Le Socialist Worker, la publication de l’International
Socialist Organization a dénoncé le 23 août le
rejet des charges d’agression sexuelle contre le politicien
français Dominique Strauss-Kahn. Il décrit la
décision, prise par un juge de New York City, comme étant
le « fait d’un système de justice protégeant
l’élite riche. » Dans l’article, le World
Socialist Web Site se fait attaquer pour sa position dans cette affaire
que l’ISO qualifie de « honteuse ».
Le papier du 29 août, « Une autre loi pour les
riches et les puissants, » laisse de côté toute
question politique importante liée à ce sordide
épisode.
Les auteurs, Lichi D’Amelio et Natalia Tylim, invoquent
l’argument que la victime présumée, une
employée d’hôtel immigrée de 32 ans,
Nafissatou Diallo, a été la cible d’une «
campagne de diffamation médiatique » et que cette «
campagne généreusement financée pour
discréditer Diallo », lancée par Strauss-Kahn et
ses avocats « semble avoir fonctionné ».
Après avoir fait référence à
l’examen médical de la victime présumée, et
que les procureurs ont estimé ne pas fournir
d’éléments pour étayer les affirmations
d’un rapport sexuel forcé (par exemple, l’absence de
traces d’ADN de Strauss-Kahn sous les ongles de la plaignante),
D’Amelio et Tylim écrivent, « En dépit de ces
faits, les médias ont mis en doute même la question de
savoir s’il y a eu une preuve physique. » Et ils
poursuivent, « Le traitement impitoyable de Diallo et
l’hostilité à l’égard de ses
affirmations est typique de ce que beaucoup de femmes et de jeunes
filles rencontrent lorsqu’elles déposent une plainte pour
agression sexuelle. »
Il est facile d’arriver à une certaine conclusion
si vous arrangez vos faits et vos arguments de manière à
ce qu’aucune autre conclusion ne soit possible.
La présentation de l’affaire dans l’article
du Socialist Worker est en flagrante contradiction avec la
réalité. Elle est conçue pour répondre
à un programme politique défini et pour satisfaire
certains intérêts politiques.
Soutenir ou impliquer que Strauss-Kahn a été
libéré et que les charges contre lui ont
été abandonnées avec l’aide complaisante
d’amis haut placés, que le système judiciaire
américain brûlait de libérer l’ancien
directeur générale du FMI et que les médias
américains étaient fermement de son côté
contre son accusatrice est grotesque. C’est là
présenter la réalité à l’envers.
Peut-être que les auteurs n’ont pas lu les
journaux ou regardé la télévision après
l’incident survenu à l’hôtel Sofitel à
Manhattan et impliquant Strauss-Kahn et Mme Diallo. Informons les de ce
qui s’est vraiment passé.
Le bureau du procureur du district de Manhattan s’est
empressé de rendre un jugement le 14 mai et les jours suivants.
Strauss-Kahn a été débarqué d’un
avion, soumis au traitement humiliant du « perp walk »
(l’accusé paradé menottes aux poignets),
incarcéré dans la prison de Riker’s Island,
à New York, et s’est vu refuser une libération sous
caution suite à la vigoureuse insistance du bureau du procureur
du comté de New York, Cyrus Vance Jr.
Vance et ses associés ont rapidement et publiquement
inculpé Strauss-Kahn de deux chefs d’accusation
d’agression criminelle au premier degré, un acte de
tentative de viol au premier degré, un abus sexuel au premier
degré, un chef de séquestration au deuxième
degré, un chef d’accusation d’attouchements
forcés et un abus sexuel au troisième degré. Le
chef d’accusation le plus grave d’agression criminelle au
premier degré à lui seul est un crime de classe B et
passible d’une peine maximale de 25 ans d’emprisonnement.
Vance a dit que le dossier des procureurs « était
solide… très solide, » et que la victime
présumée était crédible.
Loin de se rallier à Strauss-Kahn, comme le
suggère l’ISO, les médias new-yorkais et
américains se sont déchaînés contre lui en
ne ménageant aucun effort pour le discréditer dans
l’opinion publique. Il fut jugé et condamné dans la
presse. Le fait qu’il était français et se disant
« socialiste » a joué un rôle non
négligeable dans la campagne de manière sous-entendue ou
autre.
Est-ce que D’Amelio et Tylim souhaitent avoir quelques
exemples ? Prenons les titre du New York Times de mai : « Le
patron du FMI avait été averti de faire attention
à son comportement aux Etats-Unis, » « La
dernière fille : le mec [Strauss-Kahn] a supplié de
coucher avec moi, » « Le patron du FMI pleurnichard a
finalement accepté de passer un examen médical ; la
comparution a lieu aujourd’hui, » « La honte de
Strauss-Kahn va au de-là du sexe, » «
Qu’attendez-vous de socialistes louches ? » (une rubrique
de lettres de lecteurs du Post)
Ou bien encore CNN fin mai et début juin : « Un
biographe : Strauss-Kahn un ‘grand séducteur’,
» « Inculpation d’agression sexuelle à
l’’ayant-droit,’ » « Les hôtels de
luxe à New York dotent les femmes de chambre de
‘bouton-panique’ », « Dans l’affaire de
sexe au FMI, un signe de progrès [c’est-à-dire
Strauss-Kahn interpellé], » « Le sexe, la presse et
la politique en France, » « L’habitant de
Riker’s Island. »
Cette sordide activité fut menée par le New York
Times, l’un des organes influents de l’establishment
américain. Le 17 mai, comme le remarquait le WSWS à
l’époque, le Times avait publié « pas moins
de trois rubriques – par Maureen Dowd, Stephen Clarke et Jim
Dwyer – qui se délectent de l’humiliation de
Strauss-Kahn, qui traitent l’allégation de viol comme si
la question de sa véracité ne se posait pas et qui
exaltent de manière provocatrice les lecteurs contre
l’accusé. Chacune de ces rubriques en appelle à
l’ignorance du principe de procès équitable et aux
instincts les plus vils des lecteurs. Le niveau ordurier de ces
articles est signalé par le titre choisi par M. Clarke pour son
papier : ‘ Droit du Dirty Old men’ [‘Le droit des
vieux vicieux.’] »
L’article repoussant de Dowd, « Puissant et
primitif, » commençait par : « Oh, elle le
désirait. Elle le désirait vraiment. C’est ce que
désire toute jeune veuve, pieuse, travailleuse qui
s'échine à faire des petits boulots dans un hôtel
de Times Square afin d’élever seule sa fille adolescente,
justifier de son statut d’immigrée et profiter des
opportunités offertes par l’Amérique – un
vieux satyre ridé, en rut et pris de folie, qui se
précipite nu de sa salle de bains, fonce sur elle et la
traîne dans la chambre, à la manière d’un
homme des cavernes. »
A la lumière de ce matériel – et si les
auteurs de l’ISO étaient intéressés à
en voir plus, des dizaines et des dizaines d’articles identiques
peuvent être fournis – que représente celui du
Socialist Worker’s qui affirme qu’« Alors que
l’incident en soi a duré neuf minutes seulement aux dires
de Diallo, ce qui a suivi ont été des mois
d’attaques continues contre la victime de la part des
médias et de tous les services du ‘système
judiciaire’ et naturellement, « comme il fallait s’y
attendre, presque toute l’attention publique s’est
concentrée sur Nafissatou Diallo qui a pratiquement
été jugée pour son propre viol » ?
Franchement, c’est là de la fiction et une tentative de
tromper le lecteur.
Le dernier commentaire est tout particulièrement
absurde au vu du fait que bien avant que l’identité de la
victime présumée ait été rendue publique,
les médias du monde étaient remplis d’histoires
perverses sur les méfaits sexuels allégués du
passé de Strauss-Kahn et que D’Amelio et Tylim ne sont que
trop désireux de faire circuler une fois de plus. Si «
presque toute l’attention publique » s’est
concentrée sur Diallo, comment les auteurs ont-ils
été en mesure d’obtenir ce matériel qui
occupe 20 pour cent de leur article ?
Ils ne semblent pas se rendre compte de leur système
évident du deux poids deux mesures. Et ils sont donc capables
d’écrire, « Indépendamment du passé de
Diallo, son histoire subsiste… qu’elle a été
victime d’une agression sexuelle, » mais plus tard, «
On est tenté de croire, compte tenu de sa longue liste de chefs
d’accusation contre Strauss-Kahn, que l’accusation de
Diallo, associée à des preuves matérielles
solides, mériterait au moins un procès. » En
d’autres termes, le passé de Diallo et ses mensonges
répétés, exposés avec pas mal de
détail par le procureur (« Faux témoignage de viol,
» « Faux témoignage sous serment, » «
Nombreuses fausses déclarations complémentaires »),
n’a aucune incidence sur l’affaire, mais des rumeurs sans
fondement concernant Strauss-Kahn, et non des « accusations
», il n’a jamais été condamné pour un
crime, doivent faire en sorte qu’il passe en justice ! Et
pourquoi, pourrait-on demander, est-ce que (comme l’avancent
d’Amelio et Tylim) « le passé de Strauss-Kahn semble
plus pertinent que celui de Diallo ? »
Lorsque l’affaire s’est effondrée en
juillet, le ton des médias a changé, conformément
aux efforts pour sauver la face entrepris par le procureur du district
de Manhattan et l’establishment politique et médiatique.
Quoiqu’il en soit, en ce qui concerne la réputation et les
ambitions politiques de Strauss-Kahn, le mal avait déjà
été fait.
L’ISO ne manifeste pas le moindre intérêt
pour les questions des droits démocratiques. Cette formule
n’apparaît pas dans l’article ni d’ailleurs
« la présomption d’innocence, » « les
normes constitutionnelles » ou « le perp walk ».
Toute personne objective, en laissant de côté
l’identité de l’accusé, estimerait
qu’il s’agit là d’une affaire hautement
problématique. Pas le Socialist Worker.
Les auteurs ne manifestent pas non plus la moindre
inquiétude quant au fait que la principale conséquence
pratique des accusations portées contre Strauss-Kahn a
été, avant tout sous la pression du gouvernement Obama,
sa démission forcée de la direction du FMI et sa sortie
de la course à la présidence électorale
française en 2012, des résultats qui ne sont pas sans
importance.
N’y aurait-il pas là quelque chose dont il
faudrait tenir compte ? Strauss-Kahn est une figure politique
bourgeoise – après avoir surmonté une
période « gauchiste » dans sa jeunesse, il est
devenu un ardent et riche défenseur du système
capitaliste. Est-ce la fin de l’histoire ? N’existe-t-il
pas de divisions au sein de l’élite dirigeante ? Nous
savons que les Républicains et les Démocrates soutiennent
le système de profit, et pourtant leurs divergences sont
réelles et amères. Et davantage encore les conflits au
sein de l’élite dirigeante mondiale.
D’Amelio et Tylim remarquent que Strauss-Kahn
était « l’un des plus puissants hommes du monde,
» mais il ne semble pas leur venir à l’esprit
qu’il pourrait avoir des ennemis politiques tout aussi «
puissants », y compris à Wall Street et à
Washington, sans compter Paris. Leur attitude de confiance en de tels
milieux est surprenante. Pensent-ils vraiment que les procureurs au
Parquet du district n’ont pas discuté entre eux et
très probablement avec la haute hiérarchie du
gouvernement américain de qui il était question là?
Les auteurs se demandent, « Sommes-nous amenés
à croire que ceci a fait partie d’un complot
prémédité de Diallo pour se faire de
l’argent en s’en prenant à l’un des homme les
plus puissants du monde ? » Ils suggèrent qu’une
« exagération ne suffit pas à décrire
» ce scénario ou d’autres options de
scénarios possibles.
Il s’agit d’un article rédigé au
pays des merveilles politiques. Personne ne sait s’il y a eu
« un complot prémédité » quelconque ou
si, par exemple, l’incident a simplement offert aux adversaires
de Strauss-Kahn une occasion rêvée ; mais il n’en
reste pas moins qu’il a été contraint de quitter le
FMI, sans avoir reçu le moindre soutien du gouvernement Sarkozy,
pour être remplacé par une figure encore plus
droitière, Christine Lagarde qui a des liens historiques encore
plus étroits avec le grand patronat américain. Les
changements politiques au FMI pourraient toucher les vies de millions
de personnes. De plus, au moment de son arrestation il était en
tête dans les sondages en tant que candidat présidentiel
potentiel contre Sarkozy et la néo-fasciste Marine Le Pen.
Le Socialist Worker mentionne les allégations de
Tristane Banon, une écrivain française de 32 ans, qui
affirme que Strauss-Kahn avait tenté de la violer en 2003 et ce,
sans signaler que le magazine Newsweek avait même souligné
que la mère de Banon, Anne Mansouret, qui avait exhorté
sa fille de poursuivre l’affaire, « est une politicienne
ambitieuse en son nom propre et qui est souvent reconnue comme faisant
partie des rivaux de Strauss-Kahn au sein du Parti socialiste
français. »
A ce sujet, D’Amelio et Tylim ne manifestent aucun
malaise. A notre avis, c’est irresponsable à
l’extrême que d’assumer que la chute de l’une
des figures politiques les plus puissantes du monde n’a rien
à voir avec la politique. Franchement, les gens ordinaires de la
rue seraient plus soupçonneux et sceptiques sur toute cette
affaire que les auteurs de l’ISO ne prétendent
l’être.
Quant à l’intérêt de Diallo de tirer
parti de cette affaire, pourquoi cela serait-ce «
exagéré », compte tenu de ce que c’est
précisément ce qu’elle tente de faire actuellement,
après avoir intenté en août une action civile.
L’argument semble se résumer ainsi: Diallo est
noire et de sexe féminin, Strauss-Kahn est blanc et de sexe
masculin, et donc il faudrait la croire, malgré les
données contradictoires, et il devrait être jugé
et, avec un peu de chance, aller en prison.
Cette méthode stérile, qui satisfait
peut-être l’ISO et certains de ses partisans, ne permet pas
d’avoir une image exacte d’un monde complexe ou d’une
perspective politique sérieuse, et elle débouche sur un
terrain politique putride.
Il est indéniable que de nombreux viols ne sont pas
dénoncés ou punis et que les riches et les puissants
commettent impunément des crimes monstrueux sur cette
planète. Mais, ce n’est pas un argument pour condamner un
individu, même le plus riche et le plus puissant, pour des motifs
ténus ou non existants. Cela ne fait que renforcer
l’appareil répressif de l’Etat en portant un nouveau
coup à ce qui reste de droits démocratiques fondamentaux.
Même si les auteurs du Socialist Worker
n’étaient animés que par le désir de
réparer les torts passés commis aux opprimés (et
franchement, ils ne le sont pas), une telle attitude n’aurait
rien à voir avec des conceptions socialistes et une conscience
de classe.
La lutte pour le renversement de l’ordre existant ne
consiste pas à rechercher la vengeance, mais à placer la
société sur une base rationnelle, humaine et
démocratiquement organisée. Nous ne voyons pas même
les figures les plus criminelles et les plus prédatrices comme
des diables cornus mais nous les considérons comme les
représentants et le produit d’intérêts
sociaux définis. Notre but n’est pas avant tout de les
punir mais d’abolir les conditions sous lesquelles elles
dominent.
Il ne semble pas non plus venir à l’esprit de
D’Amelio et de Tylim que de telles provocations à
caractère sexuel puissent être organisées contre
ceux qu’ils voient positivement. Ont-ils jamais entendu parler
d’un individu appelé Julian Assange, un adversaire de la
politique impérialiste américaine, luttant actuellement
contre une tentative d’extradition vers la Suède où
des accusations d’agression sexuelle forgées de toutes
pièces l’attendent.
L’ISO aurait-elle pensé qu’il valait la
peine de défendre Alfred Dreyfus, un officier de
l’armée, dont l’affaire est devenue un tournant
politique dans l’histoire française contemporaine, et qui
fut qualifié par un commentateur de « riche, conservateur
et conventionnel » ?
Leur populisme facile et frauduleux a une longue histoire peu
recommandable aux Etats-Unis. Connaissent-ils le cas de Leo Frank, un
directeur d’usine juif, accusé à tort du viol et du
meurtre d’une jeune fille en 1915, et qui fut lynché par
la suite ? Des forces réactionnaires avaient
dénoncé les « relations avec les riches » de
Frank en l’accusant d’abuser horriblement «
d’une fille du peuple, » une « petite employée
d’usine qui tenait à son innocence, » etc.
Les gens qui promeuvent ce genre d’argument agissent
odieusement. Des références malveillantes à des
« avocats grassement payés » suggèrent
qu’il n’était pas permis que Strauss-Kahn se
défende contre les accusations qui menaçaient de le voir
emprisonné pendant des décennies. Avait-il même le
droit d’être défendu ? L’histoire de Diallo
est-elle au-delà de tout questionnement ?
Posons-nous la question: si de telles accusations
étaient formulées contre des membres influents de
l’ISO, est-ce que les membres ordinaires se rangeraient du
côté d’un accusateur du sexe ou de
l’ethnicité appropriés ? Il y a là une
invitation à une provocation. De telles personnes sont
incapables de défendre quoi que ce soit, elles sont
politiquement dangereuses.
Dans son papier pour le compte de Diallo, l’article de
l’ISO repose essentiellement sur un article de William Saletan
paru dans Slate le 23 août, que D’Alemio et Tylim
décrivent comme un « exposé » de «
l’affaire contre Diallo. » Ce n’est pas le cas.
Saletan qui avait précédemment accusé
l’avocat général de dépasser la mesure dans
son attaque contre Strauss-Kahn, argumente à présent en
disant que le texte du procureur, rendu public le 22 août et
réclamant l’abandon des charges, exagérait les
méfaits de Diallo.
D’Amelio et Tylim ne relatent pas la position
antérieure de Saletan qui contredisait la leur. Il avait
écrit en juillet que l’effondrement des accusations contre
Strauss-Kahn n’était pas « une défaite pour
les femmes ou le système de justice. C’est une victoire
pour le pouvoir de corroboration. » Quoi qu’il en soit,
Saletan soulève à présent un certain nombre de
questions concernant le texte du procureur, qui peuvent être
légitimes ou non, mais qui ne remettent pas en cause ces faits
essentiels : que Diallo a donné différentes versions des
événements survenus le 14 mai, qu’elle a menti sur
le viol collectif subi en Guinée, qu’elle possédait
des dizaines de milliers de dollars (qu’il s’agisse de
60.000 ou de 100.000 dollars ne change guère le fait essentiel)
alors qu’elle avait affirmé ne tirer des revenus que de
son emploi de femme de chambre à l’hôtel Sofitel
(elle disposait aussi de cinq téléphones portables) et
qu’elle a discuté, lors d’un appel
téléphonique avec son petit ami trafiquant de drogue et
incarcéré, de l’état de l’affaire et
de la richesse et de la notoriété de Strauss-Kahn.
Quoi qu’il en soit, Saletan, tout comme le Socialist
Worker, ne prend pas en compte le contexte social et juridique. Le
bureau du procureur a soutenu avoir un « dossier solide »,
il a engagé des poursuites en grande fanfare, soutenu à
fond par les médias américains et tacitement par le
gouvernement Obama (le secrétaire américain au
Trésor, Timothy Geithner a fortement suggéré que
Strauss-Kahn démissionne du FMI dans les quelques jours suivant
son arrestation à New York).
Pour quelle raison les procureurs abandonneraient-ils cette
affaire qui promettait de promouvoir leurs carrières, autre que
parce qu’ils ont constaté que la «
crédibilité » de leur victime
présumée « ne support[ait] pas
l’évaluation la plus élémentaire, » et
que « Dans pratiquement toutes les interviews importantes avec
les procureurs et en dépit de la recommandation de dire tout
simplement la vérité sur des questions de tous ordres
dont plusieurs se référant à ses
antécédents et certaines concernant les circonstances de
l’incident même » ? Ceci fut une marche
arrière et un échec humiliants pour le procureur Vance.
Leur problème a été que le travail qu’ils
ont accompli après l’inculpation aurait dû
l’être avant.
Le World Socialist Web Site s’est démarqué
contre l’hystérie des médias visant Strauss-Kahn,
non pas parce que nous partageons une quelconque sympathie pour ses
vues ou sa position, mais pour des raisons de principe. C’est
pour cela que nous sommes attaqués par l’ISO.
D’Amelio et Tylim écrivent que « ceux de la gauche
devraient s’opposer à l’idée qu’il soit
permis à l’un des plus puissants hommes du monde, avec une
équipe d’avocats haut de gamme et d’experts en
relations publiques, de recourir à son pouvoir pour
déformer ce que son accusatrice a dit.
« Malheureusement, certains gauchistes ne semblent pas
être d’accord. Le World Socialist Web Site, par exemple,
semble gober sans discernement la calomnie contre Diallo. Dans un
certain nombre d’articles sur Internet, le site a en fait
défendu l’ancien directeur du FMI contre
l’immigrée africaine employée d’hôtel,
se réjouissant de l’abandon de charges comme s’il
s’agissait d’une quelconque victoire pour les gens
ordinaires. »
La signification de la première phrase n’est
même pas claire, car ni Strauss-Kahn ni ses avocats n’ont
pu déformer les paroles de Diallo. Ils n’avaient pas
grand-chose à voir avec la découverte de ses mensonges et
l’effondrement de l’affaire. Nous n’avons pas «
gobé la calomnie » contre Diallo ; contrairement à
l’ISO, nous avons objectivement examiné les faits et le
contexte de l’affaire. Nous n’avons pas accepté,
comme ils l’ont fait, l’opération
antidémocratique de dénigrement et la chasse aux
sorcières. Nous n’avons pas oublié qu’il
s’agissait là d’une action appuyée par tout
le pouvoir de l’Etat américain.
Sa composition de classe et son orientation politique
empêchent l’ISO de regarder l’affaire
Diallo/Strauss-Kahn honnêtement. Même si ses membres et ses
partisans voulaient aborder l’affaire de manière critique,
ils seraient en porte-à-faux avec cette considération :
ne pas soutenir Diallo sans la moindre critique et de façon
aveugle entraverait leurs relations avec les féministes et les
autres praticiens de la politique protestataire petite bourgeoise,
ainsi qu’avec les éléments noirs petits bourgeois
dans le Parti démocrate et autour de lui et qui
s’étaient rassemblés en juillet avec enthousiasme
dans une importante église de Brooklyn en faveur de Diallo.
Quelle autre preuve faudrait-il, après l’affaire
Clinton-Lewinsky, après les récents limogeages
d’Eliot Spitzer et d’Anthony Weiner de postes politiques
influents, pour montrer que des scandales sexuels sont constamment
utilisés pour influencer la politique américaine et pour
la pousser davantage à droite ?
L’approche de l’ISO est profondément
subjective. Leur dépendance de la politique identitaire et de
l’orientation vers des cercles petits bourgeois instables les
rend susceptibles d’être manipulés par des forces
réactionnaires. L’élite dirigeante comprend
qu’il est possible de compter sur des publications telles
Socialist Worker et autres pour fournir une couverture de pseudo-gauche
à ses sales opérations. L’ISO peut être
ajusté à presque tout, et poussé dans presque
toutes les directions.
Les groupes d’intérêt de l’ISO
peuvent être content d’elle en raison de l’article
D’Amelio-Tylim, mais la vérité et la défense
des droits démocratiques en sont les victimes.