S'inclinant devantla menacedu gouvernement
conservateur fédérald'introduire une législationantigrève, le Syndicat canadien de lafonction publique (SCFP) a annoncé mardi
après-midiqu'il avait concluuneentente de principeavec AirCanada pour les6800agents
de bord, annonçant ainsi qu'il laissait tomber son avis de grève.
Lundi, laministre du Travail, Lisa Raitt, ajuré que si les agents de bord d'Air Canadatenaient leurpromesse dedébrayertôt
mercredi matin, les conservateurs les priveraient deleurs droitsde grève et denégociations collectives.Pour ajouterdu poids à cettemenace,le gouvernement a lancé plus tard cettemême
journéeles mesuresprocédurales
nécessaires pour faire passer la loi antigrève au
Parlement.
Aucun détailde l'entente deprincipen'a été publié.Toutefois,une chose est sûre, c'est que le syndicat a
abandonnéles revendications de sesmembresafin d'éviterune
grève qui, d'entrée de jeu, aurait signifié un affrontement avec le gouvernement
conservateur.
Raitt,pour sa part,a jubilé suite à
l'abandon de lamenace de grèvedu
SCFP, déclarantque cela
justifiait l'action préventive du gouvernement : « L'objectifde la législation que nous avions présentée hiera été réalisé etnous
sommesdonc trèsheureux que leservice aérienpourles Canadiens soit protégé ».
Au cours desdix dernières années, le SCFP et
les autres syndicatsreprésentant les travailleursd'Air Canada, la plus importante compagnie
aériennedu pays,ont négocié des
contratsde concessions à plusieurs reprises.En conséquence, les salaires réels des
travailleursont été réduitsde
l'ordre de10 pour cent etla
charge de travail de ces derniers aaugmenté de
façon significative.
Le mois dernier,le SCFPa conclu un accordde principe avec AirCanada, seulementafin qu'il soitmassivement rejetépar les travailleurs de la base. 87,8pour cent desagents de bordont votécontre l'ententeproposée et, lors d'unvote
ultérieur, 98 pour cent ont approuvéla grève.
Les agents de bord ont rejeté l'entente de
principe parce qu'elle ne répond pas à leurs attentes concernant les conditions
de travail qui se détériorent, particulièrement en ce qui concerne les longs
quarts de travail, et parce qu'elle donne à la compagnie aérienne le droit
d'établir une filiale bon marché ayant pour but de faire concurrence plus agressivement
dans le secteur des vols nolisés pour les vacances et les voyages. La compagnie
aérienne a dit qu'elle reconnaîtrait le SCFP comme étant le représentant aux
négociations pour les agents de bord dans la nouvelle filiale. En échange, le
SCFP a donné le feu vert à la compagnie aérienne pour qu'elle sabre les
salaires et les conditions de travail de ses membres qui travaillent pour Air
Canada.
L'entente de principe qui a été défaite
incluait des changements régressifs au plan de retraite, dont la création d'un
plan séparé d'embauche, inférieur, pour les nouveaux employés.
Dans les quatre derniers mois, le nouveau
gouvernement conservateur majoritaire du Canada a implanté trois fois des lois
visant à criminaliser des actions des travailleurs visant à défendre leurs
emplois.
En juin, les conservateurs ont forcé une fin
rapide à une grève des employés du service à la clientèle d'Air Canada en
jurant d'adopter une loi de retour au travail. Seulement quelques jours plus
tard, le gouvernement a mis en vigueur une loi qui a rendu illégale une grève
chez les 48 000 postiers de Postes Canada. La loi est rédigée de telle
sorte que l'arbitre assigné par le gouvernement afin de dicter le contrat, sous
lequel les postiers vont travailler pour les quatre prochaines années, est
contraint par la loi d'imposer les larges concessions demandées par
l'employeur. L'arbitre a imposé un règlement salarial inférieur à celui offert
par Postes Canada.
En cherchant à défendre l'entente de
principe rejetée du mois dernier, Jeff Taylor, le président de la section Air
Canada du SCFP, a dit que le syndicat n'a pas eu le choix d'accepter des termes
qui sont loin de répondre aux besoins des travailleurs parce que « le
gouvernement conservateur ne nous laissera pas aller en grève ».
La direction syndicale va maintenant tenter d'intimider ses
membres afin qu'ils acceptent le dernier accord traître en soulignant
l'intervention du gouvernement en faveur d'Air Canada. Elle va aussi chercher à
justifier son refus de mobiliser la classe ouvrière contre le gouvernement
conservateur en disant aux travailleurs d'appuyer la venue au pouvoir du
Nouveau Parti démocratique à la prochaine élection dans quatre ou cinq ans.
En fait, les politiciens sociaux-démocrates du NPD sont
aussi dévoués que les conservateurs et les libéraux pour défendre les exigences
du capitalisme - ce qui veut dire la subordination des salaires et des
conditions de travail à la concurrence des entreprises et aux profits des investisseurs.
Face à la menace des conservateurs de promulguer une loi
qui viendrait rendre illégal tout débrayage des agents de bord d'Air Canada, le
Nouveau Parti démocratique a refusé de dire s'il allait empêcher par des
manoeuvres parlementaires que cette loi soit votée rapidement. Quelques heures
avant que ne soit négocié l'accord de principe mardi, la direction du NPD
faisait clairement face à un dilemme, craignant que même un geste symbolique
d'opposition vienne miner ses efforts déterminés visant à convaincre l'élite
dirigeante du Canada qu'elle peut prendre la place des libéraux en tant parti
« de gauche » de gouvernance.
En juin, la nouvelle opposition officielle avait retardé
durant plusieurs jours la promulgation du projet de loi C-8, une loi radicale
attaquant les postiers. L'obstruction parlementaire du NPD visait à aider la
direction du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) à
apaiser la colère des travailleurs et à les faire retourner au travail. Mais la
position du NPD avait suscité de nombreux commentaires le critiquant vertement
dans les journaux de la grande entreprise.
L'intervention agressive des conservateurs contre les
travailleurs d'Air Canada, et précédemment contre les postiers, est lourde de
sens. Dans des conditions où l'élite dirigeante impose de sévères coupes dans
les services publics au nom de la lutte aux déficits, et où les employeurs, qui
soulignent la constante augmentation de la concurrence étrangère, éliminent les
pensions garanties et d'autres droits fondamentaux, le gouvernement Harper a démontré
qu'il va user de la pleine force de l'État pour rendre illégale et réprimer la
résistance des travailleurs.