sociale aux Etats-Unis et l'évidente discrimination de la politique fiscale et budgétaire en faveur des riches était susceptible de provoquer un mécontentement populaire et s'avérer déstabilisante politiquement.

La campagne d'Obama pour la « règle Buffett » a déclenché des paroxysmes de joie de la part des partisans de « gauche » des libéraux et de la classe moyenne du gouvernement dont le chroniqueur éditorialiste du New York Times, Paul Krugman, et le magazine Nation. Un éditorial de Nation a appelé à des manifestations pour encourager Obama à poursuivre son soi-disant virage à gauche.

Il y a eu des cris d'indignation tout aussi prévisibles poussés par l'extrême droite. Le chroniqueur néoconservateur, Charles Krauthammer, a déclaré d'une manière typique, « Le véritable Obama est un niveleur, un social-démocrate engagé, quelqu'un qui croit fermement dans un Etat qui redistribue, une tribune avant tout d'« équité » - à comprendre comme une égalité imposée et appliquée par le gouvernement. »

Cette exagération profonde tant à « gauche » qu'à « droite » n'est que partie intégrante du jeu politique par lequel la campagne d'Obama cherche à reconditionner un gouvernement droitier, pro-Wall Street comme le second mandat de Franklin Roosevelt. Ceci s'insère dans le cadre de ses efforts de leurrer les gens une fois de plus lors des élections présidentielles de 2012 par le mirage d'un Parti démocrate « progressiste. »

Lors d'un rassemblement jeudi à Cincinnati, Obama s'est référé à l'accusation des Républicains selon laquelle sa politique fiscale était une « lutte des classes » en déclarant, « Je suis un guerrier pour la classe moyenne. Je suis content de lutter pour la classe moyenne. Je suis content de me battre pour les travailleurs américains. »

Il a donné suite à ceci en participant samedi au dîner annuel du Congressional Black Caucus [comité des élus noirs au Congrès] où il a demandé à son auditoire d'« enleve[z] vos pantoufles. Chaussez vos chaussures de marche. » Alors qu'il réprimandait ceux qui critiquaient son gouvernement de favoriser les riches par rapport aux pauvres et les opprimés, le diplômé de l'Ecole de droit de Harvard a pris un accent populaire pour conclure : « Ca suffit. On arrête de se plaindre. Et de grogner. Et de pleurer. Nous allons poursuivre cette voie. Nous avons un travail à faire. »

Ce « travail » est, bien sûr, le travail de servir les intérêts vitaux de l'Amérique des grandes entreprises sur le plan national et de l'impérialisme américain à l'étranger, des guerres en Irak, en Afghanistan et en Libye aux aumônes octroyés aux banques et aux groupes géants aux dépens des travailleurs.

La règle Buffett est une manifestation de la duplicité d'Obama. Ce n'est pas une règle. La Maison Blanche n'a proposé aucune mesure réelle pour limiter la fraude fiscale et les abattements fiscaux pour les ultra-riches, et il ne le fera pas non plus. La « règle » n'est rien d'autre qu'une suggestion à l'adresse du comité bipartite du congrès chargé de concevoir une réduction du déficit d'au moins 1,5 milliers de milliards de dollars sur les deux prochains mois.

Même en tant que vague suggestion, la règle Buffett n'a aucune chance d'être appliquée, ce qu'Obama sait parfaitement bien. Les six membres républicains du « super-comité » pour le déficit sont tous de fervents adversaires de toute hausse d'impôt pour les riches tandis qu'un des démocrates du comité, le sénateur Max Baucus, a été le co-architecte de la réduction des impôts des riches appliquée en 2001 par le gouvernement Bush. Un autre démocrate, membre du comité, le sénateur John Kerry, est l'homme le plus riche du Sénat.

Même si elle devait être appliquée, la règle Buffett ne constituerait pas la mise en place de l'« équité » dans la taxation américaine. Elle ne signifie pas un retour à la politique traditionnelle du libéralisme américain dans ses beaux jours, lorsque le système fiscal était utilisé pour favoriser une redistribution restreinte de la richesse, des riches vers les pauvres. Elle n'appelle simplement qu'à mettre fin à l'un des nombreux moyens par lequel le système fiscal actuel américain redistribue la richesse dans l'autre direction, des pauvres vers les riches, en limitant certains des abattements fiscaux dont bénéficient des milliardaires comme Buffett.

Comment l'instauration d'une égalité du taux d'imposition pour les milliardaires et les secrétaires peut-elle constituer l'équité ? A tout le moins, une politique fiscale basée sur des critères d'équité et d'égalité devrait aborder le problème de la polarisation drastique des richesses et des revenus de ces trois dernières décennies. Durant cette période, l'écart de revenu entre le 1 pour cent des Américains le plus riche et les 40 pour cent les plus pauvres a plus que triplé et, au cours de cette dernière décennie, les riches ont réquisitionné chaque dollar de l'accroissement du revenu national. La polarisation de la richesse s'est même accrue, avec 10 pour cent de la population américaine contrôlant deux tiers de la richesse nationale.

Alors que les Républicains poussent des hurlements au sujet de « la guerre des classes », le rapport réel entre les classes est démontré dans l'augmentation constante des profits des entreprises en tant que part du revenu national et le déclin correspondant de la part des salaires. La classe ouvrière perçoit actuellement la part la plus faible de la valeur que produit son travail, jamais enregistrée depuis l'époque des barons voleurs (« Robber Barons »).

La politique fiscale fédérale a exacerbé cet écart social grandissant. Le taux d'imposition des Américains les plus riches est passé de 91 pour cent dans les années 1950 et 1960 - sous les gouvernements de Truman, Eisenhower et Kennedy, qu'on peut difficilement qualifier de bastions du « socialisme » - à moins de 50 pour cent sous Reagan, pour atteindre actuellement 35 pour cent. Le taux d'imposition des revenus les plus élevés est à présent à son niveau le plus bas depuis le début des années 1920, avant le krach de 1929 de Wall Street qui a discrédité le capital financier pendant deux générations.

Tout le débat sur la politique fiscale fédérale entre les Démocrates et les Républicain est mené sur des prémisses fausses. Il ne s'agit pas de restituer « l'équité » comme si un tel état de fait était possible dans une société où règne un tel degré d'inégalité sociale et économique. Ce que le Parti de l'Egalité socialiste (Socialist Equality Party, SEP) propose est une redistribution radicale de la richesse et du revenu des riches aux travailleurs - dont le travail après tout est source de toute la richesse de l'ensemble de la société.

Nous proposons, non pas une modification du code des impôts pour supprimer quelques-unes des aumônes les plus flagrantes octroyées aux ultra-riches mais une réorganisation des taux d'imposition comme le premier pas vers l'expropriation des capitalistes et l'organisation socialiste de la vie économique. Dans un premier temps, ceci signifierait la restauration d'une imposition véritablement progressiste à un taux d'au moins 90 pour cent de tous les revenus supérieurs à 500.000 dollars avec en plus une taxe distincte de la richesse et la confiscation des 2 mille milliards de dollars en espèces thésaurisés par les groupes géants qui refusent de recruter de nouveaux travailleurs. De telles mesures financeraient un programme massif pour remettre au travail des chômeurs et pour reconstruire l'infrastructure sociale décrépite en Amérique.

Ceci requiert avant tout une rupture de la population laborieuse avec le système capitaliste bipartie et la construction d'un mouvement politique de masse de la classe ouvrière, qui soit indépendant et fondé sur un programme socialiste.

(Article original paru le 26 septembre 2011)

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