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Canada : Ce que signifie réellement la « journée d'action » des syndicats pour les travailleurs d'Electro-Motive

Par Keith Jones
25 janvier 2012

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Des milliers de travailleurs, leur famille et des jeunes vont manifester aujourd'hui pour donner leur soutien aux 475 travailleurs en lock-out de l'usine Electro-Motive de London en Ontario. Electro-Motive, un fabricant de locomotives qui est la propriété de Caterpillar, exige des baisses de salaire de plus de 50 pour cent, la destruction du régime de retraite et d'autres vastes concessions.

La lutte des travailleurs d'Electro-Motive gagne en appui à travers la province et même au-delà, car les travailleurs se rendent compte que Caterpillar est le fer-de-lance d'une offensive de la classe dirigeante qui a pour objectif la destruction de tous les gains que les travailleurs ont arrachés à la grande entreprise et à ses représentants politiques (des salaires et des régimes de retraite décents, un système de santé public et d'autres services publics) à travers les grandes luttes sociales du siècle dernier.

Mais les travailleurs doivent prendre garde.

Il y a presque exactement un an, des milliers de travailleurs et de jeunes se ressemblaient dans le froid de Hamilton en Ontario pour une journée d'action semblable, organisée par le Congrès du travail du Canada (CTC) et la Fédération du travail de l'Ontario (FTO), afin de manifester contre les attaques sauvages de US Steel sur les régimes de retraite des travailleurs à ses installations dans la région de Hamilton (anciennement la propriété de Stelco). Au rassemblement du 29 janvier 2011, des dirigeants du syndicat des Métallos (USW), de la FTO, du CTC et du Nouveau Parti démocratique (NPD) ont occupé le podium pour dénoncer la société et le gouvernement conservateur fédéral de Harper et ont juré de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour s'assurer que les travailleurs en lock-out résistent « un jour de plus » que l'employeur.

Mais ces promesses n'étaient que du vent. Les syndicats ont refusé d'organiser le moindre débrayage en soutien des travailleurs en lock-out de US Steel et ont systématiquement isolé leur lutte de celles des travailleurs de Postes Canada et d'Air Canada ainsi que celles d'autres travailleurs faisant face au même genre de demandes de concession. De plus, les Métallos ont dit à leurs membres des usines américaines de US Steel de continuer à travailler, empêchant ainsi toute lutte conjointe contre le géant de l'acier et faisant en sorte que l'entreprise puisse remplir ses commandes.

Abandonnés de la sorte, les travailleurs de Hamilton ont voté à contrecoeur en octobre dernier, soit après presque un an sur les piquets de grève, pour accepter un contrat négocié et approuvé par le syndicat des Métallos qui accédait presque à toutes les demandes de US Steel.

Pour les syndicats et les dirigeants du NPD, la pratique de la « journée d’action » vieille de deux décennies est un alibi pour l’inaction, soit un mécanisme pour supprimer la lutte des classes et détourner les travailleurs vers des appels futiles à ces mêmes politiciens qui mettent en œuvre le programme de la grande entreprise.

À la « journée d’action » d’aujourd’hui en soutien aux travailleurs de Caterpillar/Electro-Motive, le syndicat et les bureaucrates du NPD vont exhorter les travailleurs, comme ils l’ont fait à Hamilton il y a un an, à concentrer leurs énergies à faire pression sur le gouvernement conservateur Harper afin qu’il change la Loi sur Investissement Canada et rende le processus par lequel les acquisitions étrangères sont approuvées par le gouvernement « plus transparent ».

Et ce, même si Harper dirige l’assaut de la grande entreprise sur les droits et conditions de vie des travailleurs et que le mois dernier son gouvernement a abandonné une poursuite contre US Steel pour avoir violé les garanties d’emploi aux anciennes installations de Stelco à Hamilton.

Les appels à Harper ne sont pas qu’une diversion. Ils font partie intégrante de la promotion par le syndicat et le NPD du nationalisme canadien réactionnaire. Opposés à unir les travailleurs à travers l’Amérique du Nord et internationalement contre toutes concessions et en défense de tous les emplois, les bureaucrates appellent pour la défense des « emplois canadiens » et promeuvent le mensonge que les entreprises canadiennes sont moins impitoyables et exploitantes que les sociétés étrangères.

Dans chaque pays, les dirigeants syndicaux et les politiciens sociaux-démocrates ont promu les mêmes idées réactionnaires, appelant pour la défense des emplois « américains » ou « britanniques », et servant ainsi les intérêts de l'employeur en opposant les travailleurs les uns aux autres. Ces appels ont invariablement servi comme prétexte et couverture au rôle des syndicats dans la mise en œuvre de la restructuration des entreprises, dans l’imposition de concessions et de suppressions d’emplois, et ce, dans le but de maintenir la « compétitivité », c’est-à-dire la profitabilité de « nos » entreprises.

Un autre thème majeur des discours des dirigeants néo-démocrates et syndicaux au ralliement d’aujourd’hui sera d’exhorter les travailleurs à faire appel au gouvernement libéral de l'Ontario afin qu’il adopte un projet de loi anti briseurs de grève. Et ce, peu importe si le premier ministre ontarien Dalton McGuinty a répété que son gouvernement ne le ferait jamais, a rendu illégal les grèves des travailleurs du Toronto Transit Commission, et s’apprête à imposer des coupes massives dans les dépenses sociales.

L’appel fait par les politiciens du NPD pour des lois anti briseurs de grève est particulièrement cynique et hypocrite parce que partout où le NPD a pris le pouvoir dans la dernière décennie (en Nouvelle-Écosse, au Manitoba et en Saskatchewan), il a refusé de bannir le recours à des briseurs de grève et a plutôt mis en oeuvre un programme de droite en réduisant les dépenses sociales et en abaissant les impôts des entreprises.

Pour que l’histoire ne se répète pas, pour que la lutte courageuse et contre les concessions des travailleurs d'Electro-Motive ne soit pas vaine, ceux-ci doivent arracher le contrôle de cette lutte aux syndicats et au NPD et rejeter leur programme nationaliste et procapitaliste qui mène à la faillite.

Le syndicat des TCA a fait des concessions majeures dans la dernière convention collective d’Electro-Motive, des concessions qui ont permis à la compagnie de stimuler la productivité de 20 pour cent et de forcer plusieurs travailleurs plus anciens à prendre leur retraite. De plus, la direction nationale des TCA a récemment offert de faire d’autres concessions, si seulement l'employeur accepte de revenir à la table de négociation. Tous les discours enflammés du président des TCA, Ken Lewenza, et des autres bureaucrates du syndicat sont de la poudre aux yeux servant à désarmer politiquement les travailleurs d’Electro-Motive et leurs rangs de plus en plus importants de partisans.

Voilà la vérité toute nue, et de plus en plus de travailleurs sont d'avis que cette évaluation est tout à fait exacte.

Dans une déclaration publiée à la manifestation d’aujourd’hui, le Parti de l’égalité socialiste déclare :

« Les travailleurs d’Electro-Motive doivent former des comités de la base menés par les travailleurs militants les plus fiables afin d’organiser leurs luttes indépendamment du syndicat des TCA et de coordonner des actions conjointes, comme des manifestations, des grèves et des occupations, avec les travailleurs à travers l’Amérique du Nord dont les emplois, les retraites et les conditions de vie sont menacés par les demandes de concessions des employeurs et par les programmes d’austérité qui sont mis de l’avant par les gouvernements de toutes les tendances politiques.

Des actions militantes et industrielles de la sorte, même si elles sont essentielles pour développer une contre-offensive de la classe ouvrière, vont amener des gains durables seulement si elles sont conçues comme une lutte politique contre les partis, les gouvernements et tout l’appareil d’État qui défendent l’exploitation capitaliste et l’inégalité sociale. Pour défaire la grande entreprise, les travailleurs ont besoin de leur propre parti politique qui vise l’établissement d’un gouvernement ouvrier et la nationalisation des entreprises comme Caterpillar afin de les transformer en services publics contrôlés démocratiquement par la classe ouvrière et dirigés dans l’intérêt de la société dans son ensemble. »

(Article original paru le 21 janvier 2012)