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L'ex-Premier ministre Gordon Brown : News International de Murdoch exploitait un « réseau médiatique criminel »

Par Chris Marsden
5 septembre 2011

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La démission de Rebekah Brooks est seulement la dernière indication de la crise grandissante à laquelle fait face l'empire médiatique de Rupert Murdoch, News Corp.

Brooks a démissionné en tant que PDG de News International britannique (UK), l'éditeur du désormais défunt News of the World, dont elle a déjà été la rédactrice en chef. Elle devrait comparaître aux côtés de Murdoch et son fils, James, devant une commission d'enquête parlementaire mardi pour discuter du scandale des écoutes téléphoniques à News of the World.

À l'approche de la commission d'enquête, Murdoch a rompu le silence à propos du scandale lors d'une entrevue au Wall Street Journal, qui lui appartient. Ses remarques étaient principalement une dénonciation de Gordon Brown, faites en réaction au discours parlementaire accablant du 13 juillet par l'ancien Premier ministre. Murdoch a dit que certains commentaires des membres du parlement étaient de « purs mensonges ».

Brown a été largement attaqué pour son hypocrisie par des journalistes et des personnalités politiques, citant ses connexions avec Murdoch et rejetant son discours comme un accès de dépit provoqué par le changement d'allégeance de News International qui était passé des travaillistes aux conservateurs en 2009. Mais personne ne devrait laisser son aversion pour Brown, un des architectes du New Labor et un instrument docile de la grande entreprise, l'aveugler par le fait que cette campagne vise à enterrer ce qu'il a exposé en tuant le messager.

Brown a accusé News International « d'avoir enfreint la loi souvent à une échelle industrielle, et, au pire, d'avoir entretenu des liens avec le monde criminel britannique ».

Les médias de Murdoch ont « collaboré » avec des « membres du monde criminel » et ont agi en tant qu'« organisation médiatique criminelle ».

Il a critiqué le fait qu'au mois d'août 2009, le commissaire adjoint de Scotland Yard, John Yates « n'avait pris que huit heures - moins de temps, je dois dire, qu'il passait à dîner avec les gens sur lesquels il devait enquêter - pour rejeter préventivement une enquête policière future. »

Ayant vu un rapport de la commission d'enquête faisant mention d'un large système d'écoutes téléphoniques, Brown avait demandé au chef de la haute administration, le secrétaire du Cabinet, Gus O'Donnell, de démarrer une enquête judiciaire. Toutefois, « la police, le ministère de l'Intérieur et la haute administration s'y sont opposés, et ça n'a pas été appuyé par le comité de sélection [du ministère de la Culture] », a-t-il dit.

Selon Brown, O'Donnell avait affirmé que le comité de sélection ne croyait pas que les pratiques illégales se poursuivaient, et qu'une enquête ne répondait pas au critère des affaires publiques urgentes. De plus, a-t-il soutenu, les événements avaient eu lieu il y trop longtemps et que les preuves avaient pu être détruites; il n'y avait pas d'indication que le système policier fonctionnait mal, et toutes leurs décisions avaient été vérifiées avec le procureur de la Couronne; et que cibler News of the World à l'approche des élections générales pouvait être considéré comme politiquement motivé.

Selon le Cabinet Office, il y avait « non seulement pas suffisament d'éléments pour tenir une enquête judiciaire,  mais même aucun argument solide tant pour tenir une enquête non judiciaire que pour un recours à la Independent Police Complaints Commission, ni même pour demander à la police de rouvrir leur enquête », a résumé Brown.

Il s'est plaint de l'inaction du chef de la première enquête policière, Andy Hayman, « dont le prochain emploi était comme par hasard à News International » et de « l'inaction de son successeur, Yates » en dépit du fait qu'il possédait de « vastes archives, mais non examinées, exposant la criminalité à grande échelle ».

Après avoir quitté ses fonctions en mai 2010, Brown a déclaré qu'il avait parlé avec le vice-premier ministre Nick Clegg et « lui a remis, en personne, notre proposition d'une commission d'enquête sur les médias ». Il « a écrit au chef de la haute administration pour souligner que les conseils précédents contre l'enquête judiciaire avaient depuis été clairement dépassés par les nouvelles preuves. »

Quant à Brooks, « Dès l'hiver 2002, des officiers supérieurs de la police de Scotland Yard ont rencontré l'actuelle directrice générale de News International et l'ont informée des sérieuses fautes professionnelles commises par le personnel de son journal et de la surveillance faite en leur nom par des criminels. »

Sur James Murdoch, il a noté que « la décision du président de News International de payer, sans en informer son conseil d'administration, à certaines victimes des sommes de l'ordre de 500 000 £ peut maintenant être considérée comme l'achat du silence ... qui doit maintenant faire l'objet d'un examen minutieux par le Parlement et la police. »

Pas étonnant que les déclarations de Brown ont été remises en cause par « d'anciens membres » anonymes de son cabinet, Clegg et d'autres. Le Cabinet Office, a même divulgué le mémo cité par Brown, dans un geste qui a été décrit comme une contre-attaque. Cependant, comme le Telegraph l'a admis, « La note de synthèse de sept pages publiée par le Cabinet Office d'aujourd'hui est conforme au résumé de son contenu tel que décrit aux députés par M. Brown dans son discours. »

La défense d'O'Donnell a été essentiellement réduite à l'affirmation que « les décisions sur la tenue d'une enquête publique, ainsi que sur sa portée et sa nature, sont toujours les décisions d'un ministre ».

Mais les échecs politiques de Brown ne portent aucunement atteinte à ce qu'il dit sur le rôle d'autres personnes, pas plus que le fait que citer des exemples de ses relations passées avec Murdoch et Brooks. Il peut avoir été la chose de Murdoch, mais on tente de lui nuire, car il s'est retourné contre son ancien maître.

Brown aurait travaillé en coulisse dans la divulgation des crimes de News International au cours des deux dernières années. Dans le Telegraph du 14 juillet, Robert Winnett écrit qu'il « a secrètement orchestré, ou à tout le moins soutenu, une campagne auprès des députés travaillistes pour attirer l'attention du public sur le scandale du piratage téléphonique... La campagne a été menée par deux anciens ministres travaillistes, Tom Watson et Chris Bryant, deux personnes impliquées dans le complot Balti-House qui avait forcé Tony Blair à annoncer la date de sa démission. »

Patrick Wintour, dans le Guardian du 11 juillet est mieux informé. Il note que, deux mois avant que The Sun donne son appui aux conservateurs, « après les révélations du Guardian sur le piratage téléphonique et l'accumulation de preuves sur l'opération de camouflage de la part de News International, Brown a commencé à faire campagne pour une enquête judiciaire. Durant au moins une quinzaine de jours, il a été en discussion avec le ministre de l'Intérieur, Alan Johnson. Brown et Lord Mandelson ont discuté avec Alan Rusbridger, rédacteur en chef du Guardian, pour avoir une meilleure compréhension du scandale. »

Wintour continue : « Après l'élection, Brown n'a cessé d'être préoccupé par le piratage téléphonique, en donnant son appui à des pistes d'enquête, en envoyant une foule de courriels et en suivant attentivement le cours d'une enquête du New York Times sur le scandale, qui a finalement été publiée en septembre 2010. C'est à cette époque que M. Brown a écrit en privé à la police de Londres pour demander si son téléphone avait été piraté. »

La lutte de faction Blair-Brown, dans laquelle Murdoch s'est rangé résolument du côté de Blair, joue encore un rôle en apportant des éclaircissements sur le scandale. Le Daily Mail du 10 juillet a rapporté comment « des amis de M. Brown » et des « sources bien placées » ont accusé Blair de « chercher à convaincre le député travailliste qui a dirigé la campagne pour exposer le piratage téléphonique de News of the World de faire marche arrière ».

Blair aurait « voulu de M. Brown qu'il convainc son allié Tom Watson de laisser tomber la question de News International (NI), mais M. Brown a refusé ».

Le Mail résume certaines des « allégations accablantes contre la directrice générale de NI, Rebekah Brooks et le président James Murdoch, » que Watson a faites en utilisant la protection juridique du Parlement. Brooks aurait « supplié l'ex-ministre du cabinet de Blair, Tessa Jowell de l'aider à "arrêter ce fou de Tom Watson" - et aurait aussi demandé l'aide de son ami, M. Blair. »

Watson a affirmé à maintes reprises qu'il avait été menacé indirectement par News International et que ses poubelles avaient été fouillées. Un autre allié de Brown, Chris Bryant, a déclaré que News International « se comportent comme des gangsters. Ils ont recours à la peur et aux faveurs. »

L'intervention de Brown, même si ce dernier est intéressé dans ses motivations, menace de nuire aux efforts de tous les principaux partis, après qu'une enquête inoffensive ait été menée, visant à revenir à la routine habituelle.

C'est pourquoi le Financial Times  a commenté de façon révélatrice : « M. Brown a également été attaqué par ses propres députés, qui l'ont prévenu que son explosion de colère avait mal évalué l'humeur de la Chambre des communes... Des alliés d'Ed Miliband ont affirmé que le discours « passéiste » de M. Brown faisait contraste avec le discours plus consensuel et innovateur donné par le chef du Parti travailliste sur la réglementation des médias à venir. »

Dans un même ordre d'idées, Quintin Letts a écrit dans le Daily Mail, « Avec son génie étrange pour la transformation de l'or en boue, M. Brown a ramené la rancune dans une Chambre qui était quelques instants plus tôt joyeusement unie... Ed Miliband venait tout juste de prononcer un discours calme et appelant à une large coopération qui s'était mérité l'éloge du président de la Chambre. Dans des échanges plus tôt à la Chambre des communes, M. Cameron et les députés travaillistes semblaient être parvenus à un accord responsable sur la façon de traiter le problème Murdoch. »

Pour la classe dirigeante, régler le « problème Murdoch » signifie quelque de chose de complètement différent que pour la classe ouvrière. Et c'est la responsabilité des travailleurs de mettre fin aux activités destructrices et antisociales de Murdoch et des gens de son espèce. Ils ne peuvent compter sur personne d'autre que sur eux-mêmes, surtout pas sur M. Brown, récemment ressuscité, qui est motivé par une rancune personnelle et non par une véritable opposition politique aux forces sociales représentées par Murdoch.

Ce qu'il faut maintenant est l'intervention active et indépendante de la classe ouvrière dans la vie politique. C'est seulement de cette façon que la domination des oligarques comme Murdoch et ses laquais au Parlement pourra être vaincue une fois pour toutes.

(Article original paru le 16 juillet 2011)

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