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Québec : Le gouvernement et l'élite intensifient leurs efforts pour mettre fin à la grève étudiante

Par Éric Marquis
16 avril 2012

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L'élite dirigeante québécoise intensifie ses efforts pour mettre un terme à la grève étudiante qui dure depuis deux mois à la grandeur de la province. Elle voit cette grève comme une opposition inacceptable à son programme de démantèlement des services publics et de destruction des droits sociaux.

Au plus fort de la grève à la fin du mois de mars, 250.000 étudiants des universités et des cégeps boycottaient leurs cours pour s'opposer à la hausse de 75 pour cent, durant les cinq prochaines années, des droits de scolarité universitaires par le gouvernement libéral du Québec. Actuellement, 180.000 étudiants sont toujours en grève. Huit des neuf cégeps francophones de Montréal demeurent en grève. Dans de nombreuses institutions, les étudiants ont voté pour le maintien de la grève jusqu'à ce que le gouvernement annule la hausse des frais de scolarité et déclare leur gel.

La ministre de l'Éducation Line Beauchamp a ordonné aux universités et aux cégeps de la province de « mettre tout en oeuvre » pour donner leurs cours, ajoutant que ces institutions avaient l'obligation légale de donner ces cours. Lors d'une conférence de presse mercredi, Beauchamp a déclaré : « Ma responsabilité est de rappeler aux directeurs d'établissements des universités et des cégeps que toutes les mesures doivent être prises pour que les cours puissent se donner. »

Jeudi, un piquet de grève de plus de 500 étudiants a réussi à empêcher le Collège de Valleyfield, au sud-ouest de Montréal, de reprendre les cours. Un petit nombre d'étudiants opposés à la grève s'étaient réunis à l'extérieur du collège jeudi matin, répondant à l'appel de l'administration qui exigeait le retour en classe en bravant la volonté exprimée de la majorité. Mais en raison du grand nombre de personnes pro-grève sur place, les policiers n'ont pas osé intervenir. L'administration du collège a néanmoins affirmé qu'elle allait maintenir ses efforts pour mettre un terme à la grève et qu'elle allait tenter de reprendre les cours chaque jour jusqu'à ce qu'elle réussisse.

Vendredi, l'Université de Montréal (UdeM) a demandé à la Cour supérieure du Québec de rendre une injonction pour interdire toute manifestation étudiante sur tout son campus. Cette mesure viendrait s'ajouter à une autre injonction de la cour rendue plus tôt cette semaine qui prévoit des sanctions sévères pour les étudiants qui bloqueraient l'accès au campus ou aux salles de cours de l'UdeM, ou qui perturberaient la tenue d'activités universitaires.

La semaine dernière, l'autre importante université francophone de Montréal, l'Université du Québec à Montréal (UQAM), a obtenu une injonction de la cour qui interdit de gêner l'accès aux pavillons ou aux locaux de l'UQAM, au risque de se voir imposer une amende de 50.000 $ et une peine de prison pouvant aller jusqu'à un an.

Les tribunaux ont aussi prononcé des injonctions pour forcer la reprise des cours au département d'anthropologie de l'Université Laval à Québec et au Collège d'Alma. La décision du juge Jean Lemelin, de la Cour supérieure du Québec, était particulièrement préoccupante, car elle cherchait à réécrire la loi en suggérant qu'un boycott de cours par les étudiants était illégal, et elle indiquait du même coup combien le droit de grève des travailleurs est limité sous la loi québécoise et canadienne. Lemelin a déclaré : « La légalité de cette grève, a-t-il écrit, apparaît douteuse en regard du régime et des lois du travail en vigueur au Québec, qui consacre le droit à la grève à certaines personnes et à certaines conditions très strictes. »

Les nombreuses injonctions – et d'autres sont certainement à venir – sont appliquées par la police, qui a été agressivement déployée contre les étudiants, surtout à Montréal, au cours des deux derniers mois. À maintes reprises, les policiers ont attaqué des manifestants au poivre de Cayenne et à la matraque, se sont servi de présumés actes de vandalisme isolés pour qualifier des manifestations d'attroupements illégaux et ont procédé à des arrestations de masse arbitraire.

Tandis que les tribunaux et les policiers tentent de criminaliser la grève étudiante, le gouvernement et les administrations des cégeps et des universités menacent d'annuler la session si les classes ne reprennent pas la semaine prochaine.

L'élite patronale du Québec et du Canada appuie de manière forte les efforts des autorités pour mettre un terme à la grève, tout comme elle a accueilli la hausse des frais de scolarité et le refus du gouvernement Charest de même daigner rencontrer les étudiants en grève pour discuter de leurs demandes.

Le gouvernement ne « doit ni céder ni faire de compromis » avec les étudiants, a déclaré le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, lors d'une entrevue avec le magazine hebdomadaire Les Affaires. « C’est souvent le problème que nous avons au Québec : les élus reculent trop souvent lorsqu’un groupe de pression manifeste fort. »

Dans un éditorial publié hier, André Pratte, le rédacteur en chef de La Presse, le quotidien le plus influent au Québec, a minimisé l'ampleur des mesures répressives employées pour briser la grève. « Les leaders étudiants et journalistes parlent "d'un retour en classe forcé", écrit Pratte. Forcé? La police a-t-elle poussé les étudiants dans les classes? »

Grand apôtre des coupes dans les dépenses sociales, de la marchandisation et de la privatisation, Pratte a ensuite mis l'accent sur le besoin d'une défaite décisive de la grève des étudiants afin de paver la voie à d'autres « réformes » de la grande entreprise. « Si le gouvernement Charest, a déclaré Pratte, devait suivre les conseils de la gauche et des pâtes molles qui, tout en étant d'accord avec la hausse des droits de scolarité, tremblent à la vue de la "crise", il n'y aurait plus moyen d'apporter quelque réforme que ce soit au Québec. »

Le Globe and Mail, le supposé journal de référence du Canada et la voix traditionnelle de l'establishment financier de Bay Street, a aussi publié un éditorial et un commentaire attaquant les étudiants.

La classe dirigeante voit que la grève est une opposition implicite aux mesures d'austérité mises en oeuvre par tous les paliers de gouvernement et par tous les partis officiels à travers le Canada. De plus, c'est un affront insupportable pour elle que de voir les étudiants exiger une éducation de qualité en tant que droit social, au moment où, en réaction à la crise économique mondiale, elle annonce que tous les droits gagnés par les grandes luttes sociales de la classe ouvrière au siècle dernier – que ce soit le système de santé publique ou des retraites décentes – doivent être saccagés.

La grève étudiante est à un carrefour. Si elle demeure limitée à une protestation à revendication unique visant à faire pression sur l'establishment, elle serait défaite. Et ce, même malgré la ténacité des étudiants et le vaste appui populaire qu'ils ont pu recueillir.

Les étudiants doivent rendre explicite leur opposition implicite à la stratégie de classe de la grande entreprise et de tous ses représentants politiques en se tournant vers la classe ouvrière et en luttant pour une contre-offensive de cette dernière contre tout le programme de réaction sociale défendu par l'élite dirigeante. Un tournant vers la classe ouvrière exige avant tout une lutte pour briser l'influence politique de la bureaucratie syndicale. Depuis des décennies, celle-ci étouffe la résistance des travailleurs, isole les luttes des travailleurs du Québec de celles des travailleurs du reste du Canada et du reste du monde, et cherche à les attacher au parti de la grande entreprise qu'est le Parti Québécois (PQ).

Cette perspective socialiste est rejetée par les fédérations étudiantes qui mènent la grève, y compris par celle qui a déclenché le mouvement de grève, la CLASSE (la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante). Bien que les dirigeants de la CLASSE critiquent la FECQ (Fédération étudiante collégiale du Québec) et la FEUQ (Fédération étudiante universitaire du Québec) pour leurs liens étroits avec le PQ, leur orientation est fondamentalement la même : faire pression sur le gouvernement libéral de Jean Charest pour le forcer à négocier.

Orientés vers l'establishment politique et acceptant la permanence de l'ordre social existant, les dirigeants de la CLASSE s'oppose vigoureusement à un tournant vers la classe ouvrière et séparent volontairement l'opposition étudiante à la hausse des frais de scolarité d'une opposition plus large aux programmes d'austérité des libéraux au Québec et des conservateurs au niveau fédéral. Dans la mesure où ils parlent d'élargir la lutte des étudiants, c'est pour rejoindre les syndicats et n'importe quels groupes de protestation de la classe moyenne.

L'Internationale étudiante pour l'égalité sociale (IEES) organise une réunion d'urgence à Montréal ce dimanche pour discuter de ce qui est en jeu dans la grève étudiante au Québec et du rôle que celle-ci peut jouer comme déclencheur d'un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière, au Québec et à travers le Canada. Cette réunion aura lieu ce dimanche 15 avril, à 13 h 30, à la salle 202 du Centre St-Pierre, 1212 rue Panet.

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