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Quelle voie pour aller de l’avant pour les luttes sociales de masse en Israël ?

Par Bill Van Auken
13 septembre 2011

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Près d’un demi million de personnes ont afflué samedi dans les rues de Tel Aviv, de Jérusalem et des villes partout en Israël pour brandir la bannière de la « justice sociale » et pour protester contre les bas salaires, la flambée des coûts de l’immobilier, de la nourriture, des transports publics, de l’éducation et d’autres besoins sociaux essentiels et qui rend la vie intolérable pour la majorité de la population.

C'est l’inégalité sociale sans cesse croissante en Israël qui attise ces protestations et gratifie une poignée de « magnats » milliardaires de profits énormes, alors même que des millions de personnes sont confrontées à la misère sociale. Il est largement reconnu que la politique du régime droitier de Benyamin Netanyahu est motivée par les intérêts et les exigences d’une infime ploutocratie.

L’ampleur même des protestations de samedi – représentant 5,5 pour cent des 7,75 millions d’habitants d’Israël, ce qui aurait pour équivalent 18 millions de personnes protestant aux Etats-Unis – souligne la profonde signification historique du mouvement.

Plus de six décennies après la création de l’Etat d’Israël, après les guerres continuelles contre les pays arabes voisins et plus de 44 ans d’occupation de la Cisjordanie et de Gaza, les manifestations ont contribué à miner un mythe sioniste central. Elles ont révélé le fait qu’en Israël, comme dans chaque autre pays,c'est la question des classes sociales qui est fondamentale et non pas la nationalité, la religion ou l’ethnicité.

De plus, les travailleurs juifs en Israël réagissent à la même crise historique du capitalisme mondial et qui a produit les révoltes de masse qui ont balayé le Moyen-Orient en renversant les dictatures soutenues par l’occident, celle de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Egypte. De nombreux manifestants qui ont dressé des tentes sur le boulevard Rothschild à Tel Aviv et qui sont descendus dans la rue dans d’autres villes se sont comparés aux masses égyptiennes qui ont occupé la place Tahrir.

Ceci implique une prise de conscience embryonnaire que les travailleurs en Israël, tout comme en Egypte, sont en train de s’engager dans une lutte d’envergure internationale et qui ne peut se résoudre dans les limites des frontières nationales qui divisent le Moyen-Orient.

Toutefois, tous ceux qui se trouvent à la tête de ces protestations aux côtés du syndicat sioniste Histadrut, qui les soutient, et les diverses organisations pseudo-gauches qui suivent, sont déterminés à détourner ce mouvement vers les canaux sûrs du système politique actuel existant en Israël.

C’est la signification dès le départ de l’insistance des organisateurs de ces protestations de leur imposer le « Pas de politique. » C'est la même signification que les interdictions identiques fixées par les organisateurs des protestations des los indignados (les indignés) en Espagne : renforcer la domination de la politique existante des partis de l’élite dirigeante et de leurs laquais de la bureaucratie syndicale.

Les dirigeants des protestations, tout comme la bureaucratie du Histadrut, ont expressément rejeté toute lutte pour le renversement du gouvernement Netanyahu. Au lieu de cela, ils ont manifesté leur volonté de négocier avec ce gouvernement, le plus droitier de l’histoire d’Israël, et qui a mis en place un comité pour élaborer quelques « réformes » cosmétiques dans le cadre des dépenses budgétaires israéliennes actuelles tout en laissant intact le système actuel d’exploitation et d’inégalité sociale.

Le refus de la politique a évidemment en Israël des implications plus profondes et plus fatales. Elle exclut de la lutte menée au nom de l’égalité et de la justice sociale l’oppression sociale profonde résultant de l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza ; le sort des millions de réfugiés palestiniens chassés de leurs terres : et le statut inégal des Juifs arabes, 20 pour cent de la population, dans un Etat qui se qualifie lui-même de juif.

Elle laisse ainsi le mouvement sans défense face aux invocations du gouvernement Netanyahu de menaces alléguées contre Israël et d’appels à l’unité sioniste pour étouffer le mécontentement social. Netanyahu a même exploité les protestations contre les prix de l’immobilier comme prétexte pour exiger davantage de colonies autour de Jérusalem-Est occupé.

Finalement, ce manque de perspective empêche tout défi réel au détournement de la richesse sociale en faveur du maintien d’un appareil militaire massif en Israël servant à intimider la population palestinienne et tous les pays du Moyen-Orient.

Suite aux embuscades mortelles, qui ont eu lieu le mois dernier près de la frontière dans le Sinaï, les organisateurs ont annulé les protestations prévues pour le week-end suivant. Et il semble que les vastes manifestations de samedi dernier ne seront pas répétées.

La décision de mettre fin au mouvement en septembre n’est pas accidentelle. Elle coïncide avec les avertissements ressassés par le gouvernement Netanyahu selon lesquels la tentative de l’Autorité palestinienne, qui est dominée par le Fatah, d’obtenir des Nations unies la reconnaissance d’un Etat palestinien s'accompagnera d'une brutalité généralisée.

Comme l’a formulé dernièrement le réactionnaire ministre des Affaires étrangères d’Israël, Avigdor Lieberman, « L’Autorité palestinienne planifie un bain de sang. »

En réalité, c’est l’appareil militaire israélien qui est en train de préparer un bain de sang et une nouvelle série de guerres. Il n’y a aucune preuve que les travailleurs et les jeunes palestiniens considèrent les manœuvres de la direction bourgeoise palestinienne à l’ONU comme une composante vitale. Cette résolution de l’ONU n’apportera rien de plus pour améliorer leurs conditions que toutes celles qui l’ont précédée. Et, même si l’ONU devait reconnaître l’Etat palestinien – ce qu’elle ne fera pas – une entité nationale créée sur les frontières irrationnelles et économiquement non viables laissées par le morcellement de la Palestine ne résoudra aucune des revendications sociales et démocratiques du peuple palestinien.

Le régime israélien émet de telles menaces parce qu’il craint avant tout que le fondement idéologique de son pouvoir ne soit compromis et il craint aussi une explosion de la lutte des classes à travers le Moyen-Orient. Pour prévenir la menace d’une lutte unifiée de la classe ouvrière juive et arabe contre l’impérialisme, il est prêt à recourir aux mesures les plus désespérées et les plus impitoyables, y compris la guerre – une situation qui souligne la profonde signification politique d’une lutte pour l’unification des travailleurs au Moyen-Orient.

Les protestations de masse en Israël ont montré l’existence d’un fondement objectif pour une telle politique au sein de la classe ouvrière israélienne. Cependant, pour faire avancer ces luttes contre la politique de réaction sociale et de guerre de la classe dirigeante il est nécessaire d’élaborer un nouveau programme politique et de créer de nouvelles organisations de masse de la classe ouvrière, axées sur la perspective de l’internationalisme socialiste. Ceci signifie la construction de sections du Comité international de la Quatrième Internationale en Israël et en Palestine, en Egypte, en Tunisie et partout dans la région, dont le but est une lutte commune pour une Fédération socialiste du Moyen-Orient.

(Article original paru le 7 septembre 2011)

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