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Le mouvement de protestation des routiers s'essouffle

Par François Legras
14 octobre 1999

Le mouvement de protestation des camionneurs indépendants est en train de se terminer graduellement. Les blocus routiers mis en place depuis à peu près le 3 octobre sont levés l'un après l'autre à travers la province. Selon les médias, près des deux tiers des 25 barrages, composés de près de 1 800 camions, érigés à travers la province étaient levés en date du 12 octobre.

Les camionneurs reprennent la route malgré qu'ils aient voté samedi et dimanche contre le respect de la douzaine d'injonctions émises par les tribunaux, leur ordonnant de mettre un terme à leur moyens de pression. Les injonctions ont été émises au moment où le mouvement devait commencer à ralentir les arrivages de marchandises sur l'île de Montréal.

L'augmentation du prix de l'essence semble avoir été l'étincelle ayant provoqué le mouvement de grève. Mais les chauffeurs de camions indépendants, les propriétaires-chauffeurs, demandent depuis plusieurs années une intervention du gouvernement du Québec visant entre autres le droit pour ces chauffeurs de se syndiquer.

Les chauffeurs en grève se plaignent du nombre extrême d'heures qu'ils doivent faire pour réussir à survivre dans un marché qu'ils jugent à l'avantage des employeurs. Bien qu'ils soient considérés comme des entrepreneurs, beaucoup de ces chauffeurs-propriétaires font du transport pour un seul employeur et travaillent des semaines de 75 heures pour un salaire horaire moyen oscillant entre 3 et 8 dollars.

Les médias ont ignoré le mouvement jusqu'à ce qu'il ne commence à s'étendre à travers la province. Les reportages faisaient grand état des dangers pour l'approvisionnement en nourriture, médicaments et essence dans plusieurs localités de l'est de la province. Le premier ministre Bouchard a lui-même brandi cet épouvantail, déclarant qu'il n'allait pas négocier avec des gens qui affamaient des populations.

Ces dénonciations démagogiques étaient complètement fausses. Bien que les barrages érigés aient affecté les approvisionnements et les livraisons, notamment pour les producteurs de lait, les communautés touchées par les blocus étaient sympathiques aux demandes des chauffeurs. L'UPA ( Union des producteurs agricoles) et le syndicat des producteurs de lait du Québec, dont les membres ont été affectés par les blocus - plusieurs producteurs de lait ont dû jeter leur lait et mettre leurs vaches au régime - n'ont pas dénoncé les camionneurs et se préparaient à organiser un réseau parallèle de transport du lait et de nourriture pour animaux.

La crise dans le transport routier ne date pas d'hier. Un groupe d'étude, mis sur pied par le gouvernement, a déjà produit un rapport en avril dernier, le rapport Bernier. Ce rapport devait examiner la question des salaires, des horaires, de la caisse de retraite, des assurances, du prix de l'essence, et de la syndicalisation. Le rapport recommandait d'accorder aux camionneurs-propriétaires le droit de se syndiquer. Une telle recommandation nécessite une réforme du code du travail, qui interdit actuellement aux travailleurs autonomes le droit à la syndicalisation.

Le problème des chauffeurs propriétaires ne sera pas résolu par la syndicalisation, selon Claude Robert, de la compagnie Transport Robert de Boucherville, qui emploie1 500 personnes et opère 900 camions. Selon Robert, il y a trop de camions. Depuis la déréglementation de 1988, soutient-il, le marché du camionnage a un problème de surcapacité.

L'association des industries forestières, dont les membres emploient de nombreux camionneurs-propriétaires, est du même avis. La syndicalisation risque de faire augmenter les prix, explique André Duchesne de l'Association, alors que les coûts de transports sont déterminés à New-York et à Chicago en fonction de l'offre mondiale du papier, qui a beaucoup chuté au cours des dernières années.

Le fait est que la déréglementation a justement donné le coup d'envoi à une vaste réduction dans les salaires des chauffeurs de camion. La surcapacité a été créée par la déréglementation de l'industrie et par la transformation de nombreux chauffeurs salariés en chauffeurs indépendants.

Le mouvement des routiers est une autre manifestation des énormes tensions sociales au Québec. Ce mouvement spontané qui a commencé en Abitibi s'est rapidement étendu à travers l'est de la province pour menacer ensuite la région de Montréal. Comme pour les derniers mouvements de protestation contre le gouvernement du Parti québécois - les infirmières, les étudiants - la population touchée s'est montrée sympathique, manifestant par là son propre mécontentement face à la dégradation de son propre niveau de vie. Le fait est que les années de coupures du gouvernement et son insolence face aux récriminations de la population, l'ont rendu très impopulaire. Les tension sociales sont à un point de rupture.

Dans ce contexte, le rôle des syndicats apparaît encore plus clairement comme celui de chien de garde de l'ordre actuel. Comme ce fut le cas pour les infirmières, les dirigeants de la bureaucratie syndicale ont contribué à démanteler le mouvement et à donner au gouvernement la marge de manoeuvre dont il avait besoin pour envoyer la Sûreté du Québec imposer les injonctions. Près de huit chauffeurs ont été arrêtés et pourraient faire face à des accusations criminelles.

Le mouvement était officiellement appuyé par les dirigeants des Teamsters et de la FTQ, représentant respectivement 12 000 et 6 000 chauffeurs. Bien que les dirigeants syndicaux aient menacé jeudi dernier le gouvernement d'étendre les barrages routiers, ils ont immédiatement recommandé aux chauffeurs de respecter les injonctions émises vendredi et de lever les barrages, contribuant à la démoralisation des chauffeurs. « On ne peut pas bâtir toute une stratégie sur un mouvement spontané », déclarait le président de la FTQ, Herni Massé.

Les dirigeants syndicaux promettaient de pouvoir négocier avec le gouvernement la syndicalisation des chauffeurs. Cette promesse s'est rapidement révélée n'être rien d'autre qu'une manoeuvre visant à démobiliser les chauffeurs. Aujourd'hui, 13 octobre, alors que les barrages n'étaient même pas encore tous défaits, Bouchard déclarait à la Presse qu'il n'était pas question pour lui de s'engager à modifier le code du travail pour permettre la syndicalisation des camionneurs. Bouchard déclarait de plus à l'attention de la population en générale : « Il faut que les gens comprennent que ça ne sert à rien de se dresser contre un gouvernement, contre une population ». Ce message était un avertissement clair que le gouvernement utiliserait tous les moyens à sa disposition pour mater tout mouvement de protestation qui serait dirigé contre son agenda politique pro-patronal.

La question essentielle qui est soulevée par cette expérience, c'est celle de la perspective politique. Malgré le militantisme du mouvement et sa puissance potentielle - le réseau de distribution des marchandises était paralysé à travers la province - le mouvement a été rapidement maîtrisé. La simple trahison des dirigeants syndicaux ne peut expliquer ce phénomène. La raison est liée au manque de perspective politique des protestataires. Par quoi et comment remplacer un système aussi injuste ? Existe-t-il des possibilités d'organisation sociale qui répondent aux besoins des gens plutôt qu'à l'infime minorité qui s'enrichit du travail de la vaste majorité de la population ? Ces questions sont de plus en plus souvent soulevées par les luttes des travailleurs et devront un jour trouver une réponse progressive. Ce site contribue au développement de cette analyse en mettant de l'avant une perspective internationaliste et socialiste, visant à unir la classe ouvrière internationale sur la base d'un programme qui parte des besoins de la classe ouvrière.

 

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