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Reportage de la réunion électorale du Nouveau Parti anticapitaliste à Paris

Par Alex Lantier et Johannes Stern à Paris
23 avril 2012

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Jeudi 12 avril, des reporters du World Socialist Web Site ont assisté à une réunion électorale du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), à Paris où se trouvaient le candidat à l'élection présidentielle Philippe Poutou et l’ancien porte-parole du NPA et ex-candidat à la présidentielle, Olivier Besancenot.

La réunion était tout à fait à l'image du NPA et de son milieu issu de la classe moyenne— bureaucratie syndicale, cercles universitaires, maisons d’édition. Quelques centaines de membres du NPA et un plus petit nombre de visiteurs étaient rassemblés à un bout du gymnase de Halle Carpentier à Paris. La réunion, qui a commencé avec 30 minutes de retard, donnait l'impression d'être un réunion entre amis. De jeunes étudiants se pressaient autour d’une table couverte de T-shirts à vendre, tandis que des gens plus âgés et bien habillés étaient agglomérés en groupes de 3 ou 4 pour discuter.

Pendant toute la réunion le ton manquait de sérieux. Pendant les interventions d’ouverture par la dirigeante des étudiants du NPA, Mina Khalil et le responsable du syndicat des postes, Gaël Quirante, Poutou et Besancenot ont échangé des plaisanteries et fait des signes de la main.

La porte-parole du NPA, Christine Poupin, a exigé dans son intervention une « planification publique écologique et démocratique. » Elle a commencé en déclarant que les électeurs devraient choisir Poutou parce que sa plate-forme électorale préconise l’ « expropriation des banques et un service publique de l’énergie. » Appelant à mettre fin à la dépendance de la France de l’énergie nucléaire, elle a dénoncé le contraste entre « la rapidité de la réponse pour sauver les banques et l’immobilisme scandaleux face aux exigences écologiques ».

Ses commentaires ont donné le ton à la réunion. Il n’y aurait pas de discussion sur le socialisme—le mot n’a pas été prononcé une seule fois—ni sur le contraste entre le renflouement des banques de la bourgeoisie à coup de milliers de milliards de dollars et les coupes sociales de milliers de milliards de dollars contre la classe ouvrière. Il n'y a eu qu'un faible « éco-socialisme », acceptable aux yeux de n’importe quel cadre moyen d’Electricité de France concerné par le recyclage.

Besancenot a fait un bref discours, portant sur la traîtrise prétendument inévitable des politiciens professionnels. Il a dit : « porte-parole, ça tourne. Ça peut déstabiliser, mais on est fier. On a ras-le-bol des politiciens professionnels, on se dit qu’ils vont trahir bientôt ».

De telles dénonciations de l'ensemble des politiciens, quelle que soit leur affiliation politique et leur perspective, sont profondément réactionnaires. Elles sont la marque de fabrique de tous les anarchistes petit-bourgeois hostiles à la lutte du mouvement marxiste international pour développer des partis révolutionnaires de masse dans la classe ouvrière. Elles sont particulièrement malhonnêtes et absurdes venant de Besancenot. Quelles que soient ses prétentions d’être un postier à temps partiel et un syndicaliste, il est lui-même un politicien professionnel, avec des contrats lucratifs de livres et des liens dans toute l’élite politique française.

Comme pour la plupart des discours prononcés lors de cette réunion du NPA, il faut déduire la signification des remarques de Besancenot des nombreuses suppositions non déclarées que les interlocuteurs ne veulent pas rendre explicites. Le discours de Besancenot était une défense de sa décision de ne pas se présenter en 2012 et de la décision du NPA de présenter plutôt Poutou, un candidat moins connu. Poutou a reçu significativement moins de couverture à la télévision, les médias préférant porter leur attention sur le Front de gauche, dominé par les staliniens, et son candidat, l’ancien ministre du PS, Jean-Luc Mélenchon.

Poutou, responsable syndical de la Confédération générale du travail (CGT) dans une usine Ford près de Bordeaux, se présente invariablement comme un travailleur peu préparé et profane, qui n’est pas à sa place dans le milieu des campagnes présidentielles et de la politique professionnelle. Il a commencé son discours en proclamant que, en tant que « salarié d’en bas », il était « un peu intimidé » à l’idée de prendre la parole à la réunion.

Poutou qui se présente comme étant un humble travailleur de l’automobile est autant une fraude que Besancenot qui se présente comme un postier à temps partiel. Capable de faire pendant 30 minutes un résumé des différentes statistiques et des points de discussion du NPA, Poutou est clairement un opérateur politique expérimenté. Il assume simplement son identité, concocté avec le NPA, d’un travailleur paumé. Cette fausse posture reflète le mépris paternaliste de la direction du NPA envers la classe ouvrière, mais ne reflète rien de vrai sur Poutou le responsable syndical.

L’apparence délibérément démoralisée de la candidature de Poutou a aidé les médias à porter leur attention vers Mélenchon, qui est le mécanisme visant à faire que la « gauche » petite-bourgeoise se range derrière le candidat du Parti socialiste (PS), François Hollande, et son programme de coupes sociales (Voir : France: Hollande, candidat du Parti socialiste, fait l'éloge de Mélenchon, le candidat du Front de Gauche)

Contre les coupes qu’il reconnaît que le prochain président va tenter d’imposer, Poutou a appelé le NPA à préparer « une contre-attaque unifiée de la « gauche de la gauche »—le Front de gauche, Lutte ouvrière, la gauche des syndicats et les organisations non-gouvernementales. » Poutou a aussi indiqué que le NPA va soutenir Hollande contre le président gaulliste, Nicolas Sarkozy, au deuxième tour de l’élection le 6 mai, déclarant que la chose la plus importante est de « dégager Sarkozy et sa bande. »

Vendredi, Besancenot a dit qu’il désirait rencontrer Hollande—même si le NPA reconnaît qu’Hollande se prépare à imposer des mesures d’austérité—le 7 mai, au lendemain de l’élection.

Poutou a malhonnêtement prétendu s'opposer aux guerres impérialistes de la France au Moyen-Orient et en Afrique. Il a prétendu soutenir l’ « anti-impérialisme », dénonçant la République française pour « deux siècles de pillage des peuples, de pillage de pays pauvres. »

Poutou a pu prétendre que le NPA a de telles positions uniquement en évitant, à la manière bien caractéristique du NPA, tout examen du passé du parti. C’est un passé de soutien à la guerre impérialiste à l’étranger et d’hostilité à toute lutte de la classe ouvrière en France qui menace d’échapper à la camisole de force de la bureaucratie syndicale.

L’attitude du NPA envers les luttes des travailleurs a été peut-être le plus clairement démontrée lors du dernier mouvement de grève majeur en France, la grève des raffineries de pétrole de 2010 contre les coupes dans les retraites par Sarkozy. Tandis que la CGT, influencée par le Parti communiste, appuyait tacitement les actions de briseurs de grève de la police, en refusant d’organiser des grèves de solidarité, le NPA faisait cyniquement écho aux appels de la CGT pour des protestations « symboliques ».

Pour ce qui est d'être un parti anti-impérialiste, le NPA a soutenu la guerre de l’impérialisme français et américain en Libye et soutient leur intervention actuelle en Syrie, fondée sur le mensonge que les groupes armés « rebelles », financés par l’Occident, sont des révolutionnaires qui mènent des luttes indépendantes pour la démocratie.

Après la réunion, les reporters du WSWS se sont brièvement entretenus à ce sujet avec Alain Krivine, dirigeant de longue date de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), qui a fondé le NPA en 2009.

Lorsqu’on l’a questionné sur le soutien du NPA pour l’armement des forces « rebelles » appuyées par l’Occident en Syrie et en Libye, Krivine a dit : « Nous sommes contre toute intervention par l’Etat. Une intervention est une agression. Par contre, je suis pour que la population achète des armes. »

La prétention de Krivine de s’opposer à une intervention étatique en Syrie, tout en appuyant l’armement par les Etats impérialistes de leurs agents « rebelles » à l'intérieur de la Syrie, est une distinction qui n'a pas de sens et seulement destinée à dissimuler son soutien à la guerre.

Les reporters du WSWS ont fait remarquer que l’approvisionnement en armes des forces syriennes « rebelles », que Krivine soutient, constitue, en fait, une intervention étatique en Syrie, à moins que les armées ne soient approvisionnées par des organisations inconnues sans lien avec des pays étrangers. Krivine a répondu : « Bien sûr ça n’existe pas ; ce qui existe c'est le trafic d’armes ».

(Article original publié le 14 avril 2012)