Cela
fait maintenant plus d'un mois que les travailleurs de l'aluminerie Rio Tinto
Alcan (RTA) d'Alma sont en lock-out après avoir rejeté massivement les offres
patronales en décembre dernier, qui auraient donné à RTA plus de liberté dans
la mise à pied de ses employés et carte blanche pour un recours accru à la
sous-traitance.
Dès
le début du conflit, la compagnie s'est fait accorder une injonction de la cour
interdisant aux travailleurs en lock-out de bloquer l'accès à l'usine. Dans une
tentative d'intimider les travailleurs, elle a récemment envoyé une mise en
demeure aux syndiqués en soutenant que ses installations ferroviaires auraient fait
l'objet d'actes de vandalisme.
RTA
maintient que la production, réduite des deux-tiers depuis le début du conflit,
est assurée par quelque 224 cadres en remplacement de 780 syndiqués. Ce ratio
d'un cadre pour trois travailleurs est le signe clair d'un lock-out longuement
planifié. Une enquête du ministère du Travail a aussi révélé que la compagnie a
fait l'embauche d'un briseur de grève depuis le lock-out, en violation du Code
du travail. Le syndicat maintient, quant à lui,
qu'il y a d'autres cas de briseurs de grève à l'intérieur de l'usine d'Alma.
Il
existe, au même moment, un fort soutien populaire pour les ouvriers de la
fonderie, tel qu'en attestent les appuis non seulement d'autres syndicats de la
région, mais aussi des travailleurs non-syndiqués de l'usine Rio Tinto de
Grande Baie et des étudiants du Cégep de Saint-Félicien.
Les
concessions exigées par l'aluminerie ne sont que le début de plus importantes
coupes dans les salaires et conditions de travail dans les années à venir.
Comme RTA est un des principaux employeurs dans la région, de telles mesures
auront un impact majeur sur la communauté, ainsi que sur l'ensemble des
travailleurs de la région.
Le
conflit à Alma fait partie d'un assaut lancé par le premier producteur mondial
d'aluminium sur les salaires et conditions de travail de ses employés à travers
le monde. En 2010, Rio Tinto Borax avait mis en lock-out ses 570 miniers de
Boron en Californie pendant trois mois et demi. Le contrat négocié entre les
patrons et le syndicat contenait d'importantes concessions pour les
travailleurs au niveau des salaires, des pensions et des conditions de travail.
Comme
dans le conflit à Boron, la compagnie justifie ses demandes de concessions en
raison de la grande compétitivité du marché mondial de l'aluminium et ce en
dépit du fait qu'elle a empoché 16 milliards de dollars de profits en 2008, 14
milliards en 2010 et 7,5 milliards durant la première moitié de 2011 seulement.
Rio
Tinto est reconnue pour ses attaques brutales sur les travailleurs. La compagnie
a soutenu le dictateur Franco dans la guerre civile espagnole à la fin des
années 30, et endossé d'autres régimes dictatoriaux, y compris ceux de Suharto
en Indonésie et de Pinochet au Chili dans les années 60 et 70.
L'assaut
frontal que mène RTA fait partie d'une série de récents conflits à travers le
Canada où, dans le contexte de la crise économique mondiale, l'élite patronale
cherche à maintenir ses profits en réduisant drastiquement les droits et acquis
de la classe ouvrière.
Les
470 travailleurs de l'usine Electro-Motive Diesel (une filiale de Caterpillar)
à London, en Ontario, ont été mis en lock-out pendant plus d'un mois après
avoir rejeté un contrat comprenant des baisses de salaire de 55 pour cent et
l'élimination des pensions de retraite. Caterpillar a ensuite annoncé la
fermeture de l'usine.
L'an
dernier, le gouvernement fédéral conservateur de Stephen Harper est intervenu
directement dans deux conflits majeurs pour imposer des coupes dans les
salaires, les retraites et les conditions de travail chez Postes Canada, la
plus grande société d'État, et chez Air Canada, le plus important transporteur
aérien au pays.
Malgré
la détermination des travailleurs d'Alma, ils restent isolés et désarmés
politiquement par le syndicat des métallos. Loin de mobiliser les travailleurs
de la région et de la province contre l'assaut patronal, le syndicat fait
parader devant ses membres des représentants du NPD (Nouveau parti
démocratique) et du PQ (Parti québécois), deux partis de l'establishment qui
ont mené à la tête de gouvernements provinciaux les pires attaques contre la
classe ouvrière.
La
direction syndicale est particulièrement proche du PQ et a invité deux de ses
députés, Sylvain Gaudreault et Alexandre Cloutier, à s'adresser aux
travailleurs en lock-out. Les députés péquistes ont feint l'outrage devant
l'entente secrète qui aurait été conclue entre le gouvernement Charest et Rio
Tinto lors de son acquisition d'Alcan en 2007. Le fait est que tous les
gouvernements québécois, y compris ceux dirigés par le PQ, se sont montrés
généreux envers les alumineries en leur accordant un tarif préférentiel sur le
prix de l'électricité.
Québec
Solidaire (QS) est aussi intervenu dans ce conflit de travail aux côtés de la
bureaucratie syndicale pour semer l'illusion que les travailleurs peuvent
amener le gouvernement anti-ouvrier de Jean Charest à défendre leurs intérêts.
Prenant la parole devant les travailleurs en lock-out à Alma, Amir Khadir,
co-dirigeant de QS et député à l'Assemblée nationale, a appelé le gouvernement
Charest à cesser de soutenir l'aluminerie en rachetant ses surplus
d'électricité et à racheter l'usine si la compagnie continuait ses
« pratiques abusives » à l'endroit des travailleurs.
Khadir
a cité en exemple la participation financière du gouvernement péquiste au
rachat de Vidéotron par le géant des médias Quebecor en février 2000. Mais il a
passé sous silence le fait que Quebecor n'a pas tardé à décréter un lockout en
2002 pour imposer le transfert
de 664 techniciens à un sous-traitant offrant des conditions de travail
nettement inférieures. La perspective nationaliste mise de l'avant par Québec
Solidaire vise en fait à bloquer toute lutte politique indépendante des
travailleurs.
Le
conflit à Alma fait partie d'un assaut de l'élite capitaliste sur l'ensemble
des gains sociaux, comme les pensions et l'accès à l'éducation et aux soins de
santé. Les travailleurs de RTA doivent saisir la direction de leur lutte pour
empêcher le syndicat de les mener dans une impasse. Ils doivent construire des
comités de travailleurs indépendants des syndicats et mener une offensive
industrielle et politique de toute la classe ouvrière pour la défense des
emplois, des salaires et des services publics.