World Socialist Web Site www.wsws.org

wsws : Nouvelles et analyses : Correspondance

 

Une correspondance au sujet de la démission de Joschka Fischer

(Article original paru le 27 septembre 2005)

Au sujet de l'article "Le chef des Verts ouvre la voie à une collaboration avec la droite" nous avons reçu le 23 septembre la lettre suivante que nous publions ci-dessous avec une réponse de l'auteur de l'article.

Je viens juste de lire sur plusieurs sites Internet que les Verts allemands auraient refusé de collaborer avec la CDU (conservateurs) à cause de leurs différends politiques.

Par exemple : « Angela Merkel, la présidente de l'Union chrétienne-démocrate, mena hier des pourparlers avec les Verts afin d'explorer la possibilité d'une alliance avec elle et les libéraux proches des entrepreneurs.

Mais les Verts - associés au gouvernement de coalition sortant de Gerhard Schröder - mirent fin aux spéculations sur un tournant à droite et refusèrent l'invitation d'Angela Merkel pour l'approfondissement des pourparlers à cause de différends politiques.

'Les différends sont très profonds', dit Angela Merkel après les pourparlers qui eurent lieu non loin des bâtiments du parlement. J'aurais bien discuté de façon plus détaillée sur de possibles points d'accord mais les Verts ne voulaient pas. »

Ce reportage se trouvait sur ce site, mais, comme je le disais, beaucoup de sites Internet ont publié des reportages sur ce sujet et vous êtes tout sauf inconséquents. Votre parti pris idéologique vous a sûrement incité à donner une fausse information. (Je ne crois pas à la politique électorale et n'ai pas de comptes à régler. Mais vous êtes bien idéologiques, n'est-ce pas? )
MK

Cher MK,

Notre estimation du fait que les Verts se préparent à une collaboration avec l'Union chrétienne démocrate n'est pas le résultat d'un parti pris idéologique. Les analyses du WSWS se basent sur la logique du contenu des points de vue politiques et nous arrivons de cette façon à des résultats bien plus fiables que si nous croyions sur parole les déclarations, quotidiennement changeantes, de l'un ou l'autre homme politique. Précisément en ce qui concerne les Verts, nous disposons, à cet égard, d'une longue expérience.

La section allemande du Comité international de la Quatrième internationale a suivi de très près l'évolution de ce parti depuis sa fondation, il y a 25 ans, et a toujours déconseillé fortement de le considérer comme une sorte d'alternative de gauche aux autres partis bourgeois.

Pour vous donner un exemple : en 1993, nous avions publié un document de perspectives qui traitait aussi en détail des Verts. Il y était dit que « les Verts » n'attaquaient pas « la politique des partis dominants du point de vue de classe du prolétariat mais de celui de la petite- bourgeoisie ».

La résolution faisait remarquer « le caractère foncièrement conservateur des Verts » et soulignait le fait que « le caractère réactionnaire des Verts était le plus clairement visible dans leur programme économique ».

Finalement, la résolution prévenait que « toute différence avec les autres partis bourgeois disparaîtra au plus tard au moment où ils prendront une responsabilité gouvernementale » . Ceci fut écrit cinq ans avant l'entrée des Verts au gouvernement et sembla à beaucoup à l'époque être le résultat d'un « parti pris idéologique ». Ceci fut confirmé dans toute son ampleur. Nous avons ainsi prévenu la classe ouvrière à temps contre des illusions dans une coalition du SPD et des Verts et l'avons préparé aux déceptions amères dont elle fit l'expérience ces sept dernières années.

Lorsqu'on voit la manoeuvre politique de Joschka Fischer, son renoncement à diriger les Verts, dans le contexte du développement historique de son parti, on ne peut douter du fait qu'ici se prépare un tournant supplémentaire, plus abrupte, à droite. Après l'échec de toutes les coalitions SPD-Verts au niveau régional, les Verts se préparent à ce niveau à des gouvernements de coalition avec la CDU, la CSU ou le FDP . Ce genre de coalition existe déjà sur le plan communal, ce qui n'est probablement pas bien connu hors d'Allemagne). Des chefs de file du parti Vert se déclarent ouvertement parti en faveur de cet objectif.

C'est ainsi que la présidente de la fraction du parti Vert au parlement fédéral, Katrin Göring-Eckardt, expliquait dans un entretien à un journal après la première discussion exploratoire entre les Verts et la CDU/CSU que la « captivité babylonienne » au SPD était maintenant finie. Elle recommanda d'essayer d'abord une coalition des conservateurs et des Verts au niveau des Lands : « Quiconque veut créer une situation en faveur d'une coalition noire et verte devrait commencer au niveau du Land. » Une telle possibilité pourrait s'ouvrir au printemps prochain déjà, après les élections régionales en Bade-Würtemberg. Là, aussi bien la fédération des Verts que le ministre-président CDU, Günther Oettinger, sont depuis longtemps en faveur d'une telle coalition.

La vice-présidente des Verts, Claudia Roth, parla, après une rencontre d'une heure et demie avec Angela Merkel et Edmund Stoiber d'une « rencontre importante, peut-être historique ». Elle n'avait jamais siégé à la même table aussi longtemps avec le ministre-président du Land de Bavière, se réjouissait-elle et espérait qu'on allait maintenant assister à une « dé-tabouisation et une dé-diabolisation » de son parti .

Renate Künast, l'actuelle ministre à la Défense des consommateurs dans le gouvernement de Gerhard Schröder et candidate à la direction du groupe parlementaire Vert, fut encore plus claire.

Elle dit après les discussions exploratoires avec les conservateurs qu'elle comptait dans l'avenir sur une collaboration entre les Verts, la CDU, le FDP ou le Parti de la gauche. « Aucune combinaison n'est exclue au départ », expliqua-t-elle au magazine Der Spiegel. « La vieille démonisation n'existera déjà plus aux prochaines élections parlementaires. »

Comme nous l'écrivions dans l'article que vous mentionnez, il est encore difficile de prédire actuellement si une coalition tricolore - c'est-à-dire un gouvernement de la CDU/CSU, du FDP et des Verts - se créera au niveau national. A l'heure actuelle, le débat public se dirige plutôt vers une grande coalition. Mais on ne peut cependant pas non plus exclure complètement un gouvernement conservateur avec participation des Verts.

Pour commencer, la création d'une grande coalition se heurte encore à des obstacles considérables. Alors que le SPD et la CDU/CSU sont très proches l'un de l'autre pour ce qui est du contenu, il y a, avant tout, encore de vives différences sur la question de qui sera chancelier. Jusqu'à présent, Gerhard Schröder refuse de céder le pouvoir, tandis que la CDU/CSU insiste pour qu'Angela Merkel occupe la chancellerie.

D'autre part, étant donné le dilemme politique révélé par le résultat de l'élection, la participation des Verts à un gouvernement conservateur serait tout à fait pensable. La CDU n'est pas parvenue à tirer profit de l'impopularité du gouvernement Schröder parce que son programme économique néolibéral rencontre la résistance de larges couches de la population. Beaucoup craignent qu'une grande coalition mènerait dans ces conditions à un renforcement des partis d'extrême gauche ou encore d'extrême droite. Une association des Verts au gouvernement, en revanche, placerait le SPD dans l'opposition et réconcilierait une partie de la clientèle verte de la couche moyenne avec un gouvernement Merkel.

Les Verts sont plus que prêts, dans ces conditions, à prendre des « responsabilités politiques gouvernementales » comme le souligne sans cesse leur présidente, Claudia Roth. C'est aussi ce que montre les déclarations citées plus haut de Renate Künast et Katrin Göring-Eckardt.

Pour ce qui est de Joschka Fischer lui-même, il laisse, pour des raisons tactiques, à d'autres le soin d'explorer le terrain. Qu'il soit prêt à prendre des fonctions ministérielles dans un gouvernement mené par la CDU ne fait, vu sa biographie politique, aucun doute. Par l'annonce rapide de sa démission, qui revenait à un refus de participer à un gouvernement au côté du SPD, il a clairement renforcé la position d'Angela Merkel vis-à-vis du SPD pour des négociations. Merkel n'aurait autrement pas eu, contrairement à Gerhard Schröder, d'alternative à une grande coalition.

On sait aussi que Joschka Fischer aspire à une espèce de fonction indépendante de tout parti politique dans une organisation internationale - comme l'Union européenne ou l'ONU. Cela aussi permettrait aux Verts de rejoindre les partis conservateurs plus facilement.

Salutations amicales
Peter Schwarz

 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés