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France: Hollande, candidat du Parti socialiste, fait l'éloge de Mélenchon, le candidat du Front de Gauche

Par Kumaran Ira
16 avril 2012

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Le candidat du Parti socialiste François Hollande a accordé de longues interviews vendredi à divers journaux, dans lesquelles il fait l'éloge du candidat du Front de Gauche Jean-Luc Mélenchon qu'il cherche à utiliser comme couverture pour sa propre politique pro-guerre et pro-austérité.

Hollande a dit dans Libération: « Jean-Luc Mélenchon n’est pas mon adversaire, ni même mon
concurrent. »

Interrogé pour savoir si cela l'aiderait que Mélenchon fasse un score élevé, Hollande a refusé de répondre. «Ce qui compte, c’est un bon score de François Hollande au premier tour, » a-t-il dit, ajoutant, « Moi, je suis dans une campagne présidentielle pour la gagner. »  

Les sondages indiquent que les intentions de vote pour Mélenchon atteignent 17 pour cent, ce qui le place en troisième position après Hollande et le président sortant Nicolas Sarkozy. Cette augmentation reflète le soutien aux propositions qu'il avance, telle l'augmentation du salaire minimum à 1 700 euros ( 2 223 dollars) et une taxe sur les richesses.

Mais ces propositions sont cyniques étant donné que Mélenchon, partisan de la politique droitière du défunt président François Mitterrand et du gouvernement de gauche plurielle du premier ministre Lionel Jospin, n'a aucune intention de les appliquer. (Voir Quelle est la politique du candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon ? )

Ces signes de Hollande à l'intention de Mélenchon soulignent le fait qu'il compte sur Mélenchon pour lui fournir une façade de gauche pour sa propre campagne, malgré son programme droitier. C'est un réquisitoire à l'encontre de la politique de l'ensemble de la « gauche » bourgeoise, y compris du Front de Gauche, et de sa promotion de Hollande comme alternative à Sarkozy.

Hollande compte sur le Front de Gauche, principalement constitué du Parti communiste stalinien et du Parti de Gauche de Mélenchon, et qui est mis en avant par le Nouveau Parti anticapitaliste, pour semer des illusions réformistes. Pendant ce temps, Hollande se présente comme l'unique candidat de « gauche » ayant une chance de l'emporter.

Ce n'est que la toute dernière manoeuvre de mauvaise foi de Hollande pour stimuler des illusions sur sa campagne dans la classe ouvrière. En février dernier, il avait fait une promesse creuse de taxer à 75 pour cent les revenus annuels dépassant un million d'euros. Un peu plus tôt le même jour, il avait promis de poursuivre la participation de la France à l'OTAN, d'accroître les attaques contre les immigrants et de maintenir le nombre d'années de cotisations imposées par Sarkozy pour obtenir une retraite à taux plein.

Tout en lançant des signes à Mélenchon, Hollande donne des assurances ambiguës mais indubitables aux investisseurs qu'il va poursuivre les mesures d'austérité et supprimer des emplois pour restaurer la compétitivité internationale de la France. Il s'est vanté lors d'un récent meeting à Rennes: «On nous dit : 'Attention, la Gauche revient, elle va vider les caisses.' C’est fait ! ' Attention, la Gauche, si elle revient, va augmenter la dette.' C’est fait ! ' La Gauche va dégrader la compétitivité.' C’est fait ! Eh bien nous, nous ferons tout l’inverse. »

Hollande a clairement fait comprendre qu'il réduirait drastiquement les dépenses publiques afin de revenir à zéro déficit d'ici 2017, tout en prétendant de façon absurde que de telles mesures d'austérité seraient compatibles avec la poursuite de la croissance économique.

Il a aussi indiqué qu'il poursuivrait les interventions militaires françaises là où les intérêts impérialistes français étaient en jeu. Après avoir promis de maintenir la France dans la structure de commandement de l'OTAN et avoir soutenu l'intervention militaire de l'OTAN en Libye, il a promis de continuer à faire pression sur la Syrie.

Il a dit que « La Syrie sera un sujet extrêmement préoccupant, je ferai tout (et je n’ai pas de critique à faire sur la diplomatie française) pour que le Conseil de sécurité puisse enfin décider un niveau de sanction et d’intervention permettant d’en terminer avec les massacres. »

Si Hollande est élu, sa politique sera déterminée non pas par ses promesses de campagne mais par les exigences des marchés financiers d'accroître les coupes sociales et les attaques contre la classe ouvrière. Il a déjà laissé entendre de façon voilée qu'il abandonnera son programme s'il est soumis à la pression des marchés.

Dans une autre interview vendredi, le quotidien économique Les Echos a fait remarquer à Hollande: «vous souhaitez une initiative de croissance. Mais les marchés n’attendront peut-être pas » Le candidat du PS a répondu que sa «responsabilité de candidat, c’est d’envoyer un message de cohérence dans les choix et de confiance dans les engagements.» Néanmoins, comme Hollande a promis de réduire les déficits budgétaires, l'unique mesure « cohérente » consiste à appliquer des coupes sociales plus importantes.

Le Guardian a fait remarquer, « Avec la nervosité des marchés concernant l'Espagne et l'Italie, les économistes ont prévenu que la France pourrait être le prochain pays dans une situation économique désespérée qui ébranlerait l'euro. »La France a le niveau de dépense publique le plus élevé d'Europe, à plus de 55 pour cent du produit intérieur brut. La presse économique dit que la France n'est pas allée assez loin dans les coupes sociales pour réduire la dette publique, tandis que le patronat critique le niveau des salaires qui mine la compétitivité française notamment par rapport à l'Allemagne.

Les marchés financiers sont conscients de la résistance de la classe ouvrière aux coupes sociales, malgré la trahison par la bureaucratie syndicale des grèves contre les coupes sociales. Le Financial Times a cité un banquier français en vue: « Il aurait fallu faire davantage, mais quand on entreprend ces réformes en France, il faut surmonter une très forte résistance. »

Le 11 avril, le Financial Times a publié un article intitulé « Election française: L'hitoire de deux présidences, » qui montrait l'échec du président sortant droitier, Nicolas Sarkozy, à appliquer des coupes sociales d'envergure depuis son élection en 2007. Selon le Financial Times, « M. Sarkozy n'a pas proposé une refonte radicale du modèle social de la France. »

Malgré les coupes impopulaires dans les retraites en 2010, que les syndicats ont négociées avec Sarkozy après avoir trahi les protestations massives de la classe ouvrière, le Financial Times a regretté que sous Sarkozy, « Des réformes fondamentales, telle la suppression des 35 heures et l'ouverture des professions très réglementées ( closed shops) tels les conducteurs de taxi, n'aient jamais été mises en place, ce qui a provoqué la frustration de beaucoup de gens qui attendaient davantage. » Le journal cite Vincent Beaufils, rédacteur en chef du magazine économique Challenges critiquant « L'incapacité de Sarkozy à faire entrer la France dans une autre ère. »

Le Guardian écrit que la France « Deuxième plus importante économie de la zone euro, avec un modèle social généreux et un des plus hauts niveaux de dépense publique d'Europe occidentale s'est entendu dire par son audit national qu'elle est sous la menace d'une intenable spirale de la dette. » Le journal poursuit: « Le chômage est à son plus haut de ces douze dernières années à presque 10 pour cent, la croissance stagne, la note en triple A a été baissée et le pays est tellement endetté que le remboursement des intérêts est la deuxième dépense la plus importante de l'Etat après l'éducation. »

(Article original publié le 14 avril 2012)