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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Le Midwest américain voit poindre la Grèce

La dictature des banquiers pour les travailleurs de Détroit

Par Patrick Martin
21 mars 2012

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Le gouverneur du Michigan, Rick Snyder, a annoncé mardi soir qu'il exigeait la mise en place d'une commission de contrôle financier, non élue, pour diriger la ville de Détroit. Cette commission aurait le pouvoir d'annuler et de réécrire les conventions collectives, d'imposer des coupes à tous les niveaux dans les dépenses, et de liquider des actifs de la ville.

Détroit deviendrait la plus grande ville américaine à être soumise à une telle dictature de la finance depuis l'imposition de l'Emergency Financial Control Board (Commission d'urgence de contrôle financier) sur la ville de New York au milieu des années 1970. Les mesures qui seraient imposées aux travailleurs de la ville seraient cependant bien plus draconiennes que celles d'il y a 35 ans. La crise de Détroit est la conséquence du long déclin de l'industrie automobile des États-Unis, et du capitalisme américain dans son ensemble.

La métropole a maintenant à peine le tiers de sa population des années 1950 – étant passée de deux millions à 700.000 habitants – et il ne reste que deux usines d'automobiles en fonction dans la « Motor City » (ville du moteur). La majorité de la population vit dans la pauvreté, et le taux de chômage officiel dépasse les 30 pour cent. De vastes sections de la ville sont abandonnées et les terrains vagues sont couverts de mauvaises herbes. Des quartiers ont été ravagés par les incendies et la détérioration des services essentiels comme l'éclairage des rues, la collecte des déchets et la protection contre les incendies.

Snyder a annoncé ses plans dans un message envoyé au conseil de la ville de Détroit, après la rupture des négociations entre le gouverneur et le maire David Bing au sujet des conditions d'une « convention d'expédient » selon laquelle la municipalité accepterait la commission de contrôle financier en échange d'une aide de l'État pour éviter la faillite. Snyder a affirmé qu'il demanderait au conseil municipal de signer l'entente avant l'échéancier du 27 mars.

Si le conseil municipal refuse, Snyder a fait savoir qu'il nommerait un directeur d'urgence selon les modalités d'une loi d'État, votée l'an dernier, qui fait maintenant l'objet d'un référendum s'y opposant. Autrement, Détroit pourrait devenir la plus grande ville américaine à déclarer faillite. Des représentants municipaux ont dit qu'ils ne pourraient défrayer les coûts des salaires au-delà de la mi-mai, soit bien avant la fin de l'année financière le 30 juin.

Malgré la feuille de vigne d'une ratification de la « convention d'expédient » par le conseil municipal, le plan n'est rien de moins qu'une dictature de la finance à la grecque imposée à la classe ouvrière de Détroit dans le but de forcer des coupes draconiennes dans les emplois, les salaires et les avantages sociaux des travailleurs de la ville, et de réduire les services, déjà pathétiquement insuffisants, à la population de la ville la plus pauvre des États-Unis.

La commission de contrôle financier serait composée de neuf membres, dont six seraient choisis directement ou indirectement par Snyder et son trésorier, Andy Dillon, un démocrate anciennement chef du Parti démocrate pour l'État. Bing et le conseil municipal sélectionneraient trois membres.

Dillon dominerait le conseil, étant lui-même un membre, pouvant nommer un autre membre, et ayant un « droit de veto sur les questions qui relèvent de la juridiction du département du Trésor », selon un article de presse. Ancien avocat fiscaliste, Dillon incarne le rôle de droite du Parti démocrate dans l'imposition des diktats de Wall Street sur la population de Détroit et des États-Unis dans son ensemble.

La commission de contrôle financier nommerait un nouveau directeur de l'exploitation, un nouveau directeur financier et un nouveau directeur des ressources humaines. Tous les fonctionnaires, départements et organismes municipaux, ainsi que tous les syndicats de la ville seraient tenus d'obéir aux directives du conseil, sous peine que la commission recommande la nomination d'un directeur d'urgence s'ils refusent.

Il n'y aura pas de réel transfert de liquidité à la ville. Au lieu de cela, l'État va « aider » la ville de Detroit dans le refinancement de ses dettes, générant 37 millions de dollars de budget de trésorerie, ainsi que dans l'emprunt d'un montant additionnel de 100 millions de dollars. En d'autres termes, la dette de la ville augmentera et devra être remboursée par les citoyens afin de payer les créanciers de la ville, soit principalement les banques et les riches investisseurs qui possèdent des obligations municipales libres d'impôts.

Ces 137 millions ne font toutefois pas partie de l'entente consentante écrite que le conseil municipal est appelé à ratifier. L'abolition du gouvernement municipal et les coupes subséquentes seront mises par écrit, mais pas l'argent promis.

Le maire Bing a qualifié la proposition de Snyder de « malhonnête » et a dit qu'elle « contourne le rôle et le pouvoir du conseil municipal comme corps législatif, renonce à la capacité des élus de s'opposer à tout aspect de l'entente, et rejette l'effort sans précédent et les concessions faites par les syndicats de la ville pour éviter une catastrophe économique ».

Le dernier point est le plus important : Bing a passé les trois derniers mois à manœuvrer avec les bureaucrates syndicaux pour imposer des concessions radicales aux travailleurs de la base. Les contrats n'ont pas encore été ratifiés, mais Snyder est en train de les annuler et demande des coupes encore plus draconiennes en salaires et avantages sociaux.

Les chefs régionaux du Parti démocrate et les dirigeants syndicaux s'inquiètent que cette action pourrait provoquer une réaction explosive parmi les travailleurs municipaux, qui ont déjà encaissé une baisse de 10 pour cent de leurs salaires ainsi que l'élimination de 2500 emplois lors des deux dernières années.

Appuyés par des groupes radicaux de la classe moyenne comme By Any Means Necessary (en français, Tous les moyens sont bons), les politiciens démocrates de Détroit ont dénoncé l'initiative de Snyder comme étant raciste, parce qu'elle enlève de l'autorité aux responsables locaux élus de la ville majoritairement noire. Cependant, le comité consultatif que Snyder a mandaté pour faire une ébauche du plan consiste principalement en des personnalités bourgeoises noires comme Conrad Mallet, directeur général du Centre médical de Détroit.

Plus fondamentalement, les responsables noirs du Parti démocrate ainsi que les dirigeants syndicaux ne sont pas fondamentalement en désaccord avec les mesures que propose Snyder : couper les emplois, les salaires et les avantages sociaux des travailleurs et supprimer progressivement les services à plusieurs quartiers de la ville, forçant ainsi les résidents à quitter les zones en voie d'être abandonnées. L'administration Bing a travaillé là-dessus pendant plusieurs années. La seule différence est le rythme des attaques.

De manière significative, autant le Detroit Free Press, plus libéral, que l'ultra-conservateur Detroit News ont louangé l'intervention de Snyder. Le News a écrit que Snyder voulait un accord plus sévère avec les syndicats, incluant le rejet d'une clause qui restituerait les salaires et les avantages sociaux après une période de trois ans ainsi que l'élimination de toute restriction sur les privatisations.

L'éditorialiste de Free Press, Stephen Henderson, dans un éditorial signé, a dénoncé les responsables de la ville pour n'avoir pas réussi à « adapter les dimensions du gouvernement de la ville » à son déclin économique et pour n'avoir pu saccager les retraites et l'assurance-maladie des travailleurs municipaux retraités, la plus grande dette obligataire pour le gouvernement de la ville. Les plans de Snyder reviennent à « préparer la canalisation et une nouvelle fondation sur laquelle bâtir un avenir » a-t-il écrit. « Pour la première fois depuis longtemps, j'ai eu espoir. »

Ce qui représente « l'espoir » pour les politiciens capitalistes et les médias de la grande entreprise est un cauchemar pour la classe ouvrière de Détroit : la première tentative d'imposition d'une dictature des banquiers à la grecque sur une grande ville américaine.

La lutte contre les attaques sur les emplois, les salaires et les services sociaux, et contre la destruction de l'administration municipale et des droits démocratiques, requiert une rupture politique avec le Parti démocrate, une rébellion contre ses serviteurs dans les syndicats et la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière, dans la ville et à travers l'État.

(Article original paru le 15 mars 2012)

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