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Les syndicats français s’apprêtent à soutenir les suppressions d’emploi liées à l’alliance PSA-GM

Par Kumaran Ira
1 mars 2012

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La CGT (Confédération générale du Travail) et la CFDT (Confédération française démocratique du Travail) se préparent à soutenir de violentes attaques contre les emplois et les salaires à l’occasion de l’alliance conclue entre PSA Peugeot-Citroën et General Motors-Opel.

Selon le journal économique français La Tribune, les discussions entre les deux constructeurs automobiles entamées « depuis plusieurs mois sont entrées dans leur phase finale. » L’accord final devrait être officialisé en mars à l’occasion du Salon de l’auto à Genève : PSA et les divisions Opel-Vauxhall de GM développeront conjointement des moteurs et des systèmes de transmission en coordonnant les designs communs de véhicules devant être vendus sous leurs marques respectives. PSA a annoncé des projets de fermeture des usines à Aulnay-sous-Bois, près de Paris, à SevelNord, dans le Nord de la France, et près de Madrid comme partie intégrante d’un plan de réduction des coûts de 800 millions d’euros annoncé en octobre dernier.

Le ministre français du Travail, de l’Emploi et de la Santé, Xavier Bertrand, a confirmé un « partenariat stratégique » entre les deux groupes après des pourparlers avec le PDG de PSA, Philippe Varin.

Peu de temps après la parution des premiers articles de presse sur l’alliance PSA-GM la CGT a publié un communiqué déclarant, « Ces discussion peuvent être positives s’il s’agit d’un projet de coopération pour fabriquer des véhicules utilitaires et/ou monospaces à SevelNord et assurer l’avenir des emplois sur ce site. » Elle poursuit en disant : « S’il ne s’agit pas de cette coopération spécifique, mais d’un rapprochement stratégique et capitaliste …, le risque social est important. »

C’est une esquive cynique: la CGT sait parfaitement bien que l’objectif de PSA est une réduction considérable des emplois et des salaires alors que les marchés européens de l’automobile s’effondrent en raison des mesures d’austérité qui réduisent drastiquement les niveaux de vie et le pouvoir d’achat. La semaine passée, PSA prévoyait une baisse de 10 et de 5 pour cent des ventes de véhicules respectivement en France et en Europe.

La CGT n’adopte cette position que pour s’octroyer une couverture politique tandis qu’elle continue de mener des pourparlers sur des coupes anti-travailleurs avec PSA, GM et d’autres syndicats de GM.

PSA, le deuxième producteur en termes de ventes après Volkswagen, a été, ces dernières années, en quête d’une alliance stratégique pour augmenter ses bénéfices sur les marchés d’outre-mer. Pour le moment, 58 pour cent de ses ventes de véhicules sont encore réalisées sur les marchés automobiles européens, dont on s’attend à ce qu’elles restent au moins entre 22 et 23 pour cent sous leurs niveaux de 2007. L’alliance avec GM permettra à PSA de se concentrer sur les marchés où GM fait des bénéfices, comme l’Asie.

Bien que PSA ait comptabilisé un bénéfice net de 588 millions d’euros en 2011, au lieu de 1,13 milliards d’euros en 2010, sa division automobile a annoncé une perte de 92 millions d’euros en 2011. PSA emploie 167.000 travailleurs en Europe, dont 100.000 en France. La firme dispose de 12 usines d’assemblage en Europe et GM-Opel de huit. La fusion des deux groupes devrait entraîner la fermeture de 4 usines, selon des rapports de presse.

Bien que PSA génère des profits, son but est d’imposer des coupes profondes de façon à réduire drastiquement les prestations et les salaires des travailleurs pour s’assurer une compétitivité sur les marchés mondiaux. Varin a dit au Financial Times, « Si vous considérez le coût horaire du travail dans nos usines, il est de 35 euros par heure – plus qu’en Allemagne. » Il a ajouté, « La France ne suit pas la bonne voie, notamment au niveau des prestations, [telles que] la sécurité sociale. »

L’objectif de PSA dans l’alliance avec GM est d’imposer aux travailleurs français de l’automobile le genre de réductions de salaires et d’emplois que GM et le syndicat United Auto Workers (UAW) a imposé aux travailleurs de l’automobile à Detroit. En 2009, le gouvernement Obama avait mis GM et Chrysler en faillite, ouvrant la voie aux géants de l’automobile dans l’application des mesures de réduction de coûts – fermetures d’usines, réductions de salaire de 50 pour cent pour tout salarié nouvellement recruté et coupes dans les prestations de santé et de retraite. Les constructeurs automobiles européens veulent pouvoir imposer des mesures identiques.

Le président de l’UAW, Bob King, a ouvertement loué le rôle joué par le syndicat pour aider la direction à augmenter les bénéfices de l’entreprise grâce à une réduction drastique des coûts de main d’œuvre. King a été élu au conseil de surveillance d’Opel avec le soutien du syndicat allemand IG Metall dans le but de superviser les attaques à l’encontre des travailleurs de GM en Europe. GM a déjà fermé ses usines Opel d’Anvers, en Belgique, en licenciant 2.500 salariés. Il menace à présent de fermer ses usines de Bochum, en Allemagne (3.100 emplois) et d’Ellesmere Port (2.100 emplois) en Angleterre.

En parlant de la situation sur les marchés européens, le PDG de GM, Dan Akerson, a dit : « Je pense qu’on s’accorde à dire que la situation en Europe n’est pas entièrement différente de celle où se trouvait le groupe en Amérique du Nord il y a trois ans » - c’est-à-dire lorsque GM et l’UAW avaient commencé à imposer les réductions.

La seule manière pour les travailleurs de lutter contre les coupes qui sont à présent en préparation est de mobiliser au sein de la classe ouvrière une vaste opposition aux coupes sociales, indépendamment de la bureaucratie syndicale qui les soutient.

La CGT et l’UAW ont déjà annoncé une étroite collaboration au sein de l’industrie automobile internationale. En avril 2008, l’UAW et la FTM-CGT (Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT) avaient démarré un processus de collaboration développer une « stratégie mondiale commune en vue d’organiser des syndicats dans les entreprises communes. »

A l’époque, le vice-président et directeur d’organisation de l’UAW, Terry Thurman avait dit, « Nous sommes très heureux de travailler avec nos sœurs et frères français. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres … Les entreprises franchissent les frontières nationales dans leur intérêt propre et nos syndicats doivent faire de même. »

Le secrétaire du service automobile de la FTM-CFT, Michel Ducret, a répondu, « Notre réunion avec l’UAW a déjà porté ses fruits en permettant une meilleure collaboration entre les salariés d’un même groupe international de l’automobile. »

En fait, ceci avait marqué le début d’une vague de baisses des salaires et de fermetures d’usine des deux côtés de l’Atlantique – avec en France, la fermeture des usines Continental, New Fabris et plusieurs autres entreprises de l’automobile – à laquelle les syndicats ne se sont pas opposés. Ces décisions avaient également bénéficié du soutien des partis de « gauche » petits bourgeois européens (Voir, « Le NPA prépare la trahison des luttes des travailleurs de l’automobile . »)

Privé de ses non-dits cyniques, le communiqué du syndicat français CFDT indique qu’il s’apprête à accepter les réductions drastiques contre les travailleurs. Tout en prétendant s’inquiéter de ce que « la dimension sociale et le devenir des salariés ne sont pas pris en compte, » il justifie sa participation à la négociation de l’accord en disant que « l’alliance est une question de survie pour le groupe. »

Ce commentaire vend la mèche: s’ils considèrent que c’est « une question de survie », les syndicats seront prêts à prendre les mesures les plus drastiques contre les travailleurs pour garantir une rentabilité continue de l’entreprise. Ils prennent ces mesures contre les ouvriers bien que les sociétés automobiles françaises aient en 2009 engrangé des milliards d’euros destinés à les renflouer, aux frais du public.

Les travailleurs de l’automobile en France et internationalement doivent rejeter l’accord PSA-GM soutenu par les syndicats et s’opposer aux fermetures d’usines et aux réductions qui découlent de cet accord. Celui-ci fait partie des tentatives de la bourgeoisie de rejeter le fardeau de la crise économique sur le dos de la classe ouvrière. Mais il faut surtout que les travailleurs mènent une lutte internationale, classe ouvrière européenne et américaine unie, pour s’opposer aux bureaucraties syndicales qui cherchent à imposer ces coupes.

(Article original paru le 28 février 2012)