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Les grévistes de Bell Canada votent en faveur de l'entente de principe

Le géant des télécommunications va de l'avant avec les mises à pieds

Par François Legras
19 mai 1999

Les 9500 téléphonistes et techniciens de la compagnie de télécommunication Bell Canada, en grève depuis le 9 avril dernier au Québec et en Ontario, sont retournés au travail cette semaine après avoir voté en faveur de l'entente de principe intervenue le 10 mai entre la partie patronale et le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP).

Selon les détails de la nouvelle convention, les 7200 techniciens recevront en moyenne une augmentation de 8,4 % sur cinq ans ainsi que la garantie que leur sécurité d'emploi ne sera pas mise en péril pour les deux premières années du contrat seulement. La sécurité d'emploi était la principale demande des techniciens. Ils tentent de mettre un terme à l'hémorragie de leurs emplois, plusieurs centaines d'entre eux ayant déjà été mis à pieds au cours des dernières années.

Quant aux 2300 téléphonistes, la majorité de leurs emplois chez Bell avaient déjà été éliminés lorsque la compagnie avait annoncé en janvier dernier qu'elle vendait son service d'assistance téléphonique à la compagnie Nordia, formée par Exell Global Services et Bell Canada. Il était initialement prévu que 700 téléphonistes pourraient aller travailler pour cette nouvelle compagnie avec une réduction de salaire de 19,50 $ à 10,00 $ dollars de l'heure et l'obligation de déménager. La convention prévoit maintenant que ce ne sont pas 700 mais 1300 téléphonistes qui perdront immédiatement leur emploi et qui pourront aller travailler pour Nordia. La convention prévoit aussi que la réduction de salaire se fera graduellement au cours des trois prochaines années. Pour la première année chez Nordia, Bell va maintenir le salaire au niveau actuel; la deuxième année, Bell va combler à 50 % la différence entre le salaire actuel et celui offert par Nordia; à la troisième année les salaires tomberont à 10,00 $ de l'heure. Autre bonification à l'offre initiale, celles actuellement admissibles à la retraite recevront une prime de séparation de 19 à 22 mois au lieu de 14 mois. Pour celles qui restent, il n'y a aucune augmentation de salaire prévue dans l'entente si ce n'est une prime de "vie chère" de 1 % au cours des deux dernières années du contrat. A la fin du contrat, en 2003, une nouvelle vague de coupures d'emplois est prévue par l'inclusion dans l'entente d'une possibilité pour 400 téléphonistes de se prévaloir d'une préretraite.

Sur l'ensemble des téléphonistes et des techniciens, 85 % ont été votés et 80 % ont voté en faveur de l'entente.

Bell va pouvoir poursuivre son plan de rationalisation en fermant 39 de ses centres d'opérations, seulement 7 resteront ouverts.

Pour le Syndicat canadien de la fonction publique (SCEP), c'est là le maximum qui leur a été possible d'arracher à l'employeur.

Le fait est que le syndicat avait jeté la serviette avant même de commencer la lutte et ce malgré l'impopularité des décisions de Bell parmi la population et le soutien dont jouissaient les grévistes.

Même l'éditorialiste en chef de La Presse, Alain Dubuc a dû reconnaître dans son éditorial du 7 mai, que les grévistes avaient l'appui de la population et que ce fait représentait un changement dans l'humeur de la population face aux politiques de coupures de la grande entreprise. Il écrit : «  cette réaction spontanée répond probablement aussi à un phénomène plus profond, tout à fait nouveau, et c'est l'expression du ras-le-bol d'une population qui, après avoir subi sans mot dire, avec fatalisme, les sacrifices et l'incertitude imposés par la mondialisation, commence à ne plus vouloir l'accepter. Comme si la restructuration de Bell Canada était la goutte qui fait déborder le vase. »

Mais les syndicats n'avaient aucune perspective permettant de lier cette lutte à une mobilisation plus générale de la classe ouvrière contre la politique de coupures de la grande entreprise. En menant ce conflit dans le cadre étroit des négociations collectives sur la base de la logique de la concurrence du marché capitaliste, le syndicat accepte le cadre dans lequel la destruction des emplois prend place et empêche les travailleurs de mener une véritable lutte qui pourrait mener au développement d'une perspective politique représentant leurs propres intérêts de classe.

La direction syndicale a plutôt fait appel au PQ et à sa ministre Diane Lemieux, qui avait vaguement promis au moment de sa nomination, d'accéder à une revendication syndicale de longue date, soit celle de modifier le Code du travail pour permettre dans certains cas de vente d'entreprise, le maintien de l'accréditation syndical. Surprise, après quelques jours de grève, la ministre a déclaré ne pas pouvoir le faire. A ce moment, seule une amélioration des primes de séparation pouvaient encore être négociée.

Pour les techniciens, la position du syndicat est encore plus réactionnaire. Des centaines d'entre eux ont été mis à pieds au cours des dernières années et beaucoup ont été récupérés par une compagnie créée et contrôlée par le SCFP et devenu un sous-traitant pour Bell.

Cette nouvelle défaite soulève des questions fondamentales de stratégie et de perspective politique pour les travailleurs autant que pour l'ensemble de la classe ouvrière internationale.

Ancien monopole au Québec et en Ontario pour les services téléphoniques, avec le développement de la globalisation, Bell Canada doit maintenant faire face à une concurrence aussi bien locale, avec l'explosion des centres d'appel, et internationale avec l'arrivée sur le marché de la téléphonie locale et interurbaine de géants américains comme AT&T. Aux centres d'appel, qui sont équipés pour offrir le même genre de service téléphonique offert par Bell, les salaires oscillent autour de 10 à 12 dollars de l'heure au lieu de 19 pour les téléphonistes et ce, sans avantages sociaux ni sécurité d'emploi. Le taux de roulement de la main-d'uvre dans ces centres est très élevé, 6 mois d'ancienneté est considéré comme étant beaucoup.

La révolution technologique des dernières années a augmenté de façon radicale la productivité du travail. Ces progrès pourraient être de puissants leviers pour subvenir aux besoins si criants des gens. Mais au lieu d'améliorer le sort et le niveau de vie des travailleurs, les innovations technologiques n'ont provoqué que le contraire. Toute la société est organisée en fonction des intérêts matériels d'une infime minorité. Cette minorité de capitalistes, d'industriels et de financiers, contrôle la production et l'application des nouvelles technologies en fonction des profits qu'elle peut en tirer en l'utilisant pour augmenter l'exploitation de la classe ouvrière. Sous leur gouverne, les progrès technologiques accélèrent le processus de destruction des emplois et du niveau de vie. L'exemple du conflit chez Bell est typique. La compagnie, à l'avant-garde de la recherche et de l'application des nouvelles technologies, est l'une des plus rentables au pays après avoir éliminé des milliers d'emplois au cours des dernières années.

Nortel Networks Corp, qui, comme Bell Canada, fait partie du holding Bell Canada Entreprise a aussi annoncé l'élimination de 4000 emplois dans le cadre de son plan de restructuration visant l'élimination de 8000 emplois manufacturiers au cours des trois prochaines années. Nortel opère au Canada, aux États-Unis et en Europe et emploie 24 000 personnes au Canada.

La lutte pour la défense des emplois et le progrès social soulève la question de comment et au nom des intérêts de quelle classe la société devrait être réorganisée.

Le World Socialist Web Site a rencontré deux grévistes et obtenu une entrevue. L'entrevue révèle l'écart qui existe entre la perspective politique requise pour mener une lutte contre la destruction des emplois et du niveau de vie et celle actuellement mise de l'avant par la direction syndicale.

Angela Malfitana, téléphoniste, a fait les remarques suivantes :

«  Pour les téléphoniques, c'est perdu. Nous avons été vendus, la seule chose que nous voulons c'est une meilleure offre de départ. En 1995 la compagnie avait offert une prime de départ volontairement beaucoup plus généreuse qu'aujourd'hui. Beaucoup de personnes n'ont pas pris cette prime parce qu'il n'y avait pas de raison. Les gens se disaient prendre ma retraite, je suis encore jeune et je peux travailler encore. Aujourd'hui la compagnie offre la moitié; on appelle ça une demi PDV (prime de départ volontaire)

«  C'est vrai qu'il ne faut pas laisser faire les compagnies, que ça risque d'avoir des répercussions sur tous les travailleurs, mais notre conflit est très compliqué, particulier, c'est difficile pour les autres de s'y joindre. C'est difficile pour le syndicat de trouver une solution qui fasse l'affaire de tous, tout le monde veut négocier une prime de séparation particulière pour lui même selon ses années d'ancienneté, ses années de services etc. C'est un peu comme s'il fallait négocier au cas par cas, c'est chacun pour soi.

Serge Saint-Gelais avait ceci à dire:

«  Ils veulent nous payer ce que la concurrence paie, 10 à 12 dollars de l'heure. C'est un bouleversement complet. On s'est battu pour les salaires qu'on a maintenant, les gens ont un niveau de vie qui correspond au salaire. A dix ou douze de l'heure, les gens risquent de perdre leur maison.

« Je mentirais si je disais que je ne doute pas de la stratégie syndicale. J'ai l'impression qu'ils se battent pour leur petite job, il n'y a pas d'organisation. Ils pourraient nous rassembler 500 et aller faire de quoi au lieu de se grouper en petit nombre devant les maisons des PDG, ca donne rien.

 

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