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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Canada : La voie à suivre pour les travailleurs en lock-out d'Electro-Motive

Par Carl Bronski
21 janvier 2012

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Quatre cent soixante-cinq travailleurs de l'usine Electro-Motive à London, en Ontario, en sont à la troisième semaine d'un lock-out imposé par la transnationale Caterpillar inc., manufacturier d'équipement lourd. Les travailleurs, qui fabriquent des locomotives de pointe, résistent avec ténacité aux demandes de concessions sans précédent qu'exige la société et qui incluent une baisse de salaire de 55 pour cent, l'élimination du régime de retraite et des réductions massives au niveau des avantages sociaux.

Depuis le début du conflit le 1er janvier, les pages des journaux de la grande entreprise ont été remplies de commentaires de chroniqueurs et d'analystes de l'industrie laissant entendre que, à toutes fins utiles, la courageuse lutte des travailleurs de London avait peu, sinon aucune, chance de réussite.

Un article du chroniqueur affaires David Olive, du Toronto Star, représente bien cette position. « Ce n'est qu'un conflit en apparence », écrit Olive. « C'est en fait une bagarre que l'employeur de 43 milliards $ (ventes en 2010) a déjà remportée. Même les détaillants Wal-Mart ne peuvent se mesurer à la détermination de Caterpillar pour imposer ses conditions aux travailleurs. Cette société est douée pour faire prolonger un arrêt de travail aussi longtemps que nécessaire, jusqu'à ce que les travailleurs retournent à leurs postes, la mine basse, en franchissant leurs propres piquets de grève. »

Olive poursuit son explication : « Cat est si déterminée à devenir un compétiteur encore plus acharné que General Electric Co., son principal concurrent dans le domaine des locomotives, qu'elle a déjà construit pas moins de trois nouvelles usines d'assemblage de locomotives dans la dernière année. Elles se trouvent à Muncie (Indiana) et dans deux pays à plus bas salaires, au Mexique et au Brésil. Chacune de ces usines est prête est remplir les commandes que London ne pourrait exécuter advenant un long arrêt de travail des syndiqués. »

Pour Olive et les gens de son espèce, les grandes sociétés ont tous les atouts. La mondialisation capitaliste est omnipotente. Les travailleurs peuvent bien résister – comment ne le pourraient-ils pas, étant donné les terribles menaces faites à l'endroit de leurs conditions de vie, de leurs familles et de leur communauté – mais tout est décidé. Leur sort est déjà scellé. Soit qu'ils finissent par céder en acceptant des salaires de misère, soit qu'ils continuent en vain à braver le froid jusqu'à ce que leurs emplois soient transférés ailleurs, dans des ateliers de misère.

Dans son article, Olive ne mentionne pas, et ne fait pas plus référence, au rôle des syndicats en général, ou au syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA) en particulier, dans ce scénario dur et inévitable. Ce serait mettre le doigt sur l'aspect fondamental de la question. Ayant intitulé sa chronique « Pourquoi Caterpillar a l'avantage dans le lock-out de London » (« Why Caterpillar has the upper hand in London plant lockout »), Olive se montre incapable de répondre à sa propre question.

Même si des sociétés comme Caterpillar profitent de l'appui des tribunaux, de la police et des politiciens pour imposer concession par-dessus concession, ce sont les syndicats et le Nouveau Parti démocratique (NPD) social-démocrate qui servent de cinquième colonne pour la grande entreprise. Durant le dernier quart de siècle, ces organisations nationalistes et procapitalistes ont étouffé la lutte des classes, systématiquement isolé les luttes ouvrières et suivi une politique corporatiste de collaboration avec les patrons et d'austérité capitaliste.

À chaque lieu de travail en lock-out, que ce soit à Rio Tinto à Alma, au Journal de Montréal, à U.S. Steel à Hamilton ou  à London, l’histoire est la même : les travailleurs rejettent un contrat rempli de concessions, l'employeur réplique en les mettant en lock-out et en introduisant ou en menaçant d’introduire des briseurs de grève, et ensuite les syndicats isolent les travailleurs, leur disant d’obéir aux injonctions pro-employeur de la cour, puis de faire de futiles demandes aux gouvernements réactionnaires afin qu’ils interviennent en leur nom. Pendant ce temps, en arrière scène, les dirigeants syndicaux tentent de conclure des ententes pourries qui incluent la plupart, sinon toutes, les exigences de la compagnie.

 À London, à l’usine d’Electro-Motive, le syndicat des TCA espère faire adopter un tel contrat tandis que les travailleurs bravent la neige depuis des semaines ou des mois, avec seulement un salaire de misère comme indemnité de grève à ramener à leurs familles. Déjà, Bob Orr, assistant du président des TCA Ken Lewenza, a annoncé que le syndicat a approché Caterpillar pour offrir des concessions si la direction acceptait de retourner à la table de négociation. La compagnie a répondu en soutenant que toute entente devait respecter leur exigence initiale qui consiste à réduire la masse salariale de 30 millions de dollars par année.

Depuis plusieurs années maintenant, la bureaucratie des TCA a agi à titre de filiale des sociétés à l’intérieur des lieux de travail. Ces représentants bien payés ont fait cause commune avec le gouvernement fédéral et le gouvernement libéral de l'Ontario, ont accepté de former un syndicat d'entreprise renonçant au droit de grève chez Magna International, un géant de pièces automobiles, ont mis fin aux occupations d’usine et autres luttes militantes ouvrières, y compris à Brampton Caterpillar en 1991, et ont sans cesse imposé des ententes de concessions. Lors des derniers contrats négociés avec les trois grands constructeurs automobiles de Détroit, le syndicat des TCA  a consenti à des fermetures d’usine, la multiplication des emplois à deux vitesses et a cédé globalement 19 dollars de l’heure par travailleur en coûts de travail.

Au cours des dernières semaines, des membres influents du NPD et de la Fédération du travail d’Ontario se sont frayé un chemin jusqu’au piquet dans l’ouest de London. Accompagnés de Lewenza, ils ordonnent aux travailleurs de concentrer leur énergie vers des appels aux gouvernements fédéral conservateur et libéral d’Ontario, alors qu’en réalité ces gouvernements soutiennent complètement Caterpillar et se préparent à effectuer des coupes sociales massives dans leurs prochains budgets.

Les bureaucrates syndicaux font appel au gouvernement conservateur de Harper pour qu’il examine l’achat de l’usine de London par Caterpillar en 2010 sous la Loi sur Investissement Canada et font appel encore une fois au gouvernement libéral de Dalton McGuinty pour qu’il mette en œuvre une législation anti briseurs de grève.

La bureaucratie masque ses démarches auprès de Harper et de McGuinty à l'aide des couleurs du drapeau canadien. Parmi les bureaucrates syndicaux canadiens, les dirigeants des TCA ont été les premiers à détourner la colère des travailleurs envers l’asservissement des syndicats aux corporations vers un appel aux gouvernements de la grande entreprise pour qu’ils défendent les emplois « canadiens » et adoptent des mesures protectionnistes pour soutenir les entreprises « canadiennes ». Cette perspective nationaliste et procapitaliste sert à bloquer toute action unie des travailleurs en Amérique du Nord et internationalement contre les géants multinationaux de l’industrie mondiale qui cherchent sans cesse à intensifier l’exploitation de tous les travailleurs, indépendamment de leur nationalité.

En 1985, la direction des TCA a justifié sa scission de l’UAW en pointant du doigt les politiques réactionnaires et propatronales de la direction syndicale. Mais, loin de constituer un véritable défi face aux concessions, la scission dans l’appareil syndical a servi à renforcer la direction de droite de l’UAW, tout en enlevant les contraintes organisationnelles placées sur la bureaucratie syndicale canadienne quant à son propre programme de droite.

La base de cette stratégie était d’exploiter les avantages de coût de la main-d’œuvre (qui sont maintenant caduques) dont le « Big Three » de l’automobile pouvait profiter au Canada en raison de la valeur moins élevée du dollar canadien et du système d’assurance-maladie financé par le gouvernement canadien. Cette stratégie a rapidement poussé les TCA à faire des appels ouverts aux fabricants de l’automobile afin de rejeter le fardeau des vagues de « restructurations » successives sur leurs usines américaines « moins productives ».

Les entreprises ont accueilli la scission, car cela facilitait leurs efforts d'opposer les travailleurs les uns aux autres et ainsi d’abaisser les salaires et de couper dans les conditions de travail de tous. Vingt-cinq ans plus tard, les travailleurs de l’automobile au Canada et aux États-Unis sont aux prises avec des organisations bureaucratiques rivales qui poursuivent la même trajectoire propatronale en imposant des concessions et en supprimant l’opposition des travailleurs, tout en empêchant systématiquement toute lutte conjointe des travailleurs nord-américains contre les coupes dans les emplois et les salaires.

Malgré l’insistance des chroniqueurs d’affaires comme Olive, il n’y a rien d’inévitable dans le résultat de la lutte acharnée chez Electro-Motive.

La classe ouvrière détient un énorme poids social. Son travail fait fonctionner la société moderne et, de plus, c’est une classe internationale qui est unie au-delà des frontières par le processus de production et par ses intérêts communs. Mais pour que ce pouvoir soit mobilisé, les travailleurs doivent s'opposer à tous ceux qui, comme le syndicat des TCA et le NPD, défendent la domination de la grande entreprise sur la vie économique et insistent pour dire que les besoins des travailleurs doivent être subordonnés aux profits des investisseurs tout en divisant les travailleurs sur des bases nationales.

Les travailleurs d’Electro-Motive doivent former des comités de la base menés par les travailleurs militants les plus fiables afin d’organiser leurs luttes indépendamment du syndicat des TCA et de coordonner des actions conjointes, comme des manifestations, des grèves et des occupations, avec les travailleurs à travers l’Amérique du Nord dont les emplois, les retraites et les conditions de vie sont menacés par les demandes de concessions des employeurs et par les programmes d’austérité qui sont mis de l’avant par les gouvernements de toutes les tendances politiques.

Des actions militantes et industrielles de la sorte, même si elles sont essentielles pour développer une contre-offensive de la classe ouvrière, vont amener des gains durables seulement si elles sont conçues comme une lutte politique contre les partis, les gouvernements et tout l’appareil d’État qui défendent l’exploitation capitaliste et l’inégalité sociale. Pour défaire la grande entreprise, les travailleurs ont besoin de leur propre parti politique qui vise l’établissement d’un gouvernement ouvrier et la nationalisation des entreprises comme Caterpillar afin de les transformer en services publics contrôlés démocratiquement par la classe ouvrière et dirigés dans l’intérêt de la société dans son ensemble.

(Article original paru le 17 janvier 2012)

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