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Canada : La grève des travailleurs de Vidéotron: il faut une stratégie de lutte politique

Par François Legras et Jacques Richard
28 septembre 2002

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Le conflit de travail de plusieurs mois impliquant les 2200 employés du câblodistributeur québécois Vidéotron a atteint un point tournant qui soulève la nécessité pour les travailleurs d'adopter une nouvelle stratégie basée sur la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière.

Quebecor, le géant des médias et de l'imprimerie qui contrôle depuis deux ans Vidéotron, emploie tous les moyens à sa disposition, y compris l'utilisation de briseurs de grève, pour imposer des concessions majeures: $50 millions de coupures en salaires et avantages sociaux et près de 1000 pertes d'emplois.

Les liens de Quebecor avec l'establishment politique et financier sont multiples. Luc Lavoie, le porte-parole officiel de Vidéotron est un ancien conseiller politique de Brian Mulroney, chef du parti conservateur et premier ministre du Canada de 1984 à 1993. Mulroney lui-même siège sur le conseil d'administration de Quebecor. Et le principal partenaire de Quebecor est la Caisse de dépôt et de placement, une institution de l'état québécois.

La Caisse est intervenue pour empêcher que Vidéotron, mis en vente à la fin des années 90 alors qu'il était considéré comme un des fleurons de la «nouvelle économie» au Québec, ne passe aux mains de Rogers Communications, l'une des plus importantes compagnies canadiennes de publication et de câblodistribution, basée en Ontario. La Caisse, qui gère un capital de $133 milliards provenant de régimes de retraite et d'assurance, a mis tout son poids financier dans la balance pour permettre à Quebecor d'acquérir Vidéotron dans une surenchère contre Rogers pour la somme record au Québec de $4,9 milliards. Ce geste a été vivement appuyé, si ce n'est déclenché, par le gouvernement provincial nationaliste du Parti Québécois.

Rien d'étonnant alors que l'offensive tous azimuts de Quebecor sur les emplois et les conditions de travail de ses employés à Vidéotron aie reçu le soutien ferme de l'appareil étatique québécois. Les tribunaux lui ont rapidement accordé des injonctions limitant drastiquement le nombre de grévistes sur les lignes de piquetage. Et le premier ministre du Québec, Bernard Landry, est personnellement intervenu après le déclenchement du conflit pour qualifier Pierre-Karl Péladeau, le propriétaire de Quebecor bien connu pour ses méthodes brutales en matière de relations de travail, de «bon citoyen corporatif».

Le plus récent acte d'intransigeance de la compagnie a été de refuser net de retourner à la table de négociation après le rejet massif par les employés en grève, les 15 et 20 août dernier, des dernières offres patronales. Celles-ci comprenaient de nouvelles demandes de concessions, notamment une diminution de 50% de la prime de départ offerte aux employés dont veut se départir la compagnie.

Dans une tentative de mettre la rupture des négociations sur le dos de ses employés, Quebecor a cyniquement invoqué certains actes de sabotage de ses installations, attribués à une poignée de grévistes, pour dépeindre l'ensemble des travailleurs en grève comme des adeptes du «vandalisme» avec qui aucune discussion n'est possible.

Malgré l'assaut frontal de la compagnie sur les emplois et les conditions de travail, la direction syndicale des grévistes, le SCFP (Syndicat canadien de la fonction publique) et la FTQ (Fédération des travailleurs du Québec) ne cache pas que son objectif est d'assurer la survie de l'entreprise aux dépens des travailleurs. «Cette compagnie-là, on va la sauver», a ouvertement proclamé le président de la FTQ, Henri Massé.

Il suffit de considérer le contexte économique international pour voir à quel point une telle perspective, liant le sort des travailleurs à celui de «leur» entreprise, ne peut qu'être fatale à leurs intérêts.

L'acquisition de Vidéotron s'est faite durant le boum boursier du secteur informatique et des télécommunications, alors que la «convergence» des médias était censée offrir un retour sans précédent sur le capital. La chute vertigineuse des valeurs boursières depuis la dernière année, particulièrement dans le domaine de la haute technologie, a provoqué une crise économique sans précédent et d'ampleur internationale qui entraîne irrémédiablement Quebecor dans son sillage.

L'énorme taux d'endettement de Quebecor suite à l'achat de Vidéotron, et la concurrence féroce à l'échelle du globe pour attirer les capitaux, sont à la base du conflit actuel. Comme le soulignait Luc Lavoie: «Le monde a changé nous évoluons dans un univers concurrentiel et nos concurrents sont extrêmement compétitifs».

L'expérience des travailleurs de Quebecor n'est pas unique. À travers le monde, ce sont les travailleurs et leurs familles qui font les frais de la crise du système de profit, laquelle se manifeste par l'effondrement spectaculaire de compagnies jugées solides jusqu'ici, telles que Enron, WorldCom, Nortel Networks, Deutsche Telekom, Vodafone et Vivendi Universal. Dans tous ces cas, les dirigeants d'entreprise et les gros actionnaires s'en sont tirés à bon compte alors que des dizaines de milliers de travailleurs ont perdu non seulement leur emploi mais souvent toutes leurs économies investies dans la compagnie.

Aujourd'hui plus que jamais, la lutte pour la défense des emplois et des conditions de travail est inextricablement liée à une lutte politique consciente contre la loi de la jungle du marché capitaliste et pour un nouveau type de société qui soit basé sur l'égalité sociale.

Mais la direction syndicale à Vidéotron cherche à tout prix à convaincre ses membres que toute action militante mettrait la survie de la compagnie à risque. Cette soumission devant le féroce assaut patronal est loin d'être une exception. Elle s'inscrit dans la politique universelle des syndicats depuis plus de deux décennies. Alors que cette période a vu la classe dirigeante passer d'une politique de compromis de classe à une politique de guerre de classe, la réponse de la bureaucratie syndicale a été de chercher à défendre sa position sociale privilégiée en transformant les syndicats, d'instruments pour la défense des intérêts économiques immédiats des travailleurs, en instruments pour imposer l'agenda anti-social de la grande entreprise.

L'expérience des travailleurs de Vidéotron en est une douloureuse confirmation. La direction syndicale n'a pas levé le petit doigt pour mobiliser l'appui d'autres sections de travailleurs, se contentant plutôt d'un appel amorphe aux consommateurs sous la forme d'une campagne de boycott qu'elle ne mène même pas de façon sérieuse. Elle n'a pas bougé d'un pouce non plus lorsque Quebecor, après le début du conflit, a engagé en sous-traitance des compagnies syndiquées FTQ, cautionnant ainsi l'utilisation de ses propres membres en tant que briseurs de grève. Et, pour couronner le tout, c'est la FTQ qui a mis sur pied la compagnie qui allait devenir la pièce maîtresse dans le mécanisme employé par Quebecor pour se départir des techniciens de Vidéotron.

En effet, quelques jours après le début du conflit, Quebecor annonçait la vente de son service technique et le transfert de ses plus de 600 techniciens à Alentron, une entreprise créée juste avant le déclenchement de la grève pour «cueillir» les techniciens et reprendre en sous-traitance le service d'entretien de Vidéotron. Alentron est une filiale de la compagnie Entourage, créée en 1996 par le Fonds de solidarité de la FTQ, après que la compagnie de téléphone Bell Canada se soit débarrassée de ses 1000 techniciens à l'entretien. Ces derniers furent embauchés par Entourage pour faire le même travail, en tant que sous-traitants de Bell, mais avec une réduction importante de leurs salaires et conditions de travail. Pour la prochaine année, Vidéotron va maintenir les salaires actuels des techniciens chez Alentron. Par contre, leur semaine de travail va passer de 35 à 40 heures et dans un an, leurs salaires devront être renégociés avec la direction d'Alentron. Il est à prévoir qu'ils seront ramenés à parité avec les techniciens d'Entourage, et donc réduits dans certains cas de plus de moitié (de $17 à $29 l'heure, aux $12 que reçoivent les techniciens d'Entourage).

L'intégration organique des syndicats à l'appareil de gestion capitaliste est allée de pair avec la subordination politique de la classe ouvrière québécoise au parti de la grande entreprise qu'est le Parti Québécois. C'est ainsi que tout au long du conflit à Vidéotron, la direction syndicale a multiplié les appels, non pas au mouvement ouvrier, mais au gouvernement péquiste. Et ce, juste au moment où la popularité de ce dernier est en chute libre, sa politique de démantèlement de la santé et de l'éducation au nom du «déficit zéro» ayant été rejetée par tous, sauf l'élite financière.

Le fossé entre les travailleurs et leur direction syndicale n'a jamais été aussi large. Dans le conflit opposant Quebecor à ses employés de Vidéotron, l'une des formes que prend cette aliénation est l'action individuelle sous la forme du vandalisme. Bien que ce soit le produit des trahisons de la bureaucratie syndicale qui ont jeté certains travailleurs dans un profond désespoir, le vandalisme ne constitue aucunement une alternative. En plus de faire le jeu de la compagnie qui peut ainsi justifier son appel aux tribunaux et à la police, c'est une réponse individualiste à un conflit de classe que seule une perspective basée sur la mobilisation indépendante de la classe ouvrière peut dénouer.

La classe ouvrière a besoin d'une nouvelle perspective et d'une nouvelle organisation politique capable d'exprimer ses intérêts objectifs. Les grèves et autres formes d'action militante sont des armes nécessaires dans l'arsenal de la lutte de classe. Mais en elles-mêmes, elle sont insuffisantes pour stopper l'assaut mené contre les emplois et le niveau de vie. Elles doivent être combinées à une lutte politique, menée par la classe ouvrière, non seulement contre tel ou tel employeur mais contre le système de profit en son ensemble.

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