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WSWS : Correspondance

Un échange sur l’approche socialiste de la protection de l’environnement

24 octobre 2007

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Courrier d’un lecteur et réponse de Joseph Kay

 

Chers éditeurs,

La qualité de vos articles est formidable et j’en lis chaque fois que j’en ai la possibilité. Sans être très versé dans l’histoire de la Russie, j’ai toujours été un admirateur de Trotsky, et j’ai été heureux de trouver un site où la vision anti-stalinienne des choses pouvait être étudiée. J’ai une question cependant : qu’est-ce qu’un Socialisme moderne ferait à propos de la possible crise environnementale à venir ? Avec la pollution des océans, le réchauffement global, la dégradation de la couche d’ozone et la raréfaction des ressources, nous risquons tout simplement de rendre notre terre invivable. Et si dans quelques années (ou décennies) au lieu de 6 milliards ou des probables 12 milliards d’âmes notre bonne vieille terre ne pouvait plus en abriter, disons, qu’un milliard ?

Pour ce que j’en comprends, la conception « néo-stalinienne » classique est que tout cela n’est qu’absurdités, un truc des capitalistes pour attirer l’attention loin des questions « ouvrières ». Cette conception est similaire à celle de la droite américaine. Mais je crois (comme le devrait toute personne avec des yeux pour voir et qui s’est donné la peine de voyager et d’observer) que les dégradations environnementales sont sérieuses et réelles, même s’il est encore difficile de dire si cela va causer des problèmes vitaux pour les masses. J’ai vu très peu d’articles sur ces questions sur votre site qui traite sinon d’une grande variété de sujets.

Je suis simplement curieux !

SR

 

Cher SR,

Merci de votre lettre concernant la position du WSWS sur les questions d’environnement. La dégradation de l'environnement est incontestablement une question importante qui doit être abordée par toute personne concernée par l'avenir de l'humanité et la planète sur la quelle nous vivons. L'environnement n'est pas une « distraction » des problèmes des travailleurs ; en fait, c'est une question d'un intérêt tout particulier pour la classe travailleuse, car c’est principalement elle qui devra porter le fardeau de la catastrophe environnementale. Le WSWS a écrit sur le sujet et a conduit des enquêtes sur les questions environnementales, par exemple les investigations du SEP d'Australie sur le cancer et la pollution industrielle à Wollongong [http://www.sep.org.au/cancer/index.htm].

Notre position est que la question de l’environnement ne peut pas être considérée en dehors de la question de qui possède les moyens de production et dans l’intérêt de qui ils sont utilisés. La technologie existe déjà qui permettrait à la société de produire les moyens matériels nécessaires à la vie de la population mondiale tout en protégeant l’environnement.  L’énergie, par exemple, peut être obtenue d’une multitude de sources qui ne nuisent pas ou très peu à l’environnement. La production, si elle est coordonnée d’une façon rationnelle dans une coopération internationale, pourrait être développée massivement sans déstabiliser l’écosystème. Mais on ne pourra y parvenir que lorsque l’anarchie du marché et du système d’Etats-nations en concurrence les uns avec les autres sera éliminée et lorsque la production sera contrôlée démocratiquement et mise au service des besoins de l’humanité au lieu du profit privé.

Dans notre évaluation des causes et des solutions à ces problèmes, nous différons de la grande majorité des associations de protection de l'environnement, et des Verts. Pour l'essentiel, ils blâment le développement des forces productives de l'humanité pour la destruction de l'environnement. Beaucoup disent aussi que l'augmentation de la population et la supposée « surconsommation » des pays industrialisés en est responsable. La conséquence, c'est qu'ils proposent souvent des solutions réactionnaires et mauvaises pour les travailleurs. En Europe, par exemple, les Verts ont soutenu avec joie le démantèlement des usines, qui laissait des milliers de travailleurs sans emploi. Ils ont aussi soutenu l'augmentation des taxes sur l'essence dans le but d'en réduire la consommation.

Le développement des forces productives à travers l’histoire de l’humanité et plus spécifiquement sous le capitalisme, a conduit à une croissance extraordinaire de la capacité de l’homme à maîtriser l’environnement naturel et à utiliser ses ressources  dans le but de satisfaire ses besoins. Cette capacité nous a permis de développer des médicaments, d’améliorer l’efficacité et la fiabilité de la production alimentaire, d’échapper aux conséquences immédiates des fluctuations de l’environnement naturel et en général de développer le niveau culturel et technologique de l’humanité. Ce processus ne constitue cependant pas une appropriation unilatérale par les hommes d’un monde naturel statique. C’est plutôt une interaction dynamique au cours de laquelle l’environnement naturel est transformé par l’activité humaine qui fait elle-même partie de ce monde naturel. En nous étendant sur toute la surface du globe et en augmentant notre capacité de production, nous avons aussi augmenté la mesure dans laquelle notre activité change le reste de l’environnement.

Le développement des forces productives, cependant, se déroule dans le cadre de relations sociales (c’est-à-dire de classe) changeantes, ce qui limite l'utilisation et le développement futur de ces réussites. Par exemple, l'introduction du travail à la chaîne à rendu possible la production massive de voitures, un développement d'un caractère fondamentalement progressiste, qui augmenta largement les capacités de transport, ce qui entraîna une augmentation du niveau de vie, la fin de l'esprit de clocher, et l'élévation de la culture humaine. Cette amélioration des capacités de production, se produisit cependant dans le cadre du capitalisme, dans lequel il est impossible de s’occuper  sérieusement des effets de l'automobile sur l'environnement (réchauffement global, smog, etc.)

Le développement le plus rapide des capacités de production humaines s'est produit dans les quelques derniers siècles, c'est-à-dire depuis le triomphe de la production capitaliste contre une structure féodale arriérée et stagnante. En même temps, le capitalisme est complètement incapable de contrôler de façon rationnelle les forces qu'il a créées, ce qui entraîne une profonde dégradation de l'environnement. La solution cependant n'est pas de faire marche arrière vers un mode de vie plus primitif, mais plutôt de libérer les capacités de production développées par le capitalisme des relations sociales dans les quelles elles sont emprisonnées.

Suivant à cette analyse, nous rejetons les conclusions avancées par certains environnementalistes selon lesquels la technologie elle-même est le problème, et que la solution serait d'arrêter le développement des forces productives. Un tel coup d’arrêt au développement humain n'est ni possible, ni souhaitable, parce qu'il empêche le développement futur de la société humaine. En fait, c'est d'un caractère profondément réactionnaire, une perspective caractéristique de la petite bourgeoisie qui éprouve de la nostalgie pour une utopie largement imaginaire de production et de consommation à petite échelle. Suivie jusqu'à sa conclusion logique, cette perspective défend la destruction de la grande industrie, le dépeuplement des villes, la glorification de la vie paysanne, et d'autres propositions réactionnaires dans le genre de celles essayées par Pol Pot au Cambodge.

C'est cette perspective arriérée qui a poussé beaucoup d'organisations environnementales à accepter le nationalisme économique et à soutenir le renforcement de l'Etat-nation. Assimiler la mondialisation de la production — qui est un progrès en soi — aux relations de propriété capitalistes sous lesquelles ce processus a pris place a poussé certains groupes à s'associer avec la bureaucratie de l'AFL CIO (NdT : Syndicat américain proche des patrons) et à des politiciens de droite comme Patrick Buchanan pour demander des mesures de guerre commerciale contre la Chine, le Mexique et d'autres pays. Loin de s'opposer aux opérations du capitalisme global, cette perspective affaiblit la seule force sociale capable de se battre contre lui – la classe internationale des travailleurs – en créant la division et l’hostilité entre les nations.

De même, nous rejetons l'idée malthusienne que les problèmes environnementaux naissent de la croissance de la population. Cette perspective, à laquelle votre lettre fait allusion, suppose que la population augmente jusqu'à ce qu'elle entre en conflit avec la nature, que ce soit par une catastrophe naturelle, la maladie, ou simplement la pauvreté. La population « numérique » y est abstraite des relations sociales dans lesquelles elle existe, ce qui construit une justification pour ces restrictions et pour des programmes réactionnaires tels que les restrictions de l'immigration. Il y en à qui vont même plus loin tel Dave Foreman, un des fondateurs de Earth First! qui suggère que les maladies, la famine, et les guerres civiles en Afrique sont un bien, car elles réduisent la population.

Comme nous l'avons dit plus haut, tout en rejetant les tentatives de revenir en arrière, nous ne nous faisons aucune illusion sur la possibilité d'un capitalisme « Vert » ou « doux pour l'environnement », tel qu'il est présenté par le candidat du Parti Vert, Ralph Nader. Même le plus conscient des employeurs est pris dans des relations économiques qui sont au-delà de son contrôle. Le système capitaliste, par nature, subordonne les besoins humains et sociaux, dont le maintien d'un environnement sain, à la recherche de niveaux toujours plus élevés de richesses personnelles. Sous la pression constante des gros investisseurs, seules les corporations qui réduisent le plus les coûts de production et maximisent le profit peuvent survivre. Dans ces conditions, l'environnement ne peut être abordé que de la manière la plus superficielle.

Le capitalisme bloque la capacité à se soucier de l'environnement en ce qu'il reste lié à un système d'Etats-nations en compétition. Les problèmes d'environnement sont fondamentalement globaux et doivent être pris en compte à l'échelle globale. Ce n'est qu'en mobilisant les ressources scientifiques, technologiques et économiques mondiales de manière coopérative qu'un tel défi peut être relevé. Les accords internationaux qui ont été conclus, comme celui de Kyoto sur le réchauffement planétaire, sont en général très faibles, et même ceux-ci se sont échoués sur les récifs de la compétition nationale. Les problèmes créés par le développement de la production sous le capitalisme ne peuvent être résolus que par le contrôle rationnel et international de la production, c’est-à-dire par une direction consciente de l'interaction dynamique entre l'Homme et le reste de la nature.

J’espère que cela répond à certaines de vos questions quant à la position du WSWS au sujet de l’environnement. Nous vous encourageons, vous et tous les lecteurs, à apporter vos idées au site concernant cette partie importante d’une perspective socialiste.

Joseph Kay

 

(Article original paru le 10 janvier 2001)


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